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Des travailleurs sociaux et des militants associatifs ensemble pour demander des places d’hébergement, un "plan hiver" à la hauteur

La préfète de la Loire joue avec le froid

Fin de non recevoir aux demandes de la délégation en Préfecture lors du rassemblement du 6 décembre

mercredi 11 décembre 2013

Entre 100 et 150 personnes ont participé au rassemblement ce vendredi 6 décembre entre 12H et 14H. Quelque chose d’assez inédit puisque pour la première fois les travailleurs sociaux et les réseaux associatifs se retrouvaient ensemble sur la place publique pour demander les moyens permettant d’héberger correctement pendant cet hiver les familles sans hébergement.


Une délégation a été reçue en préfecture par la directrice de cabinet de Mme la préfète, Mme Trimouille, le directeur de la DDCS, M Feutrier, et la directrice adjointe de la DDCS.
8 personnes composaient la délégation, dont 4 travailleurs sociaux et 4 personnes représentant RESF, le collectif « Pour personne ne dorme à la rue », la Passerelle, la CGT.

Que retenir de cette entrevue ? Une discussion somme toute assez surprenante, entre la délégation portant des exemples concrets illustrant comment les choses se passent dans la réalité, et la directrice de cabinet accompagnée des responsables de la DDCS, visiblement en difficulté et à cours d’arguments, essayant quand même de nier l’évidence, et refusant de répondre aux demandes précises pour améliorer les choses. En tout cas, quand les travailleurs sociaux parlent de ce qu’ils vivent, la préfecture et la DDCS sont en difficulté pour défendre leur politique.

En préambule à la discussion, Cyrille Bonnefoy a expliqué en quoi cette initiative, construite entre des travailleurs sociaux et des associations, est inédite, d’autant qu’elle va se poursuivre dans la durée. « Il y a une double rupture :
- rupture dans le dialogue avec l’absence totale d’information et de concertation, l’opacité sur les moyens du plan hiver 2012-2013 ;
- rupture aussi entre ce que dit publiquement Mme la préfète, bien différent de ce que vivent les travailleurs sociaux dans le quotidien. »

Prenons les différents aspects de la discussion (un compte rendu un peu en vrac) :

1- Le plan hiver n’est pas à la hauteur des besoins :

1200 personnes sont sans hébergement dans la Loire.
Les responsables de la DDCS doutent de ce chiffre, ils nient que cette évaluation provienne de leurs services. « Alors à combien estimez vous le nombre de personnes sans hébergement ? ». Pas de réponse.

Les travailleurs sociaux témoignent pourtant du grand nombre de familles sans hébergement :
- Les familles concernées se débrouillent dans leurs réseaux. Elles se font héberger plus ou moins provisoirement par des amis, de la famille plus ou moins proche. Ainsi à l’UDAF les travailleurs sociaux ont constaté une explosion des dépenses d’eau, d’électricité, de chauffage, dans les budgets des familles qu’elles suivent, tout simplement parce que le logement est occupé maintenant par plusieurs autres familles.
- Des familles avec enfants squattent des greniers, des caves, vivent sur des paliers.
- Maintenant les motifs d’hospitalisation ne sont pas toujours médicaux. Ils sont aussi sociaux. Il se développe des stratégies d’adaptation chez les personnes mises en précarité.
- « Hier j’avais 10 personnes à la permanence de la Passerelle sans hébergement. »
- Quand on appelle le 115 on a quasiment toujours des réponses négatives ou alors on demande d’appeler après 20H.
- Les algécos sur St Étienne étaient bénéfiques pour toute une population, et ils ont été supprimés.

Réponse de la directrice de cabinet :
Les fonds ne sont pas extensibles. Actuellement les capacités d’hébergement disponibles ne sont pas saturées puisque des places d’hébergement sont vacantes.
Même argument repris par la directrice adjointe de la DDCS. Elle est étonnée que des personnes soient sans hébergement puisqu’il y a des places vacantes au gymnase de la Perrotière.
Réponse des travailleurs sociaux : Cet hébergement n’est pas adapté puisqu’il est uniquement ouvert de 20H à 8H du matin, et toute la journée les familles sont dehors.
Réponse du directeur de la DDCS : « Ce gymnase peut être ouvert toute la journée mais seulement en période de grand froid ». Ce n’est pourtant pas le cas actuellement malgré les températures hivernales.

Un travailleur social : une famille va être mise dehors d’un CHRS à Montbrison ce 23 décembre. C’est la première fois qu’on met ainsi dehors une famille pendant la période hivernale.
Réponse du directeur de la DDCS : ils ne sont pas mis dehors, ils ont 5 nuits d’hôtel et après ils pourront rejoindre le gymnase à la Perrotière !

