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Le choix d’un modèle agricole : clé de voûte de la vie sur le territoire

samedi 29 janvier 2005, par Sylvette Escazaux

(*Ce texte est aussi une contribution à la préparation de l’atelier "Education, alimentation et santé publique" qui aura lieu samedi 5 février au FSL de St-Etienne...)

Aujourd’hui le choix crucial qui doit être prononcé à l’échelle locale est : quel modèle d’agriculture voulons-nous sur notre territoire ? Car de ce choix découlent tous les autres choix. Pourquoi ? Parce que le rapport à la terre est ce qui constitue nos racines, et que la société se déploie selon la nature de ce rapport. Plus le contact avec la terre est étroit, intime, plus les valeurs culturelles sont en accord avec la vie. Moins ce contact est étroit, plus il se distend, et plus les valeurs culturelles se trouvent en désaccord avec la vie. Le choix d’un modèle agricole ne se résume donc pas à un certain type de production de nourriture mais à un certain type de production de valeurs et donc de société.

L’articulation de l’agriculture et des autres activités sur le territoire

Le paysage physique d’un territoire est déterminé par le relief, le climat, l’agriculture, et l’architecture. Le relief et le climat ne dépendent pas de nous (sauf pour leur détérioration !). En revanche, l’agriculture et l’architecture vont refléter les choix des hommes sur le territoire. Plus et plus, le paysage des divers territoires tend à s’uniformiser. Partout, les agglomérations moyennes sont entourées de zones industrielles et commerciales fleuries d’une débauche d’enseignes publicitaires et leur abord devient similaire du Pas de Calais à la Catalogne. Les villages eux-mêmes s’entourent de lotissements identiques construits sur des terres cultivables. Architecture « rentable » et agriculture « rentable » vont achever bientôt d’instaurer partout en France et dans le monde le reflet de la pensée unique. Cette perte de la diversité est directement liée à la perte des cultures diverses, à la perte de l’autonomie des territoires. Le territoire ne retirant plus sa substance de son activité agricole diversifiée, n’étant plus à même de nourrir sa population, est contraint d’accueillir toujours plus d’industries. L’urbanisation des zones agricoles s’intensifie rendant ainsi le retour à l’agriculture plus et plus problématique, voire impossible. Petit à petit, l’agriculture se concentre dans d’énormes bassins spécialisés aux mains des géants de l’agroalimentaire et de la distribution et les campagnes autour sont livrées à une spéculation scandaleuse les transformant non plus en lieu de vie mais de villégiature ou d’investissement, inabordables pour les petits paysans. C’est à dire qu’il sera bientôt impossible aux jeunes paysans de s’installer nulle part si une politique de ré-appropriation du territoire n’est pas mise en oeuvre très rapidement.

La présence d’une population conséquente de paysans sur le territoire, particulièrement dans les zones de montagne, garantissait un nombre de « services » inestimables sans coût pour la société : entretien des canaux d’irrigation et préservation des sources, entretien des pâturages, nettoyage des forêts et des sentiers, entretien des murs au bord des chemins. Aujourd’hui, la disparition des paysans se paie : incendies dus au manque d’entretien, inondations dues à l’érosion des sols et à l’affaissement des murs, disparition de nombreuses sources, disparition des terres arables entraînées par les ruissellements. A la place, des entreprises exécutent les travaux de première nécessité : elles débroussaillent au bord des routes à grand renfort de broyeurs déchiquetant les arbres sur leur passage, curent les fossés à la pelleteuse, tracent des coupe-feux au bulldozer, et, ignorantes du terrain sur lequel elles travaillent, contribuent à ensevelir des sources, affaisser des murs... pour des coûts rendus exorbitants par l’utilisation d’engins lourds et de personnel qualifié pour les conduire.

