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Besoin d’une force politique citoyenne utile dans tous les chantiers de transformation du monde et de la société.

mercredi 16 juin 2004, par Roger Dubien

Notre objectif : aider à transformer la réalité du monde et de la société. Et donc aussi aider à ouvrir des alternatives politiques, sortir des simples alternances qui remplacent la politique "libérale" par une politique "sociale-libérale" en attendant l’inverse. C’est pour cela que nous avons besoin aussi de changer la gauche.

Où en est-on après les élections régionales de mars et les européennes de juin 2004 ?

Il y a eu aux régionales un raz de marée contre la droite au pouvoir et une victoire électorale massive du Parti socialiste. Les élections européennes confirment en gros cette situation.
Quel sens donner aux votes des régionales ? Se sont ajoutés dans les urnes de multiples rejets de la politique libérale. Le fond de ces rejets est bien un rejet de la globalisation capitaliste, surtout de ses conséquences, et beaucoup des questions posées n’ont pas de solution dans ce système... Reste à regarder de plus près ce que ces rejets portent ou pas de progressiste...
Ceci s’est exprimé en utilisant essentiellement comme instrument la gauche sous hégémonie PS, même si des listes "alternatives" ont ouvert quelques brèches... Des millions de personnes ont dit "stop" avec le PS, même si elles n’ont pas trop d’illusions sur ce qu’il fera. Chacun a dû faire avec ce qu’il pensait avoir sous la main à ce moment-là.

Cette situation est recherchée par le Parti socialiste, qui a maintenant pris solidement le dessus à gauche dans la "sphère politique étroite", celle de la représentation politique, et son calcul est simple : faire en sorte que "le moment venu, vous devez en passer par moi pour virer la droite si vous rejetez sa politique"...

Ce qui est frappant quand même, c’est l’accélération et l’amplitude du balancier de l’alternance. Le raz de marée "à gauche" est venu deux ans seulement après le raz de marée "à droite" de 2002. Car Avril-mai 2002 n’était pas un accident. Après la présidentielle, il y avait eu des législatives, et le résultat avait aussi été sans appel. Jusqu’à quand cette alternance de plus en plus ample et rapide, qui montre que le problème ne trouve pas de solution ?...

Maintenant, qu’est en train de faire le PS de cette victoire ?

Le coup porté a aidé à quelques succès, comme pour la recherche, pour les recalculés... C’est déjà ça.

Si le PS voulait ouvrir des chantiers de transformation sociale, il en aurait les moyens, dirigeant 20 régions avec des majorités stables. Des gens attendent quelque chose. Et il y a eu des promesses, mineures : emplois associatifs, gratuité des livres dans les lycées, formation professionnelle, démocratie participative...On peut y aider : par des projets, des propositions, des actions...
Mais il est à craindre que les trois prochaines années soient surtout une "gestion du temps" pour arriver à "gagner", en 2007. Qu’il s’agisse de la politique internationale ou de la politique intérieure - les deux sont inséparables et c’est la 1ère qui donne l’orientation - le Parti socialiste ne montre pas vouloir faire autre chose que mettre en oeuvre à sa façon la mondialisation capitaliste.
Donc, tout reste à faire, pour ce qui est de la transformation sociale.

Le verrouillage de la sphère politique vise à assurer l’hégémonie libérale et sociale-libérale

Dans la société, des forces multiples agissent pour des transformations progressistes. Des mouvements qui souvent se qualifient de "citoyens", portent des contenus politiques nouveaux, et surtout des démarches politiques nouvelles.
Ces forces ont par contre un problème redoutable : la coupure entre la société civile et la politique, la confiscation de la politique par des partis et des appareils, et d’abord, à gauche, par la configuration dominée par le PS.

Il faut regarder de près comment cela fonctionne avec le PS...
Pour l’essentiel, le PS n’est pas dans les forums et mouvements sociaux, il n’est pas dans le travail sur les terrains, sur les chantiers de lutte et de transformation dans la société. Beaucoup de ceux qui viennent d’être élus n’y mettent jamais les pieds, ils exercent exclusivement dans la sphère de la représentation politique. Avec beaucoup de "métier" pour "capter" ce qui se passe dans la société afin de conquérir des pouvoirs. Et d’ailleurs ça marche : ils parviennent pour l’essentiel à accaparer la représentation...
Le PS est champion pour le drainage et la canalisation des volontés de changement dès qu’elles cherchent à s’exprimer dans la sphère des pouvoirs, des institutions, de la politique au sens étroit, de l’état. Un mécanisme efficace aspire et transforme des énergies considérables et multiples en bulletins de vote.

