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Gouvernement Sarkozy2 : construit pour faire une politique ultracapitaliste

jeudi 21 juin 2007, par Roger Dubien

Le gouvernement Sarkozy2 est en piste, bien que les choses ne se soient pas passées tout à fait comme prévues, puisqu’après la victoire aux présidentielles, le raz de marée annoncé aux législatives n’a pas eu lieu. Quelques millions de personnes ont utilisé les candidats “utiles” - la plupart du temps socialistes - qu’ils avaient sous la main pour s’opposer. Cela dit, la victoire de la droite reste : large majorité de députés, et hégémonie dans le domaine idéologique.

Des masques devraient quand même assez rapidement tomber, car ce gouvernement est là pour accentuer la politique néolibérale, c’est à dire ultracapitaliste.

Le fait que 6 de ses membres soient issus de la mouvance PS n’y change rien. Cela ne fait que mettre en évidence la gravité de la défaite de la gauche et la nécessité d’un renouvellement profond.
Kouchner est le symbole de cette dérive et il est révélateur que ce soit sur la politique internationale - qui a toujours été un moment de vérité - que ce consensus autour de la gestion du système soit le plus affirmé, avec sa nomination, mais aussi celles de Jouyet aux affaires européennes et de Bockel à la coopération. Dites Kouchner et voici l’OTAN et le soutien sans limites à la politique des USA, pour désintégrer la Yougoslavie comme pour faire la guerre en Afghanistan, puis en Irak au nom des droits de l’homme (combien de centaines de milliers de morts, et que valent les droits des êtres humains aujourd’hui en Irak ?). Pour appuyer l’occupation et à la guerre israélienne contre les Palestiniens, car le champion du droit d’ingérence et de la confusion entre humanitaire et militaire (Voir la mise au point de MSF : “aucun lien entre MSF et Bernard Kouchner, depuis 1979”) n’a jamais prononcé un mot sur la violation quotidienne des droits humains et du droit international en Palestine.
A gauche, ces ralliements - trahison devraient faire réfléchir. Quand on lâche sur les valeurs, on sait où ça commence, et la suite montre aujourd’hui où ça se poursuit.
Au plan mondial, on peut être sûr que le gouvernement Sarkozy sera un fer de lance des politiques de domination. La récente réunion du G8 en est une péripétie. Gouvernement mondial autoproclamé, le G8 est une instance totalement illégitime. Mais l’ONU, seule instance mondiale légitime est trop aléatoire, bien qu’elle soit largement dominée par les USA. Il y a trop de monde dans cette Assemblée, alors le directoire du monde capitaliste qu’est le G8 est bien plus fiable. Qu’ont-ils décidé à Rostock transformé en bunker avec des milliers de policiers ? Sur l’environnement : du blabla (réduire de 50% les émissions polluantes d’ici 2050 alors que les politiques menées par les pays du G8 qui sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre continuent à les augmenter...). Sur l’aide à l’Afrique, des mots : le doublement de “l’aide” d’ici 2010 - promesse déjà faite en 2005 - alors même que selon l’OCDE et la Banque mondiale cette aide a baissé en 2006. Pas un mot sur les territoires Palestiniens occupés depuis 40 ans et étranglés. Par contre la course aux armements s’accélère, sous l’impulsion des Etats-Unis. “Estimées à 1000 milliards de dollars en 1990 et 1200 milliards de dollars en 2006, les dépenses militaires mondiales devraient atteindre 1500 milliards de dollars en 2007. Les Etats-Unis y consacrent plus de 500 milliards de dollars à eux seuls.” (voir CADTM).

On le savait, il ne faut pas juger les gens sur leur tête. L’entrée au gouvernement de plusieurs personnes “représentantes de la diversité” devrait conduire aussi beaucoup de monde à creuser la question des discriminations et du racisme, celle des droits humains et du mode de développement de la société capable de les assurer pour tous.
Car la “diversité” qu’aime et tolère la droite, c’est celle qui est soumise, aimant bien les places et étant prête à dénigrer les siens pour se faire la sienne. Ou celle qui a fait siennes les valeurs des dominants.
Fadela Amara devient donc ministre dans le gouvernement du karcher et du harcèlement policier des jeunes des quartiers. Avec les félicitations (envieuses) de son collège Malek Boutih totalement acquis à la politique sécuritaire.
D’autres avaient déjà choisi ouvertement le business et l’accession à la classe dirigeante, pour faire une politique de classe. Ministre de la Justice, Rachida Dati va faire passer dès juillet une nouvelle loi qui va faire déborder un peu plus les prisons. Au nom de la lutte contre la récidive : mise en place des peines plancher, y compris pour les mineurs. Mais pas pour les délinquants financiers et autres voyous du système...
Aux affaires étrangères, Rama Yade parlera des droits de l’Homme, pendant que son collègue Hortefeux organisera l’expulsion à tour de bras des sans papiers et de leurs enfants (objectif officiel : 25 000 expulsions en 2007), et aura le dernier mot sur l’accueil des réfugiés, qui d’une question de défense des droits de l’homme devient ainsi ouvertement une question d’immigration et de quotas. Que pense-t-elle des milliers de boat people qui fuient la misère et se noient en méditerranée ? Elle est originaire du Sénégal, mais n’a rien à voir avec Aminata Traoré qui se bat contre le néolibéralisme qui étrangle l’Afrique. Elle aussi a choisi le camp des gagneurs.
Avec ces nominations, Sarkozy pense avoir fait un joli coup auprès de millions de jeunes de familles issues de l’immigration. Faire croire qu’on peut s’en sortir si on le veut. Affirmer que ceux qui adoptent les valeurs des requins ont leur chance. Rien à voir avec une volonté d’égalité des droits et d’une vie digne pour tous. Sarkozy veut moderniser la classe dirigeante capitaliste, métisser et colorer la France d’en haut pour mieux continuer à enfoncer les millions de personnes de la France d’en bas. Dans ce domaine, sa référence n’est pas Martin Luther King, mais Rice et Powel (voir le film : le plafond de verre)

