Accueil > Réseau Solidarité Rroms > Les retours humanitaires forcés : un nouveau concept !
Les retours humanitaires forcés : un nouveau concept !
dimanche 28 octobre 2007
- St-Etienne-11 sept.07- Le car de l’ ANAEM-©mpv-dernier adieu-
Le ministre de l’Immigration a bien du mal à atteindre l’objectif de 25.000 reconduites à la frontière qui lui a été fixé pour 2007... Il s’en était justifié en août dernier en mettant en avant « la difficulté d’expulser Roumains et Bulgares », dont les pays sont désormais membres de l’UE, ce qui rend les procédures « plus complexes ». Il vient de trouver une solution : des dispositifs d’aide au « retour humanitaire », instaurés par une circulaire de décembre 2006, ont été utilisés à plusieurs reprises pour habiller des opérations d’expulsion de ces nouveaux citoyens européens.
A Bondy (93) le 26 septembre dernier, à Saint-Denis le 10 octobre, Bagnolet le 24, et dans d’autres villes encore, la police a investi à l’aube des terrains occupés par des Rroms, ressortissants bulgares ou roumains selon les cas, a fait monter les habitants dans des bus affrétés tout exprès, et leur a donné à choisir entre « la prison » ou « l’expulsion immédiate avec l’aide au retour ». Personne n’a été autorisé à récupérer ses affaires, ni à présenter les documents qui auraient pu prouver qu’il remplissait toutes les conditions pour avoir le droit de rester durablement en France. Ceux qui avaient sur eux leurs passeports se les sont vu confisquer. Les bus ont emmené tout le monde directement en Bulgarie ou en Roumanie, quasiment sans faire de halte.
A l’arrivée, des chèques correspondant à la fameuse « aide au retour » ont été remis à chacun des passagers de ces bus, d’un montant de 153 euros pour les adultes et de 46 euros pour les enfants.
Les expulsions de terrains occupés parfois depuis des années par des Rroms, de quelque nationalité qu’ils soient, ne sont pas exceptionnelles. Dès le début de l’été, ces expulsions ont été accompagnées de distribution en rafales d’OQTF (Obligation à quitter le territoire français), motivées de façon plus que fantaisiste. Les opérations de ces dernières semaines sont, elles, d’un genre tout nouveau, où se conjuguent brutalité et mépris total du droit.
Les victimes de ces retours forcés sont en effet des citoyens européens, et depuis janvier 2007, Bulgares et Roumains, à l’instar des ressortissants des dix Etats devenus membres de l’UE en mai 2004, jouissent du droit à la libre circulation en Europe.
En cas de contestation de ce droit en France, il doit leur être remis une OQTF dûment motivée. Seulement voilà : une mesure administrative est susceptible de recours, et la procédure qui s’ensuivrait empêcherait d’exécuter l’expulsion du territoire ou rendrait difficile de l’exécuter rapidement. Or il faut faire du chiffre ! Et peu importe que les personnes chassées reviennent quelques semaines après...
Par bonheur, une circulaire de fin 2006(*) organise des retours dits « humanitaires », gérés par l’ANAEM, pour les étrangers en situation irrégulière ou de dénuement. Quelle aubaine ! Partout en France on s’est empressé d’utiliser ce dispositif.
Certes, la circulaire détaille toute une procédure à mettre en œuvre : information, préparation d’un projet de réinstallation, accompagnement personnalisé avant le départ et le cas échéant à l’arrivée dans le pays de retour. Dans les opérations des dernières semaines, rien de tout cela n’a été respecté : ni vérification du droit au séjour des intéressés, ni notification d’une OQTF, ni information, ni enquête sociale... Rien, sinon les 153 euros, gages apparemment qu’il s’agit bien de la procédure ANAEM de retour « humanitaire ».
Nicolas Sarkozy, lors de sa récente visite en Bulgarie, a déclaré, évoquant le sauvetage des infirmières bulgares, que tout « opprimé (...) devient automatiquement français » !! Le paradoxe entre les larmes versées sur les infirmières bulgares (en Bulgarie) et le traitement réservé aux Bulgares (en France) est aussi éclatant que celui qui associe l’idée d’aide au retour « humanitaire » avec le sordide de ces rafles menées au petit jour, dans la précipitation, sous les menaces et le chantage, avec destruction de tous les biens des personnes raflées... Nouvelle figure de l’humanitaire, ces citoyens européens enfermés à bord de bus roulant à tombeau ouvert ?...
(*) circulaire interministérielle DPM/ACI3/2006/522 du 7 décembre 2006
Signatures :
ASAV
Association de solidarité aux familles roumaines de Palaiseau-Massy-Chilly-Wissous
Association de solidarité Roms Val d’Oise
C.L.A.S.S.E.S.