Est-ce qu’on peut espérer échapper à cette mécanique ? Ce sera compliqué car la sphère de la représentation politique est chasse gardée. Il n’y a pas qu’un fossé entre les citoyens et la politique, il y a aussi des palissades pour empêcher des volontaires de le combler ou de le franchir. Il suffit de voir comment se passe la désignation des candidats...
Ce qui s’est passé aux régionales vis à vis des listes d’alternative citoyenne à chaque fois qu’il a été possible de les exclure ou de les réduire, est une petite indication des enjeux. Le PS veut être le "représentant" obligatoire et exclusif face à la droite. Ceci n’est pas contradictoire avec l’organisation d’une certaine diversité, selon les cas et les besoins, avec des forces politiques d’appoint, pourvu qu’elles ne portent pas des contenus trop transformateurs et surtout (au-delà des mots qu’elles utilisent) qu’elles ne soient pas porteuses d’une démarche politique citoyenne potentiellement dangereuse car capable de faire passer ces contenus des mots à la vie, dans la société. La diversité que le PS apprécie est une diversité de franchisés et d’obligés. Pas question de rigoler avec des personnes et des forces et des démarches politiques porteuses d’une appropriation de la politique par les citoyens, qui pourraient prendre de l’ampleur.

L’objectif de ce système de "contrôle" et de "représentation exclusive" mis en place dans l’espace politique est de maintenir le tout dans la mouvance sociale-libérale.
En organisant fermement son hégémonie dans la représentation politique, le PS se donne les moyens de trier dans les contenus qui sont produits dans la société civile. Il en valide certains, il en bloque d’autres, qui resteront "associatifs" ou seront instrumentalisés, normalisés, rendus compatibles avec la globalisation capitaliste. Ainsi entre autres la lutte contre la guerre, la solidarité avec la Palestine etc... Il se donne les moyens d’empêcher le passage à la sphère politique - sphère des institutions, des pouvoirs, de la prise des décisions publiques - de propositions réellement transformatrices. C’est cette coupure qui est à la racine du rejet des "politiques" et de "la politique" dans les milieux populaires.

Reste que le besoin d’un renouvellement de la politique et de la gauche, qui permette de transformer la société, est fort. C’est pourquoi les tentatives se succèdent - bien que sans succès - pour faire émerger à gauche un courant politique anti-libéral, anti-capitaliste, capable d’animer un processus de transformation de la société.

Si le problème c’est la coupure entre la société civile et la politique, la solution est dans l’articulation. Ce doit être l’objectif des mouvements "citoyens".

S’il y a une possibilité de réussir quelque chose, elle est sans doute non dans la création d’un parti supplémentaire, mais dans le déploiement d’une démarche citoyenne transformatrice, générale et multiforme, dans tous les domaines de la société civile, de la politique et de l’économie.
Il ne faut pas rester dans la sphère politique étroite, des pouvoirs, des partis, des élections. On ne pourra pas changer la politique essentiellement de l’intérieur de la sphère politique. Du fait de la nature même de cette sphère, et parce que c’est verrouillé.
La sphère essentielle de la société est la "société civile" qui est essentiellement la sphère de la vie sociale et culturelle. Là, il y a pour les militants de la transformation sociale une infinité de chantiers dans lesquels travailler, investir des valeurs, des idées, des propositions, des initiatives, des projets, des ressources, de l’argent. Et c’est bien ce qui se passe d’ailleurs...

