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Après la fête des AMAP à Sauvain...

Faites des AMAP pour soutenir l’agriculture paysanne !

vendredi 18 juin 2010, par Roger Dubien

Dimanche 30 mai a eu lieu à Sauvain, à la ferme “l’éloge du printemps” de Delphine Guilhot et Stéphanie Moulin, la 2ème fête des AMAP de la Loire.
(voir)
Une bonne centaine de personnes était présente, soit une participation du même ordre que celle de l’an passé. Très dommage que le temps ait été aussi incertain, avec une succession d’averses et d’apparitions du soleil, ce qui a fait que des familles ont hésité à venir, surtout avec les enfants, d’autant que pour beaucoup le Haut-Forez ce n’est pas la porte à côté...
Mais c’était très chouette, cette fête...
D’abord, à Sauvain, c’est la montagne, et le cadre est magnifique. Une ballade botanique a eu lieu avec Anne-Marie Griot, qui a permis plein de découvertes aux participants.
La visite de la ferme, c’est toujours quelque chose de très attendu...
Les enfants avaient leur chapiteau avec un atelier de “land art”. (voir les photos sur le site de la fête)
Il y avait de la musique avec le groupe “Crêt de folk” d’Odile Talon...
Parmi les présents, on reconnaissait des personnes venant des 3/4 des AMAP du département...
Et puis, il y eu une forte participation des paysans, puisque 25 étaient là, d’une quinzaine de fermes, c’est la première fois une telle présence des paysans à un rendez-vous des AMAP...














La discussion sur la situation des paysans, la crise du lait, la construction d’alternatives à l’agriculture industrielle, les circuits courts... a été un moment important, qui a réuni jusqu’à 75 personnes, pendant 1h30. Elle a fait apparaître la complexité de la question, et des points de vue différents entre les paysans, selon leur situation et les alternatives dans lesquelles ils sont ou pas engagés.
Une autre discussion a eu lieu ensuite sur le système de garantie participatif dont il est question dans les AMAP, avec la présence de Rachel Rousselle, animatrice technique pour la mise en place du "SGP".

La discussion sur la situation et l’avenir des paysans et de l’agriculture...

La Loire compte environ 4500 fermes. Une partie importante de ses paysans ne gagne pas suffisamment d’argent de son travail pour pouvoir en vivre, et même en perd. C’est le cas en particulier de pas mal d’éleveurs laitiers.
“On demande seulement de pouvoir gagner notre vie en faisant notre métier, a redit Philippe Marquet, secrétaire de la Confédération Paysanne de la Loire. Ça veut dire quoi en demande de revenu ? 1000 à 1200 euros par mois”... Autant dire que les demandes ne sont pas exagérées... Mais aujourd’hui, beaucoup de paysans sont en-dessous.

En 2009, les paysans éleveurs laitiers ont mené des actions sans précédent depuis très longtemps. Particulièrement dans la Loire, département très laitier, et dans la partie “monts du Lyonnais” du département de Rhône. Même si elle est loin derrière les départements de l’ouest, la Loire produit quand même 330 millions de litres de lait par an, et surtout elle le fait avec un nombre de fermes important : environ 2000 éleveurs laitiers.
Mais pour quels résultats ces actions ? Souvent c’est l’amertume qui est au rendez-vous pour les paysans qui se sont battus. Parce que pour ce qui est du prix du lait payé par l’industrie laitière, pas grand chose n’a bougé. Et le gouvernement revient même en arrière sur des promesses d’un peu d’ouverture de la profession (aujourd’hui la FNSEA gère seule l’organisme professionnel de la filière laitière - la FNPL - , et apparemment ça va continuer).
C’est vrai que la “contractualisation” (qui soumettrait comme jamais les éleveurs laitiers à l’industrie laitière) en a pris un coup, mais elle pourrait revenir par la fenêtre à l’occasion de la loi de modernisation de l’agriculture qui va être discutée à partir de fin juin à l’Assemblée Nationale. Avec un plan annoncé pour l’automne de restructuration de la filière laitière qui risque de faire disparaître des dizaines de milliers de producteurs de lait (toujours l’objectif de passer de 85 000 à 50 000 ?)
Donc si le mouvement a été “humainement magnifique”, beaucoup de militants sont très amers...

Alors bien sûr il y a l’autre option : se tourner vers la transformation et la vente en circuits courts. Et quand c’est fait, en général ça marche. “Mais est-ce réaliste pour 300 000 paysans ?” demande Philippe Marquet. Thierry Pallanche dit aussi que beaucoup de paysans ne veulent pas - ou ne peuvent pas, pour de multiples raisons - transformer ni vendre en circuits courts.
“Pessimisme”, donc. Pessimisme qui vient aussi de ce que cette fois, ce sont des fermes importantes, et des paysans jeunes, qui sont en passe de disparaître. D’un autre côté, il souligne que cette mobilisation des paysans ne sert pas à rien : même si dans la Loire le projet (annoncé par la Chambre d’Agriculture) d’installer 100 paysans n’aura pas été atteint en 2009, ce sera quand même très supérieur à ce qui se passe dans d’autres départements assez proches, où l’on compte parfois 1 seule installation ! Les actions ne servent donc pas à rien...

