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Le logement doit être un droit pour tous

L’intervention du collectif « Pour que personne ne dorme dans la rue » devant le conseil municipal de St-Etienne

mardi 3 novembre 2009, par Roger Dubien

C’est Pierre Rachet qui a pris la parole devant les élus, au nom du collectif, avant l’ouverture officielle du conseil municipal, après que le maire Maurice Vincent lui ait donné la parole. Il a eu droit à un micro sur un coin de table...

“Merci de nous permettre d’intervenir ce soir devant vous.
Le sujet qui nous occupe nous semble bien concerner la ville puisqu’il s’agit du logement de dizaines de personnes se trouvant sur le territoire de la commune.
En effet, notre collectif « que personne ne dorme à la rue » alerte depuis des mois les autorités sur la question du logement des plus démunis. Au printemps dernier, il y avait 40 à 50 personnes qui dormaient dehors. Aujourd’hui le 115 annonce plus de 110 personnes.
Si cette situation dénote un problème de logement plus vaste que le seul problème du logement des demandeurs d’asile, dans la mesure où l’accès aux logements sociaux n’est pas aisé, il faut dans tous les cas répondre à l’urgence de cette situation, d’autant plus dramatique à l’entrée de l’hiver si l’on veut éviter un drame dans notre ville. Nous estimons que notre responsabilité collective est engagée. Nous savons que cet hébergement d’urgence est de la compétence de l’Etat (et ce soir nous venons une nouvelle fois d’interpeller le préfet), mais elle est aussi de la responsabilité politique de tous : nous ne pouvons pas accepter qu’en l’absence de son intervention nous laissions des familles, avec femmes et enfants, dormir à la rue. Je rappelle que pour les enfants cela signifie : pas d’école possible. Le logement doit être un droit pour tous et pour les demandeurs d’asile c’est une obligation légale de l’Etat.

C’est face à cette situation que notre collectif a jugé légitime la réquisition citoyenne d’un des nombreux bâtiments publics vides sur la ville, l’ancienne maison de retraite « l’Ensoleillée ».
Si vous avez suivi l’actualité récente, vous savez que l’accès à ce bâtiment nous a été interdit par la municipalité, qui prétexte des raisons de sécurité.
Nous persistons à penser qu’il est possible de réaliser à moindre coût les menus travaux pour un hébergement d’urgence dans de très bonnes conditions.
Dans tous les cas, notre intervention de ce soir devant vous, au-delà de vous informer, a pour objet de faire en sorte qu’il n’y ait plus une seule personne dans cette ville qui reste sans toit et ceci dans les plus brefs délais. Cette situation est maintenant connue de tous, nous ne pouvons pas fermer les yeux et rejeter la responsabilité aux voisins. Nous venons encore aujourd’hui d’interpeller le préfet pour qu’il l’égalise la réquisition de l’Ensoleillée ou qu’il réquisitionne un des nombreux autres bâtiments publics vacants.

Pour finir, il nous semble indispensable d’ajouter que notre commune, dirigée par une majorité de gauche, ne peut pas, sans trahir des valeurs fondamentales, se comporter comme elle l’a fait en cautionnant la coupure de l’eau et de l’électricité avant d’interdire l’accès par la police municipale, rejetant ainsi à la rue femmes et enfants. Nous préférons de beaucoup les propos de M. le maire qui nous a laissé une lueur d’espoir lorsqu’il nous a laissé entrevoir la possibilité d’un accueil pour raisons humanitaires.

Nous vous demandons :
- De procéder aux menus travaux nécessaires pour sécuriser le bâtiment réquisitionné et de rétablir l’eau et l’électricité ainsi que le libre accès de l’Ensoleillée aux familles qui y ont trouvé refuge, et qui y ont toujours leurs effets, et aux associations. A défaut de trouver un autre lieu pour répondre à l’urgence.
- De soutenir nos démarches auprès de Monsieur le Préfet pour que de véritables solutions soient apportées et que l’Etat assume ses responsabilités."

Ambiance...

 “Un toit c’est un droit ! Un toit c’est la loi !”  C’est ce qu’une centaine de personnes ont rappelé au Préfet, ce lundi soir 2 novembre entre 17h et 17h45, sous ses fenêtres, puisque les portes de la préfecture avaient été bloquées et qu’il a refusé de recevoir une délégation du collectif “pour que personne ne dorme à la rue”, alors que la demande lui en avait été faite.



La préfecture reconnaît que 110 personnes au moins, dont des enfants, notamment des demandeurs d’asile en situation régulière, dorment dans la rue ou dans des parcs alors que l’hiver arrive. La loi oblige le préfet à les loger. Il répond qu’il n’y a pas de place. Il pourrait réquisitionner des logements vides. Il ne le fait pas. Cette situation est attaquable en justice. Et peut-être va-t-il falloir le faire. Le problème est que le jugement prendra des mois alors que la situation urge pour ceux qui sont dans la rue...

Vers 17h45, direction le conseil municipal. Après qu’une demande d’intervention devant les élus ait été faite dans la journée. Pour des associations, prendre la parole devant le conseil est une chose qui a été assez courante ces dernières années, la municipalité Thiollière elle-même ayant décidé de ne pas s’y opposer, après l’épisode désastreux de 1992, lorsque Dubanchet avait fait évacuer la salle par les CRS pour pouvoir voter plus tranquillement la privatisation du service des eaux. Et de toutes façons, la loi stipule que la réunion du conseil municipal est publique, et donc tout citoyen peut y assister, dans l’espace réservé pour le public.
Eh bien hier soir, ça n’allait pas de soi. Pendant plusieurs minutes, la police municipale a bloqué l’entrée des portes de l’hôtel de ville, et l’adjoint à la sécurité M. Ferrara est même venu en personne. Décidément, les mauvaises habitudes se prennent vite.
Quelques minutes plus tard, beaucoup de monde à l’étage, plus de 100 personnes dans la salle et les couloirs. Etaient présents également des jeunes du squat de l’avenue Denfert Rochereau - le bâtiment vide qu’ils occupent appartient à EPORA - menacés d’expulsion immédiate, malgré la trêve hivernale.