Une partie de ces engagements est actuellement baptisée "mouvement social". Mais est-ce que l’on n’a pas tendance à avoir une conception très "traditionnelle" de ce "mouvement social", à le réduire à des formes très connues : organisations, syndicats notamment etc..., dont il ne s’agirait en plus que de permettre une expression, une traduction ou un "prolongement" dans la sphère politique ?...
L’expérience ayant amené à constater un profond fossé entre le "mouvement social" et "la politique", et surtout "les politiques ", le " mouvement social " s’est alors donné pour but de devenir "autonome" et d’intervenir sous cette forme dans le fonctionnement de la société. C’est en gros le sens des "forums sociaux mondiaux" qui se déclinent maintenant à diverses échelles.
Mais l’expérience montre aussi que cette autonomisation du mouvement social, si elle permet de poser les problèmes, le limite à un rôle de contre-pouvoir, de "pression". Au mieux, elle permet de modifier "les termes du débat" "des politiques". Mais les résultats sont limités. Par exemple, l’expérience montre que ça ne permet pas d’empêcher les guerres. Si on ne touche pas à ce fossé, on se condamne à rester contre-pouvoir, et souvent à l’impuissance, car ce qu’on "porte" atteint peu les espaces où les décisions publiques se prennent.

La question a donc été posée d’une "irruption" du mouvement social dans la sphère politique elle-même, pour porter jusque dans les instances de décisions les propositions de ce mouvement.
C’est ce qui se passe pour une part avec les listes citoyennes de diverses sortes qui ont tendance à se multiplier aux élections municipales, ou avec l’initiative "alternative citoyenne" construite aux récentes élections régionales par exemple en Ile de France. Cf Alain Bertho : "ce que nous avons fait est radicalement nouveau, nous avons construit un espace à travers lequel des militants du mouvement social et des animateurs de réseaux citoyens, ensemble, se sont donnés les moyens d’intervenir dans le champ politique sous leur propre responsabilité. Sans ralliement à un parti, sans confusion avec lui, sans satellisation."...

Le sens de ces efforts est au fond d’essayer de construire une articulation, un continuum entre la sphère sociale et culturelle et la sphère politique.

Donc il nous faut une force politique citoyenne qui ne soit pas un parti.

On a besoin d’une nouvelle force politique dont le contenu et la démarche soient de promouvoir une démarche citoyenne généralisée. Mais cette force politique ne doit pas être un nouveau parti, un parti de plus, même prétendument différent : ce serait un suicide pour ce qui constitue notre énergie même...
La démarche de parti est devenue contradictoire avec la démarche de promotion de la citoyenneté. Constater ceci n’empêche pas que l’existence de partis soit un fait. Et un fait qui risque de durer. Mais ce n’est pas des partis, et surtout de l’intérieur des partis, que peut venir la mise en oeuvre de cette démarche. Elle ne peut pas venir d’organisations qui campent spécialisées dans la sphère politique, dans le domaine du pouvoir. Elle ne peut venir que de forces porteuses des problématiques, des richesses et des exigences de la sphère sociale et culturelle.

Le champ d’intervention de cette force politique citoyenne ne peut donc pas être limité à la "sphère politique étroite", celle des élections et des pouvoirs. Si elle fait ça, elle sera rapidement récupérée (collectivement et au niveau des individus), intégrée par le système.

Au-delà de leurs différences, les partis dans leurs conceptions et pratiques actuelles de la politique, ont tous quasiment la même démarche. Au fond de leur rapport aux citoyens, il y a une logique de dessaisissement, d’organisation de la délégation de pouvoir, de recherche de soutien, et d’instrumentalisation des capacités populaires. Et d’ailleurs, au sein des appareils des partis, des gens en vivent et ne sont pas prêts à y renoncer. Ce point aussi devrait être regardé plus sérieusement.

Autre chose aussi : la coupure entre la société et "les politiques", dont tout le monde parle depuis le 21 avril 2002, coupure qui n’est pas effacée par le récent coup de balancier de 2004, n’imprègne pas à gauche le seul PS en tant que parti. Elle est une tendance dominante dans la démarche de tous les partis sous leur forme actuelle. D’ailleurs, on est bien obligé de constater que c’est en dehors des partis de gauche ou d’extrême gauche, et en tous cas avec des personnes qui ne restaient pas enfermées dans des partis, que se sont construits ces dernières années des contenus plus transformateurs, et des initiatives pour les porter (cf le processus des forums sociaux, les mobilisations contre la guerre...).

