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Rencontres pour "construire Rhône-Alpes ensemble"

Le Conseil Régional affirme une volonté de démocratie participative. Chiche !

Plusieurs centaines de participants dans les ateliers...

lundi 14 mars 2005, par Roger Dubien

Le Conseil régional Rhône-Alpes organise d’ici au 14 avril 11 rencontres "Construire Rhône-Alpes ensemble" dans les 8 départements de la Région (1).
Dans le document très largement distribué, on relève les deux déclarations du président de la région Jean-Jack Queyranne : "Nous voulons construire la Région avec vous. Pour qu’elle soit belle, plus forte, plus juste", et du vice-président chargé de la démocratie participative, François Auguste : "Le conseil régional met la démocratie participative au coeur de sa politique".
L’époque ou le simple fait d’évoquer la démocratie participative provoquait des froncements de sourcils et des réponses offusquées réaffirmant "la légitimité des élus" et agitant la crainte que "ça parte dans tous les sens" est révolue. Nombre d’élus parlent maintenant de "démocratie participative". C’est dans l’air du temps. Reste à savoir ce qu’on entend par là. Et surtout à passer aux expérimentations... Mais il est un fait établi : la démocratie de délégation ne suffit plus et même est en crise .

Les premières réunions tenues expriment la soif de citoyenneté, la force de cette aspiration à participer aux décisions : plus de 700 personnes à Valence, plus de 700 à St-Etienne le 4 mars à l’Espace Fauriel...
La soirée de St-Etienne a montré ensuite qu’il y a des différences d’approches assez profondes entre ceux qui parlent de "démocratie participative".

Le film présenté en ouverture à ces rencontres interviewe environ 170 personnes. Des tranches de vie et d’avis. Pas trop "pub" pour la région. Des problèmes sont pointés (logement, emploi... Un jeune : "à Roanne, tout va bien, sauf qu’il n’y a pas d’emploi pour les jeunes"). C’est plutôt mieux que ce qui se fait à St-Etienne dans le genre, où c’est souvent carrément la séance montage publicitaire pour la politique municipale. Mais bon, la démocratie participative, c’est quand même autre chose que le droit de répondre à la question : "que diriez-vous au Président ?"...
Le débat général qui a suivi a un peu tourné au meeting gauche/droite, comme lors de l’affrontement sur la MAS et la Cité du Design avec le Maire de St-Etienne. Pas terrible. A ce petit jeu d’ailleurs, on tombe facilement dans la confusion, comme lorsque l’ancien président du CCAS de St-Etienne, qui a sabré dans les aides sociales, réussit à se faire applaudir en faisant un "numéro" sur la misère et l’exclusion... Bien joué, bravo.
Mais il y eut aussi l’expression d’exigences et de propositions. Par exemple celles de paysans sur l’agriculture dans l’agglomération stéphanoise. Un agriculteur du Pilat a parlé de la nécessité de créer des circuits courts et montré le problème des prix et de la rémunération du travail des paysans aujourd’hui : si on prend pour base 100 le niveau des prix agricoles en 1970, les prix à la consommation sont à 112 en 2005, alors que les prix payés aux producteurs sont à 44... On comprend pourquoi des fermes disparaissent tous les jours. Il a posé aussi la question du foncier...
Par exemple aussi la demande d’une action déterminée pour la justice sociale, contre les discriminations, l’insistance sur la diversité d’origines de sa population qui est une richesse pour la région...

Concernant l’élaboration de la politique régionale, JJ Queyranne à donné sa façon de voir, plutôt classique :"La démocratie est d’abord l’acte de voter. Mais il y a une demande très forte de participation"... D’où cette idée de demander aux rhône-alpins ce qu’ils attendent.
Façon de voir confirmée à quelques nuances près par F. Auguste, pour qui "la démocratie participative peut donner ce nouveau souffle à la démocratie représentative". Le vice-président parle d’"un processus participatif : une dynamique politique que nous voulons créer...", de "partager les décisions - donc une part de pouvoir - en mettant en oeuvre ensemble le programme sur lequel nous avons été élus, et que l’on peut enrichir..." .
Mettre en oeuvre le programme des élus en l’enrichissant un peu : jusque là, cela ressemble à ce que dit la municipalité de St-Etienne avec la mise en place des 21 conseils de quartiers. St-Etienne va même un peu plus loin avec l’accès donné à une partie du budget d’investissement : 1,5 millions d’euros. Reste bien sûr à voir ce que cela deviendra réellement...
A ce stade, on est quand même très loin de Porto Alegre...
S’il n’est à aucun moment question dans la bouche des élus régionaux de budget participatif, est cependant affirmée une volonté de "construire avec vous des outils permettant de pérenniser cette démarche (participative)". Et c’est un peu le but annoncé des ateliers (2) : récolter des propositions, et notamment du 4ème atelier : récolter des propositions pour la mise en place de cette démocratie participative.

