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L’autorisation du Cruiser : un non-sens

dimanche 2 mars 2008, par Marie Reynier

Le ministre de l’agriculture Michel Barnier a autorisé l’insecticide Cruiser fabriqué par Syngenta. Il est utilisé sur les semences de maïs pour protéger la plante des insectes comme le taupin ou l’oscinie. Le thiamethoxam, principe actif du Cruiser, est un insecticide neurotoxique appartenant à la même famille que le Régent, le Gaucho et le Poncho. L’utilisation du Gaucho et du Régent est suspendue en France depuis 2004. Quant au Poncho il n’a pas obtenu d’autorisation d’usage. Ces insecticides sont neurotoxiques. Ils sont incriminés pour leur impact néfaste sur les abeilles

J’avais fait part de mes inquiétudes aux députés de la Loire. Jean-Louis Gagnaire et Pascal Clément (Balbigny) m’ont répondu. Le premier partage mes inquiétudes et a adressé une question au ministre de l’agriculture. Quant au second il "[lui ait] apparu nécessaire de [m’]apporter quelques précisions qui [il] l’espère [me] permettront de mieux appréhender cette mesure". Il explique tout d’abord que "ces préparations, reconnues en Allemagne et utilisées en traitement de semences de maïs, contiennent des substances actives autorisées au niveau communautaire".

L’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments), saisie en septembre, a reconnu le 20 novembre 2007 qu’il y avait des risques "préoccupants" pour les abeilles. Des analyses ont été effectuées chez Francesca Zachetti, une apicultrice lombarde dont 70% des abeilles avaient brutalement disparu. Plusieurs apiculteurs italiens ont été confrontés aux mêmes problèmes. Le Cruiser a été mis en cause. Malgré cela l’AFSSA finit par émettre un avis favorable pour le Cruiser "en assortissant son utilisation de mesures de précaution".

Pascal Clément ajoute qu’"il est également prévu de limiter l’autorisation avant le 15 mai afin de réduire la période de floraison, [que] l’utilisation est uniquement réservée au maïs ensilage, au maïs grain et porte-graine femelle". L’autorisation est limitée à une année au bout de laquelle aura lieu une évaluation.

Le Cruiser est un insecticide systémique, il diffuse dans toute la plante, dans le sol et dans l’eau. C’est un insecticide rémanent, sa molécule reste active longtemps. Il est dit que les cultures de maïs Cruiser ne sont pas attractives pour les abeilles. Compte-tenu de sa rémanence dans le sol d’autres cultures finiront par être atteintes. Les abeilles seront donc touchées par ce poison. On peut se demander comment ces mesures de "restriction" pourraient limiter les dégâts chez les abeilles.

De plus, les travaux de l’écotoxicologue Luc Belzunces (INRA, Avignon) ont montré que le retour des abeilles à la ruche pouvait être perturbé par l’absorption de thiemathoxam même à des doses très faibles. On peut alors se demander quels moyens techniques et quels moyens de contrôle pourraient être mis en place pour garantir l’innocuité du Cruiser. Les "procédures de suivis et de surveillance des ruchers" que veut mettre en place le gouvernement semblent bien dérisoires aux vues de ces données. Et vouloir évaluer le Cruiser d’ici un an semble aberrant aux vues de ce que l’on sait déjà.

Pascal Clément parle également du Grenelle de l’environnement. Une des mesures de ce dernier est de réduire de moitié l’utilisation des pesticides et de retirer les substances les plus dangereuses. Utiliser le Cruiser est en parfaite contradiction avec cette mesure. Henri Clément, président de l’UNAF (Union Nationale de l’Apiculture Française) a quant à lui qualifier la décision d’utiliser le Cruiser d’irresponsable.

Pascal Clément termine ainsi : "vous pouvez constater que les décisions prises par le gouvernement s’inscrivent dans un double principe de responsabilité et de transparence". Aux vues des faits je n’en ai malheureusement pas l’impression. Autoriser cet insecticide est une hérésie environnementale. Je me demande ce qui a pu pousser le gouvernement à autoriser l’utilisation d’un tel produit.

Marie Reynier

Messages

  • Que proposer vous en alternative à la place du Cruiser ?

    Etant donné que les autres produits de défense des végétaux permettant de lutter contre les insectes du sol sont retirés du marché !
    Avez vous déjà mesuré l’impact sur le rendement d’une infestation de ce type d’insecte sur une culture n’ayant pas de protection ?

    Il y a une équation qui est difficile à résoudre : produire plus pour répondre à une demande qui est en constante augmentation toute en y ayant une bonne qualité. Et ceci avec toujours moins de terres arables qui sont grignotées par l’urbanisation. Avec moins de produits de protection des plantes et avec moins d’engrais. Quelles solutions avez vous ?
    Je sais que ce n’est pas un produit miracle mais il faut peser le pour et le contre.

    • Tout d’abord il me semble important de noter qu’aujourd’hui nous produisons assez de nourriture pour nourrir 12 milliards d’êtres humains (Jean Ziegler, L’empire de la honte). La question ne serait donc pas de produire plus mais de produire mieux (meilleure répartition des productions, problème des agro-carburants, problème des cultures destinées uniquement à l’alimentation des animaux destinés à la consommation -surconsommation de viande...)
      Pour répondre plus particulièrement à la question sur le cruiser et aux dégâts que peuvent faire certains insectes sur des cultures, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble des cultures d’aujourd’hui : monocultures, abscence de rotation des terres, épuisement des sols... Il existe de réelles alternatives à l’usage intempestif des insecticides comme privilégier la rotation des cultures, planter plusieurs variétés d’une même espèce dans les champs, laisser des terres à "l’état sauvage" près des champs cultivés pour avoir une biodiversité qui permet d’avoir un équilibre qui limite les infestations, revenir à des cultures de plantes plus anciennes et plus résistantes... Un documentaire est très intéressant à voir à ce propos : "Cultivons la terre" réalisé par RES’OGM. Il est possible de se le procurer sur leur site http://www.infogm.org/resogm/1page.html.
      Des solutions existent donc, je maintiens que l’autorisation du cruiser est un non-sens.
      PS : veuillez m’excuser de ne pas vous avoir répondu plus tôt, mais le temps file...