On ne réglerait donc pas notre problème en organisant une "recomposition politique", un regroupement de l’extrême gauche ou d’une gauche plus radicale à la gauche du PS. Tout ce qui restera limité à la sphère politique étroite ne fera pas le poids face au système, la mayonnaise ne prendra pas. N’est-ce pas aussi pour cela que l’appel "Ramulaud" n’a pas tenu ses promesses, et il en sera de même de toutes les tentatives de "regroupement" dans la seule sphère "politique"... De plus, pour ce qui est de la sphère politique elle-même, notre objectif doit être d’influer sur la culture politique et les pratiques de l’ensemble de la gauche.

En bref, nous avons besoin d’une force politique qui travaille à faire tomber les murs entre la société civile et la politique. D’ailleurs, au delà de la diversité des formes que les tentatives "citoyennes" revêtent aujourd’hui, leur fond commun est justement de travailler à surmonter cette coupure. Le renouvellement de la politique et de la gauche en dépendent.

Ceci demande d’agir dans deux directions indissociables :
- porter des contenus transformateurs (les élaborer, et prendre des initiatives permettant de les promouvoir).
- mettre en oeuvre une démarche politique démocratique participative.

Si elle n’est pas un parti, cette force politique citoyenne pourrait être un espace, un creuset dans lequel se rencontrent, se côtoient, débattent, s’opposent, coopèrent, s’aident, se rassemblent, des forces individuelles et collectives diverses qui travaillent dans toutes les sphères de la société.

On peut voir large. Car dans la société civile les forces transformatrices sont nombreuses : individus, associations, organisations, syndicats, collectifs, réseaux, coopératives, etc... Ces forces essaient d’affronter les problèmes dans leurs domaines, et de trouver des solutions. Tout ceci est porteur de contenus politiques qui demandent d’ailleurs à être travaillés en permanence pour être mieux transformateurs en s’émanciper des consensus ambiants.
"Faire de la politique", c’est notamment faire du transversal. La mise en commun, les échanges entre les acteurs d’un domaine permettent de l’élaboration politique, la construction de contenus transformateurs, qui peuvent alors faire l’objet d’actions et de mises en oeuvre.

Comment permettre que ces contenus transformateurs puissent prévaloir dans la sphère des pouvoirs et des décisions publiques ? C’est impossible de "rester dans la société civile" et de laisser "la politique et les élections" aux partis existants. Se limiter à produire des contenus, c’est permettre aux sociaux-libéraux de venir faire leur marché parmi ces contenus élaborés, à leur choix. C’est justement parce que les contenus, c’est fondamental, qu’il est indispensable que les citoyens s’en occupent jusqu’au bout, jusqu’aux pouvoirs qui permettent de les réaliser. C’est parce qu’il y a dessaisissement, abandon de compétences, transfert à "des politiques" sous hégémonie sociale-libérale, qu’il y a échec à transformer la société. _ Il faut donc que des acteurs "citoyens" de plus en plus nombreux prennent en charge jusqu’au bout, jusque dans la sphère des pouvoirs, l’ensemble des processus pour qu’ils aboutissent.

L’outil pour ce travail d’articulation pourrait être une démarche : la démocratie participative

La démocratie participative, les budgets participatifs peuvent être un chemin pour construire cette articulation entre la sphère de la société civile et la sphère politique. _ La démocratie participative est une forme de réalisation de cette articulation.

Car ce qui compte, dans cette situation, pour réussir, ce n’est pas tant la radicalité à priori du programme que la démarche qui doit permettre aux citoyens de s’approprier la réalité en la transformant, et d’avoir envie de la transformer en se l’appropriant.
La démocratie participative - notamment les budgets participatifs - peuvent être une pédagogie de la transformation sociale sans fin. Pour une transformation réelle, donc progressive et continue, des choses. C’est un peu un chemin qui permet par lui-même d’ouvrir la route, et de construire les ponts entre la société civile et la politique.
Il faudrait généraliser dans la société une démarche de submersion démocratique. Une démarche en même temps participative, combative, constructive. C’est la seule démarche qui n’exclut pas, ne fait de procès d’intention à personne, permet à chacun d’avancer au meilleur rythme possible. Qui est à l’opposé des comportements partidaires : ne délègue pas les yeux