La présence d’une population conséquente de paysans sur le territoire garantissait également la présence d’écoles, de bureaux de poste et d’une épicerie dans chaque village. Aujourd’hui des ramassages scolaires très coûteux doivent être mis en place pour emmener les enfants dans des écoles souvent surchargées, dans lesquelles règne une culture plus urbaine à laquelle ils sont obligés de s’adapter ; les bureaux de poste ne sont plus accessibles aux personnes trop âgées, ni les commerces. Les villages se meurent mais voient leurs charges augmenter en raison des infrastructures nécessaires au tourisme les deux mois d’été : le ramassage des ordures ménagères par exemple, qui ne nécessiterait qu’un petit investissement dans l’année, exige d’énormes bennes pour faire face à la multiplication parfois par dix ou cent de la population l’été. De même pour l’eau, le téléphone et l’électricité. La spirale du dépeuplement et de l’augmentation des coûts n’en finit pas d’épuiser les campagnes, de les vider de leur substance et d’instaurer des rapports artificiels et éphémères au territoire dans l’imaginaire de ceux qui restent comme de ceux qui arrivent. Le territoire perd toute son autonomie, jusqu’à l’eau - ressource vitale s’il en est - dont la gestion se trouve confiée aux multinationales faute de moyens locaux ou tout au moins de politique réfléchie de reprise en main de l’autonomie.

Ceci est valable au moins pour tout le Sud de la France qui devient, en accord avec les projets des bureaucrates de Bruxelles, une vaste zone résidentielle pour touristes fortunés entretenue par une population de plus en plus précarisée et qui doit s’expatrier vers les grandes villes pour trouver du travail. La perte d’un tissu rural vivant va donc bien au-delà du fait de ne trouver que des aliments dénaturés dans les supermarchés : cette perte nous mène à la ruine, à l’impossibilité de vivre autrement que comme la pensée unique en a décidé, autrement que comme les esclaves d’un système auto-destructif.

Le modèle conventionnel : produit d’une logique de mort

Le choix de l’agriculture conventionnelle signifie aujourd’hui la disparition programmée de la petite agriculture (le Portugal a perdu 60% de ses petites exploitations depuis son entrée dans l’Europe, la France 30% dans le même temps), le contrôle par les lobbies des biotechnologies, de la chimie et de l’agroalimentaire et la concentration de la grande distribution : une orientation qui s’accompagne d’une industrialisation croissante et de la délocalisation de l’agriculture. Il ne peut en être autrement puisque la seule finalité de l’agriculture conventionnelle est de permettre à ceux qui l’ont encouragée de réaliser toujours plus de profits dans un monde soumis à la concurrence acharnée sans aucun égard pour les conséquences. Tout cela aura des répercussions dramatiques sur la vie humaine, sociale, culturelle, économique et politique et sur l’équilibre écologique de nos régions si nous laissons faire, et laisser-faire‚ constitue un choix en soi.

Les modèles en présence se réduisent à deux grandes orientations antinomiques : le modèle de l’agriculture conventionnelle et le modèle de l’agriculture biologique ou biodynamique. Entre les deux ne se trouvent que des tentatives mal dissimulées de faire des compromis impossibles (agriculture raisonnée). Car au choix d’un modèle ou de l’autre correspond directement un choix de société. La question de la différence entre les deux modèles ne se résume en effet pas à l’utilisation ou la non-utilisation de produits chimiques, mais à deux conceptions totalement irréconciliables : contre la vie ou pour la vie ? Prétendre protéger la biodiversité en entourant de verdure les monocultures (parfois OGM) arrosées de pesticides et d’intrants chimiques, est une vaste duperie.

