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Privatisation de la gestion de la ligne a grande vitesse Paris-Bordeaux

Contre les Partenariats Public-Privé, maîtrisons l’investissement

mercredi 22 mars 2017, par Georges Günther

Le Président de la République a inauguré le 28 février dernier, la ligne à Grande vitesse Bordeaux-Paris. Particularité : elle sera gérée par le groupe Vinci dans le cadre d’un Partenariat Public Privé (PPP) le plus important d’Europe. C’est la première fois dans l’histoire moderne de la SNCF qu’une infrastructure ferroviaire dédiée à la grande vitesse va être concédé à une entreprise privée.

Vinci qui a aussi été le constructeur de la ligne par une de ses filiales (LISEA) en sera donc l’exploitant concessionnaire pour 50 ans (de 2011 à 2061) via une autre de ses filiales (MESEA).

Si le coût total de l’investissement s’est élevé à 7,8 Milliards d’€, LISEA n’en a assumé que 3,8 Mds dont 2,2 Mds ont été empruntés avec la garantie de l’Etat. Le reste a été amené par la SNCF Réseau (propriétaire de la voie) pour 1 Md d’€, et par l’Etat, l’Union Européenne et les collectivités locales pour 4 milliards. Quant aux aménagements annexes, indispensables à l’exploitation de la ligne, soit 1,2 Md d’€, ils sont payés par la SNCF.
En résumé sur un investissement réel de 9 Mds d’€, Vinci en finance 3,8 Mds soit 42 %. Et c’est au nom de ça que l’exploitation lucrative de la ligne lui est concédée, pour 50 ans !

Parce que l’opération promet d’être très lucrative pour Vinci mais catastrophique pour la SNCF.

SNCF mobilité devra acquitter un péage auprès de la filiale de Vinci, et non auprès de SNCF Réseau comme c’est le cas sur la majeure partie du réseau français. Un péage qui dépendra non pas du nombre de voyageurs transportés, mais du nombre de trains qui circuleront : 7 000 euros en moyenne par voyage, environ 22 euros par kilomètre (beaucoup plus que sur les LGV actuelles, 50 % de plus que sur la ligne Paris-Lyon). Pas étonnant que Vinci a bataillé pour obtenir le maximum d’allers-retours. Une bataille gagnée : alors que la SNCF Mobilité proposait 13 allers-retours directs quotidien, LISEA en exigeait 19, finalement l’Etat à tranché pour 18,5. Vinci s’assure ainsi 250 millions d’€ de revenus par an. C’est la SNCF Mobilité qui va supporter le coût de la circulation de trains a moitié vides. Son PDG estime les pertes pour les 6 derniers mois de 2017 à 90 millions d’€ (conférence de presse du 27/02/2017), qui pèsera forcément sur le prix des billets.

Résultat : socialisation des pertes et privatisation des profits, avec un aménagement du territoire, la maintenance et la sécurité des voies sous pression des exigences de rentabilité de multinationales. Et d’autres LGV vont faire l’objet de ce type de Partenariat Public-Privé : la ligne TGV Ouest entre Le Mans et Rennes a été confiée au groupe du BTP Eiffage, et Bouygues a remporté le nouveau nœud ferroviaire Nîmes-Montpellier.

Pour le gouvernement et les dirigeants de la SNCF, on ne pourrait pas faire autrement par manque de moyens financiers et en raison de la dette déjà importante de SNCF Réseau.

Nous serions donc condamnés à passer sous les fourches caudines des investisseurs privés qui ont accumulé des sommes considérables préemptées sur les richesses produites par le travail des salariés dans divers secteurs.

C’est taire ce que nous avons su faire, et ce que nous faisons encore grâce à la cotisation sociale, pour mobiliser les sommes nécessaires nous permettant de maitriser l’investissement sans se mettre sous domination des exigences de rentabilité d’investisseurs privés.

Les CHRU ont ainsi été créés et se sont développés, nous y avons investi des sommes considérables dans des équipements modernes et performants, sans recourir au marché des capitaux, sans le crédit. C’est la cotisation sociale qui a financé en très grande majorité ces investissements. C’est la cotisation sociale qui a financé (et qui continue encore en grande partie à le faire) les salaires des dizaines de milliers de personnels soignants de l’hôpital public. Jusqu’à encore récemment les hôpitaux publics n’avaient pas à s’endetter auprès des banques, à rembourser des crédits et des intérêts, avec la dégradation que l’on connaît aujourd’hui.

La cotisation sociale nous permet de mutualiser environ 350 Mds d’ € de la valeur économique créée, pour le financement de la protection sociale et de la santé (soit 18 % du PIB). Une partie non négligeable de la valeur économique échappe ainsi à la centralisation capitaliste via les dividendes versés aux divers actionnaires, grandes banques et autres fonds de pension.

Trouver les fonds pour les investissements nécessaires à l’aménagement du territoire comme à d’autres enjeux sociaux et écologiques, sans se mettre sous la pression des exigences de rentabilité de grandes multinationales, nécessite d’élargir cette mutualisation de la valeur économique en étendant la cotisation sociale.

Réseau Salariat propose de créer une cotisation économique égale à 25 % de la valeur ajoutée, versée à des caisses gérées démocratiquement qui subventionneraient les différents projets d’investissement des entreprises publiques ou privées qui se passeraient ainsi du crédit, des actionnaires et de leurs exigences de rentabilité.

Contre les Partenariats Public-Privé, nous pourrions ainsi maîtriser l’investissement en fonction de critères sociaux, environnementaux, d’aménagement de nos territoires.

Georges Günther

Pour aller plus loin :
- Brochure de réseau salariat : "Caisses d’investissement et monnaie"

- "Contester le pouvoir des actionnaires sur l’utilisation des richesses produites"