Michel Barou, paysan à Chalmazel, a parlé de la situation de l’URCVL, une coopérative sur le point de disparaître. Un projet de reprise existe qui concernerait les 80 producteurs du Haut-Forez, pour produire, notamment, de la Fourme de Montbrison. C’est vrai que la fourme de Montbrison (130 producteurs aujourd’hui, deux usines + un artisan + quelques fermes...) est en passe d’inscrire dans son cahier des charges “sans OGM” pour la nourriture du bétail. Et ça ce serait un atout sérieux pour son avenir et celui des paysans qui contribuent à la produire.

Ensuite la discussion s’est installée, entre paysans parfois, sur le pessimisme et l’optimisme. Evidemment, selon le secteur dans lequel on est, la situation n’est pas exactement la même. Les producteurs de lait ont le sentiment d’être dos au mur. Stéphanie Moulin, elle, est “plutôt optimiste”. Quand elle a voulu s’installer il y a quelques années avec 25 chèvres, la Chambre d’Agriculture lui a dit : impossible, il faut au moins 60 chèvres. Elle n’a pas accepté. Elle a démarré avec 13 chèvres, et tout autofinancé et construit. Aujourd’hui, ça fonctionne. Elle pense que le changement passera beaucoup par les consommateurs : s’ils vont acheter directement aux producteurs... “On aura beau faire toutes les manifs qu’on veut, il faut faire ça”.
C’est un peu ce que pense aussi Elisabeth Odouard, de St-Genest Malifaux. La ferme Odouard produit du lait, et Gérard dresse un bilan assez pessimiste de la situation : il y a 40 ans, on comptait 400 producteurs de lait sur le plateau. Il en reste 80. Pas étonnant qu’avec ça on ait “la tête dans le seau”. Mais, en même temps, la ferme, plutôt que de chercher à tenir par une fuite en avant vers l’augmentation de la production de lait, a décidé de développer une production de volailles fermières, et le fils vient de s’installer. Elisabeth livre aujourd’hui 2 AMAP, et “quand on revient des AMAP, on est regonflé. Je reviens des AMAP avec le moral !”.
C’est aussi l’avis de François-Pierre Batard qui vient de s’installer cette année au sein du GAEC des Collines du midi à St-Genest-Lerpt. Eux aussi, qui faisaient déjà une part de vente directe, développent les livraisons en AMAP (lait, yaourts, viande de boeuf). Et François-Pierre estime que c’est grâce à ça que son installation a été possible.
Un autre exemple est donné : grâce à l’AMAP de Montbrison, un producteur de fruits à mi-temps va pouvoir s’installer à plein temps...

Delphine Guilhot estime elle aussi qu’on est un peu à la croisée des chemins. “Est-ce que les AMAP vont pouvoir concerner autant de paysans que ça ? (...) mais il y aura un moment où il y aura un changement de modèle”...
Peut-être y a-t-il une sorte de “masse critique” à atteindre pour les circuits courts et les AMAP ? Avec, au-delà d’un certain poids dans la société, des conséquence dans toute l’agriculture, une obligation pour l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution de changer un peu les règles du jeu pour tous ?
Et puis il y a le développement des productions bio. Jean-Yves Mouton indique que le lait lui est acheté 430 euros les 1000 litres par la coopérative Biolait... 430 et 260, ce n’est pas tout à fait la même chose !...

Alors oui, la part des AMAP et des autres circuits courts est aujourd’hui bien trop petite, mais ça se développe.
Les paysans se battent, pour pouvoir continuer un travail qu’ils aiment et en tirer un revenu leur permettant de vivre avec leur famille.
Tout ce qui aide à ça est bon à prendre : les actions des paysans, les interventions de la société en soutien aux paysans sont bienvenues, pour exiger des institutions publiques de nouvelles décisions politiques.
En même temps, nous avons tous, personnellement, un morceau de la solution à portée de la main, immédiatement efficace. En participant, en tant que “”consommateurs”” au développement des circuits courts, en donnant notre argent directement aux producteurs de nourriture, nous avons la possibilité d’intervenir dans ce qui se passe.

Pour ce qui est des AMAP, donc, la meilleure chose à faire est d’en créer beaucoup de nouvelles !
Une précision au passage : les AMAP ce n’est pas pour défendre seulement les paysans qui travaillent en bio avec le label AB. C’est pour défendre l’agriculture paysanne.



























Merci à Stéphanie et à Delphine pour leur accueil sur leur ferme. Et à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué à cette fête...
Rendez-vous à la fête de 2011 !... Et dans toutes les initiatives pour créer des AMAP et construire par des actes la solidarité société-paysans.

photos : Martine Chevalier et Stéphanie Moulin

D’autres photos sur cet album : fête du 30 mai

Et sur le site de la fête 2010 http://fetedesamaploire.canalblog.com