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“Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école”...

La lettre de désobéissance de Jean-Marc Hostachy, enseignant stéphanois

lundi 8 décembre 2008

Le 15 novembre, Jean-Marc Hostachy, maître-formateur en Ecole Maternelle ZEP dans la Loire (l’école Gounod à Montreynaud) a adressé la lettre ci-dessous à l’Inspectrice d’Académie.
C’est un mouvement qui fait tâche d’huile en France.

Voir le site http://resistancepedagogique.blog4ever.com

Et notamment les lettres envoyées par des dizaines d’enseignants

Comme les autres, Jean-Marc Hostachy est menacé de sanctions. Mais le mouvement s’étend et le soutien s’organise. Le vendredi 28 novembre, un rassemblement de soutien a réuni plus de 100 enseignants devant l’Inspection d’Académie de la Loire, à St-Etienne, où une délégation a été reçue par l’IA adjoint.


La lettre de Jean-Marc Hostachy

Saint Etienne le 15 novembre 2008

Madame l’inspectrice,

Je vous écris cette lettre car aujourd’hui, à l’instar d’Alain Refalo, enseignant à Colomiers qui a été un des premiers à écrire une lettre similaire à son inspecteur, lettre dont je me suis inspirée, en conscience, je ne puis plus me taire ! En conscience, je refuse d’obéir !

Depuis près d’un an, les réformes se succèdent à un rythme soutenu. Non seulement, elles détruisent peu à peu l’école Républicaine dans laquelle j’enseigne, mais elle sont menées en outre, dans la plus grande opacité quant à leurs conceptions, sans l’avis de ceux qui font l’école. Ce manque de sérieux et cette précipitation est très inquiétante et prouve le mépris total d’un ministère envers ses personnels mais aussi envers ses usagers. La colère gronde chez les enseignants las de toutes ces nouveautés qu’ils sont obligés d’appliquer sachant désespérément qu’elles n’auront aucun effet sur leurs élèves. Fait nouveau et encourageant, la colère commence à gronder aussi chez les parents, dès lors qu’ils connaissent les desseins funestes de ce processus.

Aujourd’hui, le démantèlement de l’école n’est plus à démontrer tant les mesures nombreuses ne sont portées que par une seule et même valeur : faire des économies. Je me dois toutefois de les rappeler :

- suppression de milliers de postes aggravant de fait des conditions d’enseignement difficiles
- diminution du volume horaire pour chacun des élèves Français
- changement des programmes plus lourds, plus mécaniques, plus complexes à certains niveaux
- suppression possible des IUFM avec une offre de formation “allégée” pour les futurs enseignants
- la disparition programmée des RASED, se passant ainsi d’une expertise reconnue et utile auprès des élèves les plus en difficulté
- la réaffectation des enseignants détachés auprès des associations complémentaires de l’école
- la mise en place probable d’une agence chargée des remplacements avec l’utilisation de vacataires
- la création des EPEP où parents et enseignants seront minoritaires

Enfin et cela m’irrite profondément, ce déni affiché pour les enseignants de maternelle et la menace réelle qui pèse sur cette école par le biais des créations de jardins d’éveils.

Je ne puis accepter sans réagir au démantèlement progressif et sournois de cette école qui a fait de moi ce que je suis actuellement, qui permet, malgré toutes ses faiblesses, ses erreurs de participer de manière active à la construction de ces futurs citoyens de demain que sont nos élèves d’aujourd’hui. C’est pourquoi, je dois vous informer que je refuse de me prêter par ma collaboration active ou mon silence complice à la destruction de cette école, tout ceci sous l’argument populiste de réduire l’échec scolaire alors que la préoccupation principale est purement budgétaire.

En conscience, je continuerai à travailler à partir des programmes de 2002 et je n’appliquerai donc pas les programmes de 2008. En effet, ces derniers élaborés en catimini, tournant le dos à la recherche pédagogique, ne vont que renforcer l’échec scolaire des élèves déjà fragiles. Leurs côtés mécanistes et rétrogrades n’ont qu’une visée : fournir des “résultats quantifiables, publiables et comparables”. Est-ce une aide pour nos élèves ?

En conscience, je ne me déclarerai pas gréviste à l’administration pour la grève du 20 novembre et pour celles qui pourront suivre, mais je continuerai comme par le passé à prévenir mes interlocuteurs directs : les parents. En effet, cette remise en cause du droit de grève est inacceptable, de plus la ville de Saint-Etienne ne voulant pas appliquer le service minimum d’accueil, cette déclaration préalable devient caduque.
En tant que maître formateur, je n’étais pas tenu d’effectuer l’aide personnalisée. J’avais toutefois le choix de le faire en étant rémunéré en heures supplémentaires défiscalisées. En conscience, je ne participe donc pas à ce dispositif. Je ne crois pas en effet que l’aide personnalisée puisse résoudre la difficulté scolaire persistante et durable. Difficulté scolaire persistante et durable qui ne peut se traiter que dans le cadre du RASED par une aide spécialisée. C’est cette confusion volontairement entretenue entre ces deux aides qui permet aujourd’hui de justifier la disparition des RASED. Si demain, j’étais amené à travailler sans exercer les fonctions de maître-formateur, en conscience, je ne me mettrai pas ce dispositif en place, préférant lui substituer une activité pour tous, ou libérer ce temps pour ma formation professionnelle.

Si aujourd’hui je prends devant vous de tels engagements, c’est que mon administration ne me laisse pas le choix. Elle me demande de mettre en place des réformes qui vont à l’encontre des valeurs que j’ai mises en œuvre durant ces nombreuses années d’enseignement. Même si je n’ai pas l’outrecuidance de penser que tous les élèves qui sont sortis de ma classe en ont profité, j’ai l’humilité de penser que cette voie, même imparfaite, était celle que je devais prendre dans l’intérêt de mes élèves.

Je fais ce choix en pleine connaissance des risques que je prends, mais surtout dans l’espoir que cette résistance trouvera écho. J’espère que c’est collectivement que nous empêcherons la mise en œuvre des ces prétendues avancées.

Madame l’inspectrice, vous l’avez compris cette lettre n’est pas dirigée contre vous, ni votre fonction, mais je me dois de vous l’adresser et de la faire connaître. L’esprit de responsabilité qui m’anime m’oblige d’agir à visage découvert et sans faux fuyant. Sachez que “la charge de transmettre aux élèves les connaissances et les compétences qui feront d’eux des êtres libres, éclairés, autonomes et responsables” seront toujours au cœur de ma démarche pédagogique.


Je vous prie de recevoir, Madame l’Inspectrice, l’assurance de mes sentiments déterminés et respectueux.

Jean-Marc HOSTACHY
professeur des écoles, maître-formateur
Ecole maternelle d’application Ch. GOUNOD
Saint-Etienne