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Jour après jour, pour que personne ne dorme à la rue...

dimanche 3 janvier 2010, par Agnès Mounier

Depuis le mois de mars 2009, le collectif « que personne ne dorme à la
rue » est alerté par le fait que des familles qui ont déposé une demande
d’asile n’ont pas de lieu pour dormir (ces familles doivent être logées
par l’Etat selon la loi). Le 24 décembre, le préfet a réquisitionné un
gymnase à la Rivière pour les loger : 67 lits sont installés dans de très
mauvaises conditions d’intimité. Malgré tout, les familles sont
contentes d’être mises à l’abri.

Cependant, le lundi 28 décembre, nous sommes contactés pour une famille
de Kosovars de 6 personnes ainsi que pour une dame tchétchène et sa
fille de 13 ans qui n’ont aucune solution pour dormir.

Nous appelons d’abord le 115, qui nous répond que le dispositif est
saturé. Nous décidons donc de les accompagner jusqu’au gymnase pour
essayer de les loger. Nous nous retrouvons une vingtaine de militants ,
on ne nous laisse pas entrer dans le gymnase (la famille si) mais Walter
Monnet, directeur du 115, sort pour nous rencontrer. Après moult
palabres, il accepte de leur trouver un lieu pour la nuit.

Le mercredi suivant, d’autres familles sont encore à la rue, notamment
une femme tchétchène et ses 4 enfants (la plus jeune a 1 an). Elle est
arrivée le matin même en camion, les enfants sont épuisés et une nuit
dehors semble beaucoup les effrayer. A 20H, une vingtaine de militants
se retrouve donc au gymnase pour voir ce qu’il est possible de faire
pour eux. L’accueil est pour le moins froid puisque la famille n’est pas
autorisée à rentrer. Les personnes présentes nous expliquent qu’elles ne
peuvent rien faire car le préfet n’a pas autorisé à installer plus de
lits. C’est d’autant plus surprenant qu’il reste beaucoup de place vide
 ! On nous explique aussi que nous devrions les loger nous-mêmes ou
qu’ils devraient être pris en charge par leur famille (qui a un
appartement assez grand pour loger des familles de 5 à 8 personnes ?). On
entend même que, si on les loge aujourd’hui, demain on en aura encore
plus ! Quel drôle de discours pour des personnes qui travaillent dans le
social !

Nous téléphonons à la Préfecture et demandons à joindre une personne
Responsable : le préfet étant en vacances (?), c’est la personne de garde
qui nous répond : elle refuse de prendre en charge ces familles et nous
invite à nous en prendre aux passeurs !

Nous appelons ensuite la mairie de St Etienne, mais à cette heure
tardive, notre appel est redirigé vers la police municipale : étonnement
du policier devant cette situation ubuesque, qui en parle à son chef qui
joint ensuite le 115. Rien ne se passe !

Nous décidons ensuite de joindre les pompiers, évoquant la mise en
danger de ces familles accompagnées d’enfants parfois très jeunes. Leur
réponse est qu’ils ne peuvent rien faire.

Il n’est pas de loin de 11H du soir et nous n’avons aucune solution pour
ces familles que nous avons installées dans les voitures. Quelques
militants tentent de rentrer de force dans le gymnase, mais sont
repoussés par les vigiles. Nous empêchons la fermeture de la porte mais
ne pouvons aller plus loin. Les esprits s’échauffent des 2 côtés. Le
responsable du gymnase (qui a à peine daigné venir nous parler) appelle
la police !

La police arrive (une petite dizaine de policiers) et nous leur
expliquons la situation : le policier en charge ne comprend pas ce qui
bloque d’autant plus qu’il est à même de constater qu’il y a de la
place libre. Il parvient à obtenir l’aval de sa hiérarchie pour loger
les familles ; nous proposons de fournir les matelas et couvertures. Il
cherche ensuite à obtenir l’aval de la préfecture alors que le
responsable du gymnase tente de l’en dissuader. La préfecture continue
de s’y opposer. Une voiture de police avec quelques hommes est déplacée
devant la porte afin que nous ne tentions pas d’entrer.