La participation aux 4 ateliers a confirmé ce potentiel de participation citoyenne. Certes, moins de la moitié des présents à la première partie de la soirée est restée aux ateliers, mais plusieurs centaines de personnes sont restées. Et ce sont des dizaines de propositions qui ressortent des ateliers. Que deviendront-elles ? Qui triera ? Seront-elles portées à la connaissance de tout le monde ? Il a été annoncé qu’"il y aura des réponses de la région à court terme". Et "à plus long terme, construction d’un outil pour pérenniser cette démarche."...

Dans l’atelier démocratie participative : une demande de participation réelle aux décisions

Près de 50 personnes ont participé à cet atelier. La discussion a pris la forme d’un tour de table. Ce qui suit n’est pas du tout exhaustif...
A un moment, remarque a été faite (pour s’en féliciter) que la plupart des présents parlaient en leur nom personnel, en tant que citoyens, et non en tant que "représentants" de telle ou telle association ou organisation. Une forte proportion des présents était constituée de personnes impliquées dans la vie associative et citoyenne. Mais la démarche était de parler du contenu, pas de "l’étiquette" de celui qui en parlait, si tant est qu’il accepte d’être étiqueté.

Tout le monde a demandé des possibilités de participation. Ensuite, les "attentes" sont diverses :

 l’accès aux élus et aux moyens de la région...  
- pouvoir avoir un contact direct avec les élus.
- que les associations soient aidées dans leurs projets, que la région crée "un espace" où les associations pourraient déposer des projets et obtenir une aide régionale.
- arrêter avec le cumul des mandats, pour que les élus travaillent et soient accessibles.
- mettre les gens en réseau, en utilisant Internet, dans divers domaines : la culture, les écoles etc...

 Des formes participatives qui ne soient pas contrôlées par les élus...  
Un autre niveau de demande est exprimé par Mme Mounier, de St-Chamond, qui remarque que "c’est quand même beaucoup "consultatif" ce qui est proposé par la région". Et propose la création de "forums citoyens", et d’"ateliers de travail" sur les projets...
Les "forums citoyens" sont des instances composées sur un problème par tirage au sort.
Cette idée est développée par Hervé Mounier, pour qui "la question essentielle est de trouver l’intérêt général", accessible "par des citoyens éclairés". Il pense qu’il faut travailler sur la méthode, et propose des "conférences de citoyens". Il "ne croit pas que le budget participatif puisse fonctionner à l’échelle de la région".

 Une demande de budget participatif  
L’expérience de Porto Alegre est pourtant dans beaucoup de têtes.
Yves Fourets, élu d’une commune du Forez (Cuzieu) remarque qu’en matière de démocratie, "le nerf de la guerre c’est les moyens. Et il existe une expérience : le budget participatif de Porto Alegre". Il faut l’étudier attentivement et s’inspirer de ce qu’ils ont fait, puisque ça marche.
C’est aussi l’avis de Lionel Pontier, membre du conseil de quartier de Terrenoire : "la consultation doit aller jusqu’à la décision. Et il faut aller jusqu’à un budget à dépenser."
Dans le même souci, quelqu’un a demandé que soit publié, avant le vote des citoyens, le diagramme des dépenses publiques proposé par chacun. Comme ça, on voterait sur les différents postes. Ce ne serait plus abstraitement gauche/droite mais : quelles priorités budgétaires ?

 Quels "organismes" de participation mettre en place ?  
Comment faire que les citoyens puissent "participer" ?
Une femme résume comment les choses se passent aujourd’hui : "pour être dans la politique, il faut être élu, et pour être élu, il faut être dans un parti. Les citoyens sont exclus du processus". Elle vient en fait de démonter le mécanisme de la confiscation des pouvoirs (et quand on sait combien de personnes décident dans les partis politiques !...).
Elle fait une proposition : "A coté du conseil régional, il faudrait un conseil de citoyens" pour que tous les citoyens qui le veulent - et qui ne sont pas dans les partis politiques - puissent participer aux décisions.