Pouvons-nous appliquer à la vie la même logique que celle qui sert, par exemple, à gérer des stocks de billes ? Que se passe-t-il si nous le faisons ? Eh bien nous dirons que nous allons produire un maximum à l’hectare avec un minimum de main d’oeuvre dans un minimum de temps pour un prix minimal afin de rentabiliser nos billes ! Et si nous ne pouvons pas réussir cet exploit sur place, eh bien nous irons le faire ailleurs, là où la terre, la main d’oeuvre et les charges sociales sont moins chères. Le seul problème est que, précisément, c’est la vie que nous sommes en train de gérer ainsi et que la logique de la vie n’obéit pas aux mêmes principes que ceux de la logique économique : la logique de la vie veut que nous tenions compte de TOUS ses aspects. Et si nous feignons de les ignorer, la vie se chargera de nous rappeler que nous ne pouvons pas continuer à transgresser indéfiniment ses lois. Cancers, allergies, maladies auto-immunes, ESB, réchauffement et désordres climatiques, disparition de nombreuses espèces, famines, violence urbaine... on pourrait citer toutes les conséquences du fait d’ignorer ce qui est vital.

Le modèle de l’agriculture conventionnelle est fondé sur la logique économique libérale qui, sous prétexte de « rationalité », traite le vivant comme un objet, une marchandise, source de profits. Ce modèle s’est imposé non pour répondre aux besoins alimentaires de l’humanité, comme il le prétend, mais pour satisfaire aux besoins d’expansion des industries de la chimie et de l’agro-alimentaire. Il s’est imposé également, chez les petits paysans et jusque chez ceux qui cultivent un petit potager pour leur agrément, en raison du mythe dont il est porteur : celui du « progrès », de la domination sur la matière. Muni de pesticides et d’outils mécanisés, l’homme est devenu un conquérant, triomphant à la fois de la résistance de la nature et de l’exclusion sociale. N’oublions pas en effet l’humiliation des générations de petits paysans qui, après guerre, se sont retrouvées stigmatisées comme « arriérées » lorsque les sirènes de la modernité ont aspiré les enfants de paysans vers les villes. Travailler « à l’ancienne » n’était plus alors digne de respect mais de mépris : cela signifiait forcément une incapacité à s’inscrire dans la modernité. Au respect pour le travail « bien fait » s’est substitué le respect pour le travail « rentable ». Au plaisir de cultiver la terre s’est substituée l’efficacité pour « gagner du temps ». Au respect de ceux qui par leur travail fournissaient une nourriture de qualité à tous s’est substitué l’admiration pour ceux qui « gagnaient gros » en produisant une nourriture toxique.

Le paysan a alors trouvé là de quoi conquérir l’espace physique et l’espace social : en réalisant de grosses productions et donc des profits, puisqu’il pouvait désherber chimiquement et fournir des intrants sans avoir à tenir de cheptel par exemple, en utilisant des outils plus et plus sophistiqués, le paysan s’est hissé au statut d’agriculteur, de chef d’entreprise, capable comme tant d’autres de s’acheter un ou plusieurs symboles d’appartenance à la modernité. La pression du marché et l’enseignement dans les écoles d’agriculture ont largement contribué à renforcer la domination du modèle conventionnel, mais le facteur le plus décisif a probablement été le désir de réhabilitation sociale des paysans, culturellement exclus de la révolution industrielle.

Le train à vapeur de la modernité, au début du siècle dernier roulait pépère. Maintenant il roule à l’allure d‚un TGV et pas mal de conquérants doivent rester sur le quai : la dérégulation des marchés, la concurrence des pays dans lesquels la main d’oeuvre est moins chère, la délocalisation des productions, ont conduit nombre de paysans devenus agriculteurs‚ à la faillite. Aucune politique de reconversion n’ayant été soutenue pour les plus petits d’entre eux, la marche arrière n’est plus possible pour beaucoup en raison de l’appauvrissement des sols, de la contamination par les nitrates et les pesticides, des crédits à rembourser. Une seule solution : accroître la production et délocaliser.

C’est donc vers là que conduisent les objectifs de la nouvelle PAC : toutes les productions qui peuvent être obtenus à moindre coût dans les pays de l’Est ou au Maroc ou ailleurs seront négociées avec ces pays en échange de services que la France sera en mesure de leur fournir.

La concentration dans des bassins hyper-spécialisés n’est donc pas la seule menace, la petite agriculture est également menacée de disparition pure et simple dans le prolongement du modèle conventionnel, car le seul critère de raisonnement est celui de la rentabilité.