Toutes nos tentatives ont été vaines, ces familles sont à la rue ! Nous
décidons de les loger par nos propres moyens : le président de
l’association « Egalité, Fraternité des Roms Pralipe Romano » se propose
de prendre chez lui la famille kosovare, alors que cela l’oblige à
dormir en dehors de son appartement trop petit pour accueillir toutes
ces personnes. Les militants FCPE proposent d’ouvrir leur local pour
loger la famille tchétchène. Nous contactons le comité Rroms pour trouver
des matelas et des couvertures et nous réussissons à installer la
famille dans une des pièces du local. La famille est rassurée, un
militant décide de rester avec eux afin de pouvoir pallier tout problème
(la petite fille a vomi à plusieurs reprises).

Le lendemain, je les accompagne à l’accueil de jour (La Fontaine) pour
qu’ils puissent se doucher et manger quelque chose. Je parle avec un
tchétchène pour expliquer à la dame que je reviendrais la chercher en
début d’après-midi. La famille kosovare logée par l’association des
Rroms me reconnaît et me dit qu’ils sont à nouveau sans rien pour ce
soir. Ils me signalent en plus une autre famille sans solution. Dans le
même temps, je suis prise à partie par les travailleurs sociaux présents
qui m’accusent de « fomenter je ne sais quoi » et me demandent
instamment de partir. Encore une fois, le dialogue est impossible avec
eux : ils nous prennent pour des ennemis et refusent d’admettre que nous
cherchons seulement à aider ces familles.

L’après-midi (le 31 décembre), nous décidons de nous rendre à la
Préfecture. On nous annonce dans un premier temps que quelqu’un va nous
recevoir, une employée nous rejoint mais est très étonnée de ne pas
avoir arriver son responsable (la même que la veille). Nous l’attendons
avec elle en lui expliquant la situation mais cette dame n’arrive
toujours pas. Finalement, l’employée nous annonce que sa supérieure ne
peut pas nous recevoir et qu’elle nous rappellera dans une heure ! Il
est près de 17h et nous comprenons bien qu’en ce jour de réveillon
personne ne va nous rappeler ! Nous décidons donc d’activer nos réseaux
pour loger ces familles : la FCPE accepte de continuer à loger la
famille tchétchène, le secours catholique se propose de financer le
logement des 2 familles kosovares pendant 2 nuits (une chambre
supplémentaire sera nécessaire et sera financée par l’association « la
Passerelle » ). C’est le soulagement, et l’après-midi terminera par une
recherche active d’hôtels, pas si facile en cette veille de nouvel an.
Nous partons réveillonner avec la satisfaction du devoir accompli...

Le lendemain, le président de la FCPE contacte à nouveau la préfecture
et tombe enfin sur une personne responsable et compétente, le
sous-préfet de Roanne, qui s’engage à loger la famille tchétchène.
L’après-midi même, la famille est transférée au 115 de Roanne. Le
lendemain, je suis contactée par le jeune kosovar parlant français qui
m’annonce que les 2 familles logées en hôtel ont des solutions.

La situation de ces familles semblent réglée mais pour combien de temps :
le 115 de Roanne s’est engagé à les loger jusqu’à la fin du week-end. Et
Après ? Et que se passera-t-il pour les familles hébergées dans le
Gymnase ? La rentrée est lundi et les activités sportives doivent reprendre.

Une réunion est programmée à la bourse de travail le lundi 4 janvier à
18h pour évoquer la suite des actions possibles, surtout en cas de
fermeture du gymnase.

Agnès Mounier

Voir aussi :

- Le problème des sans-logement posé avec force devant les élus de la communauté d’agglomération St-Etienne métropole

- L’intervention du collectif « Pour que personne ne dorme dans la rue » devant le conseil municipal de St-Etienne