Coté démagogie, on est presque étonnés que Tapie ne soit pas présent, pour que la photo soit complète. Pas totalement absent d’ailleurs puisqu’il était avec Sarkozy dans la campagne, et puisqu’on trouve n°2 du gouvernement son ancien avocat d’affaires, Jean-Louis Borloo, qui s’est lancé depuis dans la carrière politique. Etiquette : “sociale”, contenu : ultralibéral. Avec lui, on passe aux poids lourds.
Ultralibérale, sans perdre de temps à parler du social, la ministre de l’économie Christine Lagarde vient tout droit du monde économique et politique des USA. Elle a déjà profité de son passage éclair au ministère de l’agriculture pour apporter son appui à la création du Mouvement pour une Organisation Mondiale de l’Agriculture (MOMA), un lobby de l’agro-industrie pro-ogm dont on aura hélas à reparler. Et donner avec Juppé le feu vert du gouvernement français à la culture commerciale du maïs Monsanto 810 que l’Allemagne vient de suspendre. Les semenciers qui avaient déjà planté - illégalement - environ 30 000 hectares pourront dormir tranquilles.
Tout juste nommée à l’économie, elle met ces jours-ci la dernière main aux cadeaux aux plus riches et au capital qui seront votés dès cet été.
Cadeaux pour les uns (exonération des droits de succession, remboursements d’emprunts très inégaux suivant la richesse, baisse des impôts des plus riches grâce au bouclier fiscal), et mauvais coups pour les autres : refus d’une augmentation du SMIC, annonce de l’instauration d’une nouvelle franchise sur le remboursement des soins, confirmation du projet d’augmentation de la TVA, mais aussi mise en route officielle du démantèlement de la carte scolaire, nouvelle aggravation du droit des étrangers pour réstreindre encore le droit au regroupement familial, réforme des Universités pour plus de concurrence, de privatisation de la recherche et de sélection des étudiants... Le droit de grève est aussi dans le collimateur avec la loi en préparation sur le service minimum. Parce qu’aujourd’hui le capitalisme a besoin de se débarrasser de la démocratie.
Tout ça est très cohérent. Cela s’appelle une politique de classe.

La force de ce gouvernement et de la droite, c’est que sur le plan des idées, le capitalisme domine lourdement, et qu’en face, il n’y a rien d’assez consistant. Mais ça changera, par la force des choses. D’autant que les mouvements qui participent de l’altermondialisme travaillent et cherchent des chemins pour exprimer dans la sphère politique aussi le mouvement multiforme pour le respect des droits fondamentaux de tous les êtres humains.
Qu’opposer à cette politique de droite extrême ? La résistance quotidienne, l’engagement personnel et citoyen, le renforcement de la puissance de la société civile, le renouvellement de la politique et de la gauche pour sortir de l’impasse du social-capitalisme et inventer un autre mode de développement de la société.
Dans la sphère du pouvoir et de la représentation politique, la bipolarisation est maintenant bien installée. N’est pas tout a fait décidée la question de savoir si dans les prochaines années on n’aura le choix qu’entre deux variantes d’une politique néo-libérale (c’est le sens des pressions pour accentuer le social-libéralisme au PS) ou bien si les choses seront plus complexes et offriront une marge d’action plus grande.
A St-Etienne comme dans d’autres villes, les élections législatives ont permis de sortir des élu-e-s de droite, battus par deux candidats socialistes, maintenant députés.
Cela va donner de l’air aux résistances et aux initiatives des citoyens, qui restent le moteur le plus important. Alors que la droite contrôle la mairie depuis 24 ans, les élections municipales de 2008 peuvent ouvrir une période nouvelle. A bien des conditions bien sûr...
Au travail.