Il faut donc retenir de ce modèle qu’il ne broie pas seulement économiquement, mais aussi culturellement : la valeur de l’activité de paysan ne se mesure plus en termes culturels mais en termes strictement économiques. Un paysan qui produit peu et donc « pèse » peu économiquement parlant, se trouve dépossédé de reconnaissance sociale, dépossédé de statut social en dessous d’une certaine surface ou d’un certain cheptel, et dépossédé de terres aussi parfois (particulièrement dans les pays du Sud).

Le modèle conventionnel est donc l’application de la logique économique à tous les aspects de la vie. Mais la vie est beaucoup plus complexe et ne peut être appréhendée sans dommage par une logique aussi réductrice. Cette logique nie les besoins réels, les besoins humains, les besoins de tous les êtres vivants. Cette logique plonge les êtres dans la souffrance, et l’appétit de ceux qui s’en servent pour asseoir leur domination est sans limites.

Choisir le modèle conventionnel à l’échelle du territoire, c’est donc accepter de continuer à souffrir plus et plus dans tous les aspects de la vie. Tous les secteurs d’activité sont également importants. Mais l’acceptation ou le refus - à travers le choix d’un modèle agricole - des besoins réels du vivant déterminera la réversibilité ou l’irréversibilité des processus de destruction engagés. Nous pouvons faire des choix viables dans tous les autres secteurs d’activité, si nous ne déclenchons pas tout de suite un processus de retournement de la situation de l’agriculture, l’incidence des politiques agricoles actuelles compromettra ces activités elles-mêmes, car l’on peut se passer de beaucoup de choses mais pas de manger.

Les coûts exorbitants engendrés - coût de dépollution (pesticides et nitrates), coût de santé (cancers, allergies, stérilités, etc..), coût des subventions, coûts sociaux (chomâge, précarité)- devront être supportés par le territoire et induiront des orientations pour les couvrir... l’implantation d’usines de production toxique (chimique, nucléaire..) par exemple, ou de l’industrie touristique, elles-mêmes génératrices de plus de coût et de destruction.

Si nous bradons notre agriculture en la laissant aux mains des marchands de la planète, nous ne pourrons plus rien défendre. Or, ne nous y trompons pas, derrière les promesses d’une agriculture « compétitive », il n’y a rien d’autre que quelques bassins hyper spécialisés tenus par les géants de l’agroalimentaire. Si nous ne protégeons pas une véritable agriculture bio ou biodynamique cela signifie que nous sommes incapables de protéger la vie.

Contrairement à ce qu’a voulu imposer comme évidence la modernité, les paysans ne sont pas des déshérités, ce sont les gardiens des valeurs de la vie. Sans ces valeurs pour nous guider, nous perdrons toute humanité. Chaque territoire qui redonnera à tout paysan, aussi « petit » soit-il, un statut et une reconnaissance en rapport avec le rôle crucial qu’il joue dans l’équilibre de la société sera un territoire d’avenir.

Choisir la Vie

Choisir le modèle biologique ou biodynamique ne consiste pas à zapper pour changer de chaîne. Ce modèle contient en lui-même l’approche de la complexité de la vie. C’est à dire qu’il nécessite bien plus qu’une réforme agraire. Il nécessite de repenser et de transformer tout ce qui se trouve entre le producteur et l’assiette du consommateur. Par essence, c’est un modèle incompatible avec l’industrialisation de la production agricole et la logique de maximisation des profits. Son but est que chaque ferme soit un lieu qui recrée l’équilibre naturel et social. Par conséquent il s’agit d’une agriculture qui s’attache plus à la qualité qu’à la quantité, à la diversité des productions sur un même lieu, et qui, par conséquent, ne peut fonctionner que dans une structure d’échanges de proximité. On sait qu’il existe des grandes unités de production bio destinées à l’exportation, mais « bio » ne signifie alors plus que « sans produits chimiques ni OGM » et cette garantie ne résistera pas longtemps à la loi implacable du marché. Vraiment bio, c’est forcément local, parce que la vie c’est là où l’on se trouve. Cela n’exclue pas des échanges plus extérieurs mais la réduction du kilométrage alimentaire fait partie des nécessités impératives pour limiter l’effet de serre.

