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La question sociale et la crise écologique sont indissociables.

mercredi 21 novembre 2007, par Raymond Vasselon

L’apparente récupération de « l’environnementalisme » par le gouvernement pourrait laisser penser que l’écologie est « passée à droite » et du coup apporter de l’eau au moulin de ceux qui de droite et de gauche l’accusent d’être un truc de riches. Le bio est assez largement considéré comme un produit de luxe dans les milieux populaires, et certains analystes nous présentent les géants de la grande distribution comme autant d’organisations caritatives qui défendent notre pouvoir d’achat.

Mais il est évident que la crise écologique est un élément supplémentaire de la critique du capitalisme productiviste, d’un libéralisme irresponsable et de la mondialisation marchande, c’est même "le plus grand et le plus large échec du marché jamais vu jusqu’à présent" selon le rapport Stern (qui par ailleurs ne fait que proposer des mécanismes de marché pour en sortir).

Grâce aux combats citoyens l’idée que l’écologie est bien l’affaire de tous a progressée et les problèmes écologiques commencent à être pris au sérieux par la société toute entière.
Cette prise de conscience citoyenne d’une communauté de destin de l’ensemble de l’humanité, d’une responsabilité collective à l’échelle planétaire, de la nécessité de respecter et de partager les biens communs, est fondamentale. Elle constitue la toile de fond, le vivier des constructions alternatives aux politiques égoïstes et sécuritaires.

Cette crise touche d’abord les plus pauvres.
La moitié de la population mondiale vit directement des produits de la terre. Si la terre ne rend plus, ce sont les gens qui vivent avec moins de deux euros par jour qui auront encore moins. L’impact sur l’environnement d’un smicard, d’un RMIste (même le plus inconscient possible) est loin d’arriver au degré de pollution et de gaspillage d’un milliardaire revenu de tout qui achète un airbus pour ses déplacements personnels.
Or ceux qui ne savent plus comment gaspiller l’argent qu’ils gagnent en détruisant la planète veulent comme à leur habitude leur présenter l’ardoise. S’attaquer à cette crise, c’est donc rester dans le camp des déshérités.

Cela pose la question de l’articulation entre la question environnementale et la question sociale...
Question nouvelle à affronter sans attendre : si la crise écologique n’évacue en rien les questions de l’équité, de la justice sociale, de la démocratie, de la répartition des richesses, celles-ci se posent dans un nouveau cadre, et c’est de celui-ci qu’il faut d’abord prendre la mesure.

Le changement d’époque dont nous sommes bien obligés de prendre acte nous impose de repenser les contenus du clivage qui a modelé l’histoire des deux derniers siècles en départageant la droite de la gauche, le progrès de l’immobilisme.
La question prioritaire que la crise du vivant nous pose n’est plus de savoir seulement « comment répartir les richesses produites » mais de choisir ensemble quelles richesses nous devons produire pour construire un équilibre entre l’humanité et les ressources renouvelables, en même temps que des solidarités de long terme entre génération et territoires.

Pour mener ce travail, qui est en cours, nous ne sommes pas totalement démunis : le diagnostic de la situation est maintenant beaucoup plus clair et accessible. La rencontre des luttes citoyennes, du sens de l’éthique et de la responsabilité d’un nombre croissant d’experts, de la compétence de nombreux journalistes spécialisés est payante.

Le CITEPA, par exemple, a dressé un inventaire de la contribution des grands secteurs d’activités aux émissions de GES (gaz à effet de serre en France) : déchets 3%, énergie 13%, habitat 19%, agriculture 19%, Industrie 20%, transports 26%. Or, dans chacun de ses secteurs et sur chaque territoire, nous pouvons construire des solutions alternatives qui vont dans le bon sens, social et environnemental.
Nous pouvons donc dessiner de nouvelles politiques solidaires non seulement pour protéger mais aussi pour réparer.

Notre communauté d’agglomération peut reprendre en main les cantines scolaires, pour garantir aux enfants une alimentation sans OGM, avec des produits issus de l’agriculture paysanne, et de plus en plus bio. C’est une question sociale, culturelle, mais aussi de santé publique. La restauration collective (dont une grosse partie est contrôlée par des instances publiques) peut travailler à reconstruire des circuits d’approvisionnement et des relations avec l’agriculture paysanne de notre périphérie.

Une nouvelle vision des rapports entre l’agglomération et sa ceinture agricole, qui ne considère pas seulement la campagne comme une réserve foncière pour la croissance des villes, peut prendre en compte les besoins en emploi de l’agriculture paysanne qui sont importants et intéressants. C’est aussi la manière efficace de contribuer à libérer les pays du sud du piège mortel que représente le développement des grandes cultures d’exportation.

Nous pouvons développer les réseaux des transports en commun bon marché en visant la gratuité pour repenser l’impact de l’automobile et des grands camions sur nos modes de vie, nos dépenses, notre environnement.

La rénovation de l’habitat est une opportunité de taille : réduire considérablement les charges de chauffage en réduisant la consommation d’énergie des bâtiments, récupérer l’eau de pluie, recycler des matériaux, tout cela est techniquement réalisable. Des projets sont en cours, ils peuvent se multiplier.

Nous pouvons innover dans le développement des services publics, sociaux et culturels de proximité en direction des familles à faible pouvoir d’achat, de leurs enfants et des personnes âgées.

Nous pouvons travailler le grand gisement des énergies renouvelables repenser l’aménagement de notre territoire en stoppant le sur-étalement urbain, en re-localisant les activités.

Dans ces domaine, le potentiel de créativité des mouvements citoyens, des intellectuels, des techniciens, des universitaires est considérable (la réserve de matière grise est inépuisable : « elle se développe d’autant plus qu’on l’exploite » disent avec humour les chercheurs). Toute cette créativité doit pouvoir s’exprimer, pour améliorer et transformer notre mode de vie quotidien.

Cela ne pourra se faire que si nous ne nous laissons pas engluer dans les cadres et les appareils institutionnels fixés par le modèle productiviste néo-libéral. Tout ça ne pourra se faire que si des outils démocratiques nouveaux sont mis en place : des outils, réinventés avec eux, permettant aux citoyens de se réapproprier le fonctionnement de leurs territoires.

Raymond Vasselon