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NON à une promenade Ben Gourion à Paris

lundi 5 avril 2010

Le texte ci-dessous, co-écrit par Michèle Sibony (UJFP -Union juive française pour la paix) et Adnane Ben Youssef (CCIPPP - Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien) vient de paraître dans le journal Politis

Ben Gourion : promenade ou impasse ?

La décision du maire de Paris de donner le nom de David Ben Gourion à une promenade plantée fait fi de l’action colonisatrice de ce dernier.

En juillet 2008, le conseil municipal de Paris décidait de donner à une
promenade plantée le nom de David Ben Gourion. Le maire de Paris vient
de choisir d’inaugurer cette promenade le 13 avril prochain, avec Shimon
Peres, président de l’État d’Israël, comme invité d’honneur. Cette
décision - dans le contexte d’aujourd’hui - nécessite quelques rappels.
Ben Gourion, c’est d’abord un mythe, celui du chef fondateur d’un petit
État créé au lendemain du génocide des juifs d’Europe, un État de
rescapés, rejeté par le monde arabe hostile qui l’entoure, qui se bat le
dos à la mer pour sa survie. Celui aussi de la main tendue à l’ennemi.
Le maire de Paris, dans un communiqué du 10 mars dernier, reprend tous
les éléments du mythe : Ben Gourion est l’homme qui a eu « le courage de
préconiser publiquement l’évacuation des territoires occupés à l’issue
de la guerre des Six-Jours dès 1967 ; sa formule célèbre “plutôt la paix
que les Territoires” résume à elle seule la clairvoyance de cette
position ».

Mais Ben Gourion, c’est une réalité et une action : il est l’homme qui
planifie et conduit la Naqba (la « catastrophe » en arabe) et le
transfert ; il est celui qu’Ilan Pappé présente dans l’Épuration
ethnique de la Palestine comme l’architecte de la stratégie de
l’expulsion, dès les années 1920, préconisant à terme un État
exclusivement juif quel qu’en soit le prix. Il est celui qui déclare en
1938 devant l’exécutif de l’Agence juive : « Je suis pour le transfert
forcé [desArabes], je ne vois rien là d’immoral [1]. »
Il est celui
qui affirme avec cynisme : « Nous devons tout faire pour nous assurer
que les Palestiniens ne reviendront jamais. Les vieux mourront et les
jeunes oublieront »
(Mémoires de Ben Gourion, 18 juillet 1948.) Son
projet, loin d’être le partage de la terre, est celui du Grand Israël.
Il l’exprime au moment de la partition de 1947 : « L’acceptation de la
partition ne nous engage pas à renoncer à la Cisjordanie, on ne demande
pas à quelqu’un de renoncer à sa vision. Nous accepterons un État dans
les frontières fixées aujourd’hui, mais les frontières des aspirations
sionistes sont les affaires des juifs, et aucun facteur externe ne
pourra les limiter »
(cité par Simha Flapan dans la Naissance d’Israël).

Ben Gourion, c’est une méthode, parfaitement identifiée par le
journaliste israélien Uri Avneri : « Avant de lancer une opération
militaire, il prononçait un discours se terminant par : “Nous tendons
une main pacifique !” [...] Il ajoutait souvent qu’il était prêt à
rencontrer les dirigeants arabes, qu’il était en faveur de négociations
sans conditions préalables et ainsi de suite... »

Cette dialectique sournoise entre un discours de paix qui masque une
action de guerre peut-elle encore tromper, alors que, depuis 2000, le
monde est témoin du déploiement de la phase 2 de la conquête ? Alors que
Netanyahou annonce la poursuite de la colonisation en prétendant vouloir
négocier ? Alors que l’annexion de Jérusalem-Est est en cours ? Ce que
le mythe et la méthode Ben Gourion ont toujours cherché à occulter c’est
son action, la Naqba, l’expulsion massive de la population
palestinienne, la destruction de 500 villages, la volonté de transfert
et d’épuration ethnique, et la construction du Grand Israël. Et il faut
bien le dire : ça a marché jusqu’à la fin des années 1970, quand les « 
nouveaux historiens » israéliens accèdent pour la première fois aux
archives militaires.

N’est-on pas en droit de se demander pourquoi, aujourd’hui, malgré les
preuves de l’histoire, la matérialité des faits et la continuité de la
politique israélienne, M. Delanoé tient à perpétuer le mythe ?

« Mieux vaut la paix que les Territoires »  ? C’est le discours depuis
Oslo, alors que, sur le terrain, la colonisation n’a jamais cessé de
progresser, réalisant jour après jour le projet Ben Gourion du Grand
Israël. La promenade Ben Gourion est inacceptable parce que le programme
Ben Gourion, ce n’est pas de l’histoire, c’est une politique qui se
perpétue sous nos yeux. La cérémonie honore aussi Shimon Peres, chef de
l’État qui doit rendre des comptes sur les crimes de guerre commis à
Gaza en 2009, et relie le passé au présent avec cette continuité
meurtrière. Rien n’est achevé. La politique coloniale de spoliation mise
en œuvre par Ben Gourion est en cours. La mairie de Paris fait ainsi
allégeance à la politique actuelle d’Israël et à une idéologie dominante
représentées par Shimon Peres. Et Paris devrait avaler avec l’eau du
mythe passé la potion nauséabonde d’aujourd’hui !

Les Parisiens ne doivent pas s’y tromper, la promenade annoncée n’est
qu’une impasse. Le moment n’est pas aux honneurs pour Israël et ses
représentants, mais à d’intransigeants rappels, assortis des pressions
nécessaires, afin qu’il respecte le droit international, les droits
humains et les droits des Palestiniens. Une telle action, loin de servir
la paix, conforte la pire des politiques pour les peuples palestiniens
et israéliens.

Notes
[1] Cité dans l’Épuration éthique de la Palestine.

Un rassemblement devant l’hôtel de ville de Paris le 12 avril

De son côté, le Collectif National pour une Paix Juste entre Palestiniens et Israéliens exprime “son indignation devant la décision du Conseil de Paris d’attribuer à une promenade de la capitale le nom de David Ben Gourion, et de l’inaugurer le 15 avril en présence du chef de l’Etat d’Israël Shimon Peres.”

“Si David Ben Gourion est le fondateur de l’Etat d’Israël, il est aussi l’homme qui a conçu et dirigé la Naqba (la Catastrophe) palestinienne, avec la destruction de cinq cents villages, l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens, et l’exécution de nombreux civils.
Ces crimes, confirmés de façons très précises par les « nouveaux historiens » israéliens, ne sont à ce jour ni reconnus ni réparés par l’Etat d’Israël.
La politique de répression accrue dans la dernière période, dans toute la Cisjordanie, comme à Bil’in et Na’ilin, la colonisation et l’annexion revendiquées de Jérusalem-Est, le siège de Gaza imposé depuis trois ans à un million et demi de civils, constituent un contexte qui rend insupportable l’honneur qui veut être fait à Shimon Peres, président d’Israël et devrait conduire le maire à annuler cette inauguration.
Cette décision constitue une légitimation inacceptable de la politique d’Israël et est une véritable provocation. Elle ne sert en aucune façon la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. La Mairie de Paris devrait au contraire exercer des pressions sérieuses sur l’occupant afin de marquer sa désapprobation d’une telle politique et d’exiger qu’il respecte le droit international.”

Le collectif appelle à un rassemblement lundi 12 avril devant l’Hôtel de ville de Paris.