D’aucuns - qui ont des intérêts dans ce discours - voudraient nous faire croire que les performances de l’agriculture biologique, des petites exploitations, sont trop faibles pour nourrir la population croissante. Cela est pur mensonge et les études réalisées [1] le prouvent : les petites exploitations sont jusqu’à 20% plus productives en raison de l’équilibre qu’elles réalisent. Ca et là quelques chiffres (toujours utilisés pour démontrer ses carences) prouvent le contraire. Mais les études sérieuses sont formelles : globalement l’agriculture biologique est plus à même de nourrir la planète alors qu’assurément nous courons à la catastrophe et à des famines sans précédent dans les décennies à venir avec le modèle conventionnel et particulièrement depuis l’introduction des OGM, véritable fléau pour la biodiversité.

Quoi faire concrètement ?

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Cela signifie qu’en choisissant de refuser d’appliquer la logique économique à l’agriculture, en choisissant un modèle qui tienne compte et respecte tous les aspects de la vie, nous affirmons notre indépendance et notre capacité à penser par nous-mêmes les problèmes selon une autre logique.

Faire connaître par tous les moyens créatifs, ludiques et médiatiques à notre disposition le rôle des petits paysans et de l’agriculture bio. Organiser des rencontres, des séjours à la ferme, des échanges de services. Remplacer l’« éducation à » par des échanges qui modifient en profondeur le regard porté sur ce qui est « différent » [2].

Demander aux élus de déclarer la région zone hors AGCS et hors OGM est un pré-requis, même s’il demeure encore symbolique. Car l’AGCS comme les OGM sont la fin de notre indépendance en matière de choix. Si les élus s’y refusent, il est possible de faire circuler de l’information et des pétitions jusqu’à obtention d’un nombre significatif de signatures.

Soutenir le NON au traité de Constitution Européenne et à la directive Bolkenstein, deux textes qui vont donner un appui légal aux pratiques de dérégulation des marchés et de contrôle de la distribution par les géants comme Wal-Mart [3].

Organiser des réseaux locaux d’échanges de proximité réunissant producteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs et consommateurs, dans lesquels les prix seront discutés pour parvenir à des accords équitables pour tous est un premier pas. Les réseaux d’échange direct du producteur au consommateur tels les AMAP peuvent être rapidement mis en place. Mais ils ne couvrent pas à eux seuls l’ensemble de la problématique des échanges. C’est pourquoi des réseaux locaux d’économie solidaire doivent être créés parallèlement pour élargir les négociations locales sur l’échange économique. Ils doivent établir des partenariats avec les politiques pour fournir une aide aux plus défavorisés qui seront sinon les victimes directes de l’établissement de prix réels. (Actuellement les prix des produits sont « faux » car ils ne reflètent pas les coûts réels de dépollution, de santé publique, de rétribution réelle du travail, des subventions à l’exportation, des aides à l’agriculture industrielle, coûts supportés par les contribuables et par les consommateurs à travers les impôts et les taxes).

Organiser la mise en place de la restauration bio dans les cantines scolaires, les hôpitaux, les maisons de retraite en utilisant la production locale. Ceci nécessite d’une part la mise aux normes des ateliers de préparation des repas pour traiter le frais, d’autre part l’installation d’exploitations bio ou la reconversion (processus plus long et nécessitant des aides) en bio. Ces installations soulèvent le problème du foncier (terres et habitations) et de la volonté politique de favoriser ces installations. Il s’agit donc d’une entreprise sur le long terme mais qui doit être commencée dés maintenant avec les parents d’élèves, les enseignants, les personnels soignants, les directeurs d’établissement, les élus et la population.