Après Pierre Rachet, plusieurs jeunes du squat de l’avenue Denfert Rochereau ont parlé brièvement pour expliquer comment ils sont menacés d’expulsion.

L’habitude veut qu’après la prise de parole d’une association, le maire ou un autre élu réponde, et parfois qu’un débat s’engage entre les élus sur le sujet. Ce lundi soir, rien du tout. Aucune réaction. Le maire a fait procéder à l’appel des élus et a entamé l’ordre du jour sans même un commentaire sur ce qui venait d’être dit et une réponse aux questions posées. Plutôt méprisant comme procédé. Et idéal pour mettre tout le monde de bonne humeur. Pas étonnant qu’au bout de quelques minutes, on entende quelques “Non aux expulsions” et “on veut une réponse”. A quoi le maire a systématiquement répondu en demandant “au public de respecter la règle du jeu du débat démocratique”. C’est vrai qu’on a du mal à admettre que la démocratie se résume à “cause toujours”...
Voilà en tous cas de quoi réjouir l’ancien maire UMP Thiollière qui s’est offert le luxe de rappeler au maire de gauche que l’usage voulait qu’une réponse soit apportée aux interventions devant les élus. Triste. Evidemment, on se passera du soutien de M. Thiollière et de son équipe, dont on connaît le type de réponses qu’il apportait, lui, quand il était maire.
La situation devenant quand même intenable (et alors qu’on a entendu quelques “Michel Vincent, Maurice Thiollière”, de quoi prouver, n’est-ce pas, que les présents participent à un vaste complot destiné à détruire la municipalité de gauche - à moins que cela soit de l’impatience et de l’humour, la suite le dira...) , M. Vincent a été obligé de répondre, au moment du 3ème point à l’ordre du jour.
Il a commencé par parler des Rroms. Hors sujet ce soir. Et ce fut pour dire qu’il avait sollicité à nouveau le ministère de l’intérieur et l’Europe pour que des solutions soient trouvées pour que les Rroms soient “accueillis chez eux en Roumanie, en Hongrie et en Bulgarie, c’est à dire dans leurs pays”. De mieux en mieux...
Sur “l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile”, le maire redit que “c’est une question de la responsabilité de l’Etat”. Que la mairie “a aménagé des espaces”, qu’il existe “un foyer rue Bergson” ... (géré par l’Etat, en fait), des “foyers aujourd’hui saturés, y compris les hôtels”... Il indique que “la ville a fait un effort considérable, et accepté d’augmenter les capacités d’accueil à Chantegrillet” (le camping). Et que les élus sont “en train de regarder la possibilité d’un accueil de jour”. Pour conclure que “la seule solution est que l’Etat assume ses responsabilités par rapport au logement d’urgence”. Et il insiste pour que cela se fasse ailleurs qu’à St-Etienne, “le devoir (d’accueillir les sans logement) ne pouvant pas être porté uniquement par la ville de St-Etienne”.
Concernant l’Ensoleillée, oui, il a demandé mercredi soir (vers minuit) le rétablissement de l’eau et de l’électricité. Mais c’était sous conditions de sécurité. Et les adjoints et EDF ont indiqué le lendemain matin (il existerait un rapport d’EDF) que le bâtiment était dangereux.
Apparemment il ne l’était pourtant pas avant la réquisition puisque depuis 2005 qu’il est vide, l’eau et l’électricité n’avaient pas été coupées...
Remettre à niveau cette résidence coûterait selon le maire des centaines de milliers d’euros. Et il redit qu’il faut “une répartition de l’accueil dans le département”, pas qu’à St-Etienne.
En conclusion de quoi l’Ensoleillée restera fermée.
a noter que la Police municipale a passé le relais à l’agence de sécurité privée Proségur qui garde maintenant le bâtiment, depuis samedi. Ça coûte combien à la ville, ça ?

Bref, les sans toit resteront à la rue.

Ce qui est assez incroyable, c’est le silence des élus. Franchement, on attend autre chose d’une municipalité de gauche. On a aussi entendu des choses peu reluisantes. Par exemple, de la part d’un politicien stéphanois passé récemment de la décroissance au cabinet du maire, qui s’agitait beaucoup en remarques contre le public présent au conseil, et à qui je faisais remarquer qu’on attendait mieux, et qui a eu ce cri du coeur : “accueille-les chez toi !” (en parlant des familles à la rue). Un petit bout de pouvoir et les avantages qui vont avec, ça peut suffire à contenter certains. Puisqu’il n’y en aura pas pour tout le monde, n’est-ce pas...
Tout ça donne l’impression qu’il y a à St-Etienne des élus qui pensent : "revenez nous élire dans 6 ans, et en attendant, ne vous mêlez de rien, laissez-nous faire ce qu’on veut"...
Oui, peut mieux faire. Et d’ailleurs on va y aider.

Roger Dubien

Voir aussi un article du Progrès et 2 reportages de FR3

Réunion du collectif “Pour que personne ne dorme à la rue” ce mercredi 4 novembre à 17h à la bourse du travail, salle 55.
Pour faire le point et discuter de la suite, puisque des familles sont toujours à la rue. Les personnes et associations qui souhaitent s’associer au collectf seront bienvenues.