Collectif d’aide aux familles rroms de Roumanie pour le Val d’Oise et les Yvelines
FNASAT
Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés)
La voix des Rroms
LDH (Ligue des Droits de l’Homme)
PARADA
PROCOM (à Bordeaux)
Réseau de solidarité Rroms de St-Etienne
Réseau Solidarité Roms Val d’Oise
Romeurope
Contact : Claudia Charles, Gisti - 01 43 14 84 83 charles@gisti.org
Messages
1. > Les retours humanitaires forcés : un nouveau concept !, 28 octobre 2007, 15:36
Des responsables onusien et européen demandent des mesures pour protéger le droit au logement des Roms en Europe
Information transmise par Malik Salemkour et le collectif Romeurope
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’europe, M. Thomas Hammarberg, et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable, M. Miloon Kothari, ont fait aujourd’hui (24 octobre) la déclaration commune suivante :
« Les droits au logement des Roms sont bafoués dans plusieurs pays d’Europe. Nos bureaux ont reçu un nombre croissant de plaintes à ce sujet concernant un nombre considérable d’États européens, notamment l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, l’Espagne, la Fédération de Russie, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Roumanie, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie.
La majorité de ces communications font état d’expulsions de communautés et de familles roms auxquelles il a été procédé en violation des normes des droits de l’homme, en particulier pour ce qui est du droit à un logement décent et à la vie privée, des garanties procédurales et des recours disponibles.
Ces dernières années, le sentiment d’hostilité à l’égard des Roms ou l’« antitsiganisme » se sont indéniablement accrus en Europe. Il est regrettable que les actions de nombreux pouvoirs publics - notamment au niveau local - aient consisté à approuver cette intensification de la haine « anti-Rom ». En conséquence, le taux et le nombre d’expulsions forcées de Roms a considérablement augmenté, et la ségrégation ainsi que la ghettoïsation dans le domaine du logement semblent s’être renforcées et enracinées.
Les expulsions forcées s’accompagnent souvent de menaces ou d’actes de violence à l’encontre des Roms. On observe également que les activités des municipalités en matière d’urbanisme sont de plus en plus déterminées à la fois par les impératifs du marché et par un mépris à l’égard de personnes considérées comme des « Gitans ». L’expulsion des Roms des centres-villes - hors de la vue du public - fait en effet activement partie des politiques publiques. Ces questions soulèvent de profondes préoccupations quant à la justice sociale en Europe.
Les principaux instruments internationaux des droits de l’homme qui codifient le droit à un logement décent sont notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte sociale européenne révisée. De nombreux autres traités des Nations Unies ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme et la législation de l’Union européenne dans le domaine de la non-discrimination sont également pertinents.
Le droit à un logement décent est fondamental pour pouvoir jouir d’autres droits. Par conséquent, les violations dans ce domaine ont des répercussions considérables sur la capacité des personnes et des communautés de Roms et de Gens du voyage à jouir effectivement du droit de ne pas subir de traitement dégradant mais aussi de tous les autres droits : vie privée, éducation, emploi, nourriture, santé, sécurité sociale, liberté de déplacement, droits électoraux (droit de vote et droit de se présenter à des élections). Le fait que les Roms vivent dans des bidonvilles a conduit, ces dernières années, à ce que les services ambulanciers refusent d’envoyer des véhicules en cas d’urgence médicale et à ce que la Poste refuse ses services ou ne les assure pas, empêchant les personnes concernées de saisir les opportunités de bourse d’étude et de bénéficier d’autres biens et services.
Le niveau inférieur d’éducation des Roms observé dans nombre de pays européens s’explique souvent par un placement loin d’établissements scolaires corrects ou des expulsions répétées. Le droit au logement est aussi lié à l’inégalité entre les sexes, et la discrimination ainsi que les violences multiples que connaissent les femmes roms doivent être prises en compte lors de la mise en place de mesures positives.
Nous sommes d’avis que des efforts concertés sont nécessaires au niveau national, local et paneuropéen pour mettre fin à la crise du logement qui touche les Roms. La législation, la politique et la pratique doivent absolument être améliorées :
Pour le texte intégral des Directives, voir le document ONU A/HRC/4/18 sur
http://www.ohchr.org/english/issues/housing/annual.htm
Stéphanie DJIAN
Chargée de mission
Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH)
35 rue saint-dominique 75700 Paris
Tel : +33 (0)1 42 75 77 09 (standard)
87 12 (direct)
Fax : +33 (0)1 42 75 77 14
Site Internet : www.cncdh.fr