Organiser des réseaux des consommateurs d’eau pour endiguer la politique de privatisation de ce bien commun est urgent. Les consommateurs d’eau peuvent faire pression sur les politiques pour exiger l’abandon du modèle conventionnel d’agriculture source de pollution considérable (60% de l’eau en France est sérieusement polluée par les nitrates et les pesticides) et pour exiger la protection des sources.

Participer à l’instauration de filières bio sur tout le cursus scolaire dans les lycées agricoles : si les pratiques de l’agriculture bio ne sont pas enseignées, il n’y aura pas de relève suffisante dans les décennies à venir.

Une intervention forte dans la politique d’action sociale : les régions sont appelées dés maintenant à assumer la charge du RMI. Les élus des régions dans leur ensemble ne savent pas comment ils vont gérer cette charge autrement qu’en éliminant ou en dirigeant les RMIstes vers des voies de précarité encore plus grande. La politique de l’emploi au niveau national est désastreuse. C’est le moment de devenir une force de propositions face aux élus en montrant que l’agriculture biologique est potentiellement source de création de nombreux emplois de proximité, (entre autres, car les énergies renouvelables, l’éducation, la santé, l’économie solidaire, etc.. sont aussi potentiellement source de création d’emplois), si elle est aidée en ce sens.

Ces initiatives nécessitent une solidarité entre les différents réseaux au niveau local, national et régional, afin de faire peser le poids de tous les différents arguments lors des négociations avec les politiques.

Nous devons exiger que le critère d’évaluation d’une décision concernant le territoire ne soit plus uniquement celui de la plus-value économique d’une activité. Le critère économique doit être considéré à sa juste valeur et dans de justes proportions, mais il ne saurait supplanter le critère culturel : c’est la plus-value culturelle d’une activité qui doit être prise en compte avant tout, l’économie devant servir les aspirations légitimes des habitants, et non l’inverse. Le « réalisme » ne consiste pas à abdiquer devant la convoitise et le dictat des multinationales, qui nous mènent droit dans le mur, mais à tenir compte de la complexité et des besoins vitaux : le travail d’un petit paysan n’est pas « rentable » selon les critères économiques en vigueur. Il est tout à fait « indispensable » selon les critères écologiques, sociaux, humains, culturels, spirituels...et même selon les critères économiques et politiques si l’économie et la politique remplissaient la véritable mission qui leur incombe respectivement.

Sylvette Escazaux, le 22 Janvier 2005
Membre de Nature et Progrès et du Réseau ATOS-GN3


[1] Voir études du Pr Altiéri - L’Ecologiste n°14
[2] On parle beaucoup d’éduquer les enfants à d’autres habitudes alimentaires. L’éducation n’a-t-elle pas d’influence positive que si elle est nourrie par l’exemple et par l’expérience ? Savoir intellectuellement qu’il est meilleur pour la santé de manger bio peut être culpabilisant ou angoissant pour un enfant si son milieu familial n’est pas en mesure de répondre à ce qui lui a été présenté comme une nouvelle norme. Susciter des rencontres « cuisine bio » dans les cités où petits et grands peuvent mettre la main à la pâte, suivies d’un repas en commun serait sans doute une expérience instructive pour tout le monde.
[3] « L’internationalisation de Wal-Mart a pour but de faire de cette société une marque mondiale (comme Mc Donald’s ou Coca-Cola) monopolisant le secteur de la distribution alimentaire à l’échelle mondiale. Dans les cinq ou six années à venir, cinq à six mille supermarchés de la chaîne pourraient s’ouvrir hors des frontières américaines. Wal-Mart « américanise » le secteur de la distribution dans le monde et exerce un pouvoir économique démesuré. » (Nexus, n°36). L’Europe est en train de s’armer à travers ces textes pour résister à l’assaut de ces géants - en instaurant les mêmes pratiques d’économie sauvage. Tout cela parce que nos politiques, de gauche comme de droite, sont incapables de renoncer au dogme de la « croissance ».