Mon site SPIP

Accueil > Changer la gauche ? > A propos de la constitution d’un réseau national

A propos de la constitution d’un réseau national

mardi 15 juin 2004, par Raymond Vasselon

Une contribution de Raymond Vasselon pour la réunion interrégionale des réseaux citoyens qui aura lieu ce 19 juin à Paris.

Suite à notre rencontre du 15 mai, et après discussions avec quelques amis, voici quelques réflexions sur les caractéristiques que pourrait avoir l’outil que nous cherchons à construire.

- 1 - Etre un lieu où la créativité politique multiforme de la société peut capitaliser des idées.

Nous avons besoin d’un lieu de connexion au niveau national, d’un lieu de mutualisation. Mais nous devons rejeter les dispositifs sur lesquels se coagulent à grande vitesse les ingrédients de la maladie infantile du noyau central dirigeant. Nous ne sommes pas à l’abri d’un processus obscur et pesant qui consiste, dans l’abandon du centralisme démocratique à abandonner la démocratie et à garder le centralisme.

Nous avons un problème de création qui nécessite des outils adéquats, donc à inventer. C’est une grande question car nous sommes en France : ici, on est particulièrement "fana" des structures, de leur pérennité, de leur légitimité même quand elles ont perdu leur pertinence et leur objet. Ca permet de parler au nom de.

Par exemple, n’allons pas trop vite en matière de représentation - appropriation des territoires de notre bonne France. Quelqu’un à dit qu’il ne fallait pas parler prématurément d’une "représentation citoyenne Ile de France". Alain Bertho a raison lorsqu’il écrit : "Nous sommes une (pas LA mais une) porte d’entrée pour le mouvement social vers l’espace de la politique". En tout cas, de mon point de vue, c’est ainsi en Rhône-Alpes.

Ne renouvelons pas (qui plus est en modèle réduit) la démarche de confiscation.
Trop de gens qui travaillent sur le terrain ne nous le pardonneraient pas. Quiconque travaille dans un collectif d’habitants, de chômeurs ou autre outil issu de l’épaisseur du tissu social connaît la défiance et le rejet que suscitent les "commissaires politiques autoproclamés".

Apparemment, nous sommes acquis à l’idée que les formes de fonctionnement des partis traditionnels conduisent finalement à extraire celles et ceux qui en dépendent de la société.

Le fait est que ces "formes arborescentes" sont inadaptées au fonctionnement de la société, aux mécanismes contemporains de production des idées, des opinions, des projets, des mobilisations ...
La capacité d’élaboration, de projection et de construction politique est maintenant très décentralisée sur les territoires. Elle est très mobile. Il y a des périodes d’accélération, d’emballement et dans ces cas les structures traditionnelles ne sont jamais prêtes.

Le moment et le lieu où se produisent les évènements, les mobilisations sont la plupart du temps inattendus. Il y a très peu de raisons pour que tout cela se produise au siège d’une fédération de parti structuré, lors des réunions mensuelles du bureau. Alors ça se passe ailleurs et on se demande pourquoi on passe à coté, on se demande pourquoi tant de militants imaginatifs s’arrêtent à la porte de la politique... On leur reproche de s’arrêter à la porte de la politique. Mais les enjeux, débats et problèmes politiques pullulent dans la société, même s’ils ne sont pas labellisés par les "structures de marques politiques déposées". Il n’y a plus de propriété intellectuelle de la politique.

C’est pourquoi notre outil doit être ouvert et évolutif. La notion d’antériorité doit être rejetée, et l’outil doit évoluer en permanence pour permettre à tout nouvel arrivant, même tout "nouveau-né" de "se sentir dans sa maison".

Par exemple, de nombreux réseaux (locaux, internationaux) travaillent concrètement et très précisément à changer la réalité du monde. Certains ne songent pas un instant au moment électoral comme on dit. Mais leurs pratiques, leurs élaborations sont indispensables à la construction de la transformation sociale, à l’élaboration de nouvelles valeurs universelles. "L’outil" doit devenir aussi le leur pour être un creuset commun de réflexion. Nous devons donc être aussi un espace d’intersection entre la sphère de la société civile et la sphère de la politique, sans introduire de hiérarchie entre les deux. N’obligeons personne à "monter" à l’étage de la politique.

- 2 - Echanger avec le monde pour repenser la politique chez nous et travailler à la situer dans une perspective plus universelle.

Il est indispensable d’alimenter la réflexion politique à tous niveaux par des échanges internationaux. Nous constatons qu’un certain nombre d’idées élaborées dans l’univers culturel des pays dits ”du sud” suggèrent des dynamiques qui ont du mal à émerger dans notre monde hyper spécialisé, normalisé et bureaucratisé.
C’est aussi le moyen d’explorer les notions de dignité, de solidarité, de citoyenneté et aussi de progrès humain d’un point de vue plus multiculturel, et donc plus universel.