Le vice-président à la démocratie participative a situé dans ce registre, version consultative, les propositions éventuelles : "Créer un "espace citoyen régional". "Distribuer des questionnaires aux rhone-alpins". Mettre en place "une Assemblée Générale de citoyens à l’échelle régionale". Créer "un conseil citoyen parallèle au conseil régional".
"Les 5 à 6000 personnes qui ont répondu à la consultation de la région vont constituer l’ossature de l’espace citoyen régional" ...Ils pourraient "être consultés une fois tous les 2 ans sur leurs préoccupations prioritaires"... Sur ces 5 à 6000, une assemblée de 100 à 200 environ pourrait être formée". Comment ? Une partie pourrait être tirée au sort. Une partie désignée sur la base du volontariat (tri dans le volontariat ?). Dans cet espace, à côté d’un "collège citoyen", il y aurait aussi des élus et des "partenaires sociaux". Cette assemblée "travaillerait sur 3 à 4 sujets qui préoccupent le plus (voir les engagements du programme, ce qu’a fait la région et des propositions pour modifier cette politique...). Avec une rotation tous les 2 ans pour éviter l’essoufflement"... Elle "donnerait son avis sur les politiques régionales". Mais rien n’est encore fixé : "Je souhaite que vous co-élaboriez avec nous cet espace régional".
Il y aurait aussi le "projet de créer en Rhône-Alpes un forum mondial sur la démocratie participative" (??!!).

Voilà où l’on en est. Pour le moment, pas bien loin, en fait. Il n’est pas dit que cela aille au-delà d’une "consultation" habile un peu plus poussée d’un certain nombre de rhône-alpins par les élus. Mais il n’est pas dit non plus que ça en reste là...

Il faut espérer que ces rencontres ne seront qu’un début. C’est ce que j’ai souhaité pour ma part dans cet atelier...
En disant que des choses sont bien sûr à inventer dans le domaine de la construction démocratique des décisions publiques, et tout ce qui permettra d’associer des citoyens dans les différents chantiers sera bienvenu.
Mais aussi que l’expérience prouve que les choses sérieuses commencent (notamment si l’on veut associer les citoyens qui ne viennent pas à ce type de réunion parce qu’à leurs yeux on ne fait qu’y parler, les décisions étant déjà prises ou prises ailleurs...) quand on s’engage dans une démarche de budget participatif. On le voit bien avec ce qui est engagé (et les difficultés rencontrées) à St-Etienne avec le budget de 1,5 millions d’euros accessible aux projets des conseils de quartiers.
C’est bien le budget participatif qui a été profondément novateur à Porto Alegre.
Sa mise en place suppose l’invention d’institutions participatives vraiment ouvertes à tous les citoyens.

Pour ce qui me concerne, j’ai remis par écrit cette proposition de création d’instances participatives visant à mettre en place un budget participatif régional avec des déclinaisons dans des échelles de territoires à définir. Et d’organisation d’assises annuelles dans les grands domaines de la vie des rhône-alpins (transports, culture, politique sociale, etc...).
On pourrait d’ailleurs commencer tout de suite à préparer ainsi les choix du budget 2006...

Roger Dubien.
conseiller municipal de st-étienne

(1) Après celles de Valence, St-Etienne, La Roche sur Foron (74), Privas (07), les prochaines rencontres se dérouleront à :
42 - Roanne mercredi 16 mars
69 - Lyon jeudi 17 mars
73 - Chambéry vendredi 18 mars
01 - Péronnas mercredi 23 mars
74 - Annecy mercredi 6 avril
26 - Donzère mercredi 13 avril
38 - Grenoble jeudi 14 avril
Plus d’informations sur www.cr-rhone-alpes.fr, rubrique "élus et politiques régionales".

(2) La liste des ateliers proposés :
- Atelier 1 : Emploi, formation, mutations industrielles et technologiques, développement économique et développement durable.
- Atelier 2 : Quelles solidarités ? Transports, disparités territoriales, accès au travail et au logement, aménagement du territoire.
- Atelier 3 : Comment mieux vivre ensemble. Culture, vie associative, pratiques sportives, une région ouverte et accueillante.
- Atelier 4 : Démocratie représentative et démocratie participative : s’impliquer dans la vie régionale, construire ensemble un espace citoyen régional.

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