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Etat d’urgence, déchéance de nationalité : pour nous c’est Non !

Georges Günther (Réseaux citoyens) : "un état d’urgence démocratique, social, écologique"

lundi 1er février 2016

Intervention de Georges Günther (Réseaux citoyens de St-Etienne) samedi 30 janvier Place Jean Jaurès

Ainsi le président de la République et le 1er ministre veulent prolonger trois mois de plus l’état d’urgence, soit jusqu’au 26 mai. Plus de 6 mois sous état d’urgence ! Plus de 6 mois sous un régime d’exception qui restreint les libertés et remet en cause des fondements de la démocratie. Il est extrêmement dangereux que ce régime d’exception s’installe dans le temps, qu’on y habitue la population.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la volonté de construire, au nom de la lutte contre le terrorisme, un régime autoritaire et répressif. Plusieurs mesures proposées par le gouvernement y concourent.

La prolongation de l’état d’urgence, sa constitutionnalisation avec la déchéance de nationalité pour les binationaux qui restent. Et aussi la modification du code pénal avec un projet de loi inscrivant dans le code pénal des mesures propres à l’état d’urgence, le droit commun se rapprochant ainsi de dispositions spécifiques à l’exception. Il ne s’agit plus de mesures d’exceptions mais de la volonté de mettre en place quelque chose de durable, de permanent.

La dérive autoritaire est bien là. Il est extrêmement dangereux de voir ainsi délégitimer nos libertés.

Contrairement à l’argumentation du gouvernement, la constitutionnalisation de l’état d’urgence ne permet pas de mieux encadrer ce régime d’exception. C’est même tout le contraire. Comme l’a révélé le Conseil d’état dans son avis du 11 décembre dernier, elle permet l’adoption par la loi, pour les périodes d’état d’urgence, de « mesures renforcées ». Donc de mesures davantage attentatoires aux libertés fondamentales.

De plus la définition dans cette loi constitutionnelle des circonstances justifiant la déclaration de l’état d’urgence (« péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ») reste particulièrement vague et laisse ainsi la porte ouverte à des interprétations extrêmement diverses. Un arme de plus aux mains de gouvernements d’extrême droite ou de droite extrême.

On retrouve très souvent maintenant dans la rédaction des textes de lois les termes comme : "Dont on a les raisons de penser que...". Ce ne sont plus les actes qui peuvent entraîner des remises en causes des libertés, mais "si on a des raisons de penser que...". C’est-à-dire si la police, le pouvoir préfectoral, le pouvoir, "a des raisons de penser que...". Potentiellement tout individu pourrait être ainsi considéré comme suspect. Un délit d’intention en quelque sorte.

C’est tout ce contexte qui permet et crée les conditions pour des décisions aussi graves que la condamnation à 24 mois de prison dont 9 mois fermes pour 8 syndicalistes de Goodyear, qui n’ont fait que défendre leur emploi, leur avenir et celui de leurs familles.

Nous sommes devant une surenchère sécuritaire irresponsable qui constitue une menace majeure pour la démocratie et la vie quotidienne, sans que pour autant ces mesures soient efficaces pour assurer notre sécurité. Une surenchère qui fait le lit de l’extrême droite.

Oui il est nécessaire d’obtenir la levée de l’état d’urgence, d’empêcher sa constitutionnalisation, d’agir contre la dérive autoritaire. Et aussi d’empêcher l’inscription dans la constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux. Une mesure de l’extrême droite. La dernière proposition du gouvernement est encore plus grave puisqu’elle étend cette déchéance non plus seulement pour « un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation » mais pour un délit.

Incapable de nourrir l’espoir le pouvoir joue sur la peur.

Nous devons construire un autre chemin que celui qui nous est proposé. Un autre chemin que celui de l’autoritarisme, de la stigmatisation d’une partie de la population, des politiques identitaires, des inégalités et de l’aggravation de pauvreté. Un autre chemin que celui des postures martiales et de la guerre. Continuer ainsi c’est nourrir le terrorisme et non le combattre.

C’est sur le terreau des inégalités, des discriminations, des dignités bafouées, des injustices ici et dans le monde, de l’absence de perspectives, que le terrorisme peut recruter et non sur le terreau religieux qui vient seulement le recouvrir. La violence pousse et prolifère sur la misère et les inégalités.

Nous avons besoin d’une autre politique qui arrête de faire la courte échelle à l’extrême droite.

Construire cette alternative c’est développer nos résistances et nos constructions alternatives dans tous les domaines, nos actions associatives et syndicales sans se laisser intimider par le contexte liberticide.

C’est remettre au centre de nos efforts et du débat public les questions sociales, les injustices et les inégalités, la souffrance populaire grandissante. C’est mettre en débat et faire grandir de nouvelles conceptions économiques et sociales, démocratiques, écologiques.

Notre responsabilité est de dégager le chemin pour transformer la société dans le sens de la justice et de la liberté. Il s’agit de se donner le calendrier d’une république de l’état d’urgence démocratique, social, écologique. Un calendrier de propositions concrètes qui s’attaquent à la souffrance populaire en affrontant les oligarchies, les intérêts de multinationales au lieu de gérer leurs affaires.

Georges Günther