Un représentant d’association :
Comment se fait-il que les places mobilisables baissent dramatiquement sur la ville de St Étienne alors que c’est là que la majorité des familles font leurs démarches ? C’est quand même problématique que 100 places soient ouvertes sur la commune de Boën de 3200 habitants à 60 km de St Étienne. Cela équivaut à ouvrir 5500 places sur la ville de St- Étienne. Quelle est cette invention abominable d’ouvrir 90 places itinérantes dans l’agglomération roannaise ?
Le plan hiver c’est 300 places, 359 dit la préfète c’est donc au mieux 16 % de plus que l’an passé et 13 % de moins en deux ans, alors que les besoins ont explosé.

Réaction de la directrice de cabinet :
Il n’est pas facile de convaincre des élus d’accepter des hébergements sur leurs communes.
Il y a un gros problème de moyens. Les moyens ont augmenté mais ils ne sont pas extensibles. Si on pouvait mettre tout le monde à l’abri 24H sur 24 on le ferait.
Aucune réaction sur les chiffres avancés montrant la faiblesse des places d’hébergement ouvertes.

2- Le 115 a reçu des consignes discriminant les personnes dans l’accès à l’hébergement :

Les travailleurs sociaux témoignent par des exemples concrets que le 115 a des consignes discriminant les personnes en fonction de leur situation ou de leur nationalité. « Lors d’un appel pour un roumain la réponse du collègue du 115 a été : Tu sais bien que les familles roumaines ne sont pas prioritaires ». Autre témoignage : « le 115 refuse aussi les gens avec des chiens, qui du coup sont dehors » . « Je suis choquée qu’on priorise ainsi des vies humaines plus que d’autres » s’indigne un travailleur social.

Réaction de la directrice de cabinet :
« Jamais la préfète ne cautionnera des choses pareilles. Les gens n’ont aucune instruction pour faire ça ». Pourtant le 115 est sous l’autorité de la DDCS elle même sous l’autorité de la préfecture. Alors, qui donne ces consignes ? La question est posée au directeur de la DDCS... Silence.

Un travailleur social : Du fait des réponses négatives du 115 il y a eu 50 % d’appels en moins au 115 dans les derniers 15 jours jours. Beaucoup de gens, mais aussi de professionnels n’appellent plus par découragement. La logique générale est bien de réduire l’offre pour réduire la demande, réduire l’expression des besoins, et le résultat ce sont des gens qui sont mis en grand danger, réagit le représentant de la CGT. Quelqu’un a parlé d’un risque de drame.

3 - Une totale opacité dans l’élaboration et le fonctionnement de ce plan hiver :

Toutes les années, invitation est faite, aux travailleurs sociaux et aux directeurs et présidents d’associations, en amont de la mise en place du dispositif d’hébergement, pour discuter de l’adaptation aux besoins et à la population concernées. Pour la première fois cette année les travailleurs sociaux les travailleurs sociaux ont été exclus de toute concertation.
Un travailleur social : « Nous recevons des informations contradictoires : par exemple une information donnée le 31 octobre par le SIAO et une autre information différente 15 jours plus tard. Comment faire notre travail ? ».
Réaction de la directrice adjointe de la DDCS : faites remonter vos remarques à vos directeurs, nous travaillons avec eux et avec les présidents d’associations.
La présidente de l’association la Passerelle, présente dans la délégation, confirme pourtant que cette année elle été invitée nul part. C’est aussi apparemment le cas du président de l’association Rimbaud.

A la fin de l’entrevue, un travailleur social insiste : “nous voulons pouvoir faire correctement notre travail, nous voulons donc être associés au fonctionnement de ce plan hiver, nous souhaitons la mise en place d’une concertation, pouvoir travailler avec les services préfectoraux, que les travailleurs sociaux soient à nouveau invité au CTVS”
Pas de réponse. Alors que la directrice de cabinet mais fin à l’entrevue, la directrice adjointe de la DDCS répète simplement : « vous n’avez qu’à faire remonter vos remarques à vos directeurs. »

Comme l’a rappelé Cyrille à la sortie de la délégation : « Les paroles ne sont pas à la hauteur, on réduit l’offre et ainsi on réduit la demande. Ils sont dans une stratégie de ne pas voir. Il est nécessaire de continuer d’appeler le 115 pour que les besoins s’expriment. »
Visiblement la préfecture est en difficulté pour défendre son plan hiver. Oui les places ouvertes sont insuffisantes, oui elles sont inadaptées dans leur majorité. Oui il est nécessaire que se mette en place une concertation avec les travailleurs sociaux et les associations.
Alors Mme la préfète va-t-elle en rester là , ou va-t-il y avoir des améliorations ? En tout cas il va falloir continuer et approfondir cette coopération entre travailleurs sociaux et militants associatifs. La pertinence et l’efficacité qu’elle donne à l’intervention de chacun met déjà la préfecture en difficulté. Elle est de nature à faire bouger les choses.

Georges Günther

Voir également http://stockinfos.over-blog.com