Plus fondamentalement, et pour agir à plus long terme, nous devons travailler au niveau intellectuel et culturel pour changer radicalement la perspective dominante dans les "rapports Nord-Sud". Le problème fondamental est que "notre" système n’est pas basé uniquement ou même principalement sur "la démocratie, le respect des droits de l’homme et le marché libre", mais sur une longue période de relations inégales avec ce vaste réservoir de matières premières et de travail gratuit ou très bon marché qu’on appelle aujourd’hui le Monde du Sud. On ne peut pas inventer la transformation sociale pour une partie du monde qui en a les moyens matériels contre l’autre.
Est ce que la faiblesse du mouvement anti-guerre dans notre pays n’est pas liée au refus de la gauche traditionnelle d’affronter toutes ces questions ?

- 3 - Offrir un cadre d’échange aux nombreux élus qui cherchent de nouvelles formes de relations avec la société.

Nous devons nous adresser tout particulièrement aux élus qui cherchent sincèrement à transformer la vie réelle en travaillant dans les institutions. Il y en a beaucoup. Nous pouvons donc travailler concrètement avec eux à édifier de nouveaux rapports entre expérience sociale et construction politique, entre mouvements et perspective politique.
"L’outil" peut devenir aussi le leur et ainsi être un creuset commun de réflexion politique, dans la société civile, dans les institutions et dans la machine publique.
Le travail de transformation doit avoir une dimension dans les institutions pour les transformer et les faire évoluer dans le sens de l’appropriation citoyenne. Si nous voulons faire entrer de nouveaux acteurs en politique, un de nos objectifs est forcément de créer de nouvelles institutions pour les accueillir. Les institutions de la 5ème tuent la politique et étouffent la créativité de la société.

Si nous travaillons concrètement et sincèrement à construire le "raccord" entre le mouvement de la société et les institutions nous serons très rapidement efficaces et utiles.

Nous sommes très favorables à l’idée d’une association ou réseau d’élus citoyens qui au-delà de leur appartenance partisane, cherchent à fonctionner dans un nouveau rapport de partenariat avec le mouvement social, notamment en explorant plus sérieusement les processus de budgets participatifs, de partage de l’infos, de constructions alternatives. Cela bien sùr au niveau communal, régional, européen, etc.

Nous devons travailler à promouvoir des responsables politiques, des candidates et candidats à la représentation politique issus de la société.
Nous devons travailler et agir pour promouvoir de nouveaux modes de désignations des candidat(e)s à la représentation politique

- 4 - Travailler à renouveler les formes et les objectifs des forces de transformation de la société.

Le mouvement social "traditionnel" est-il achevé dans ses formes actuelles et ses contenus ?
Suffit-il de lui faire mieux percevoir la nécessité de nouer des liens avec les nouvelles formes de l’action citoyenne ?
Où faut-il rechercher des formes nouvelles de tranversalité pour bâtir de nouvelles solidarités, sortir de la coupure travailleur - usager, travailleur - consommateur, avancer concrètement vers la notion de travailleur citoyen ?

Par exemple, les difficultés que rencontrent les salariés des services publics lorsqu’ils recherchent l’appui de l’opinion publique sont-elles seulement le résultat de "la monté des idées libérales " ? Où bien faut-il repenser la finalité des missions de services publiques en associant les usagers, reconstruire le lien aux territoires, à la société ?

Quelles sont les structures à créer pour y parvenir ?

L’ "usager citoyen" élaborant le produit d’usage des services publics dépasse le statut de client et de consommateur pour devenir coproducteur et créateur des missions avec les salariés, les responsables de ces services. Cette approche ouvre sans aucun doute de nouveaux champs d’investigation et d’intervention pour les services, donc un développement d’une autre nature. Souvent les syndicats sous-estiment ces questions.
Ce problème se pose pour l’école, son rapport aux familles, aux associations de quartiers.

Par exemple, selon un sondage réalisé par le ministère de l’économie en automne 2002, 70% des français ne se sentent pas suffisamment informés sur les questions liées à l’énergie en France. Malgré le statut de EDF, l’élaboration de la politique française de l’énergie n’a jamais été un modèle de démocratie, loin s’en faut. Tout ça ne va pas dans le sens d’une appropriation effective du service public par la société. Tout cela pèse, il faut en être conscient et en parler franchement.

- 5 - Travailler à partir de et donc dans la réalité.

Nous devons échanger sur des expériences politiques concrètes :
Que se passt-il dans les collectivités où des élus cherchent à mettre en place avec la population des démarches participatives et de partage des pouvoirs ?

Comment intervenir sur les questions de l’emploi, de la formation ? Faut-il repenser la question du travail pour que les salariés les chômeurs se parlent ?

Comment diffuser les expériences, les actions efficaces qui ont abouti à des avancées ? Comment faire connaître les pratiques nouvelles plus en phase avec les palpitations de notre société ?

Rédigé provisoirement par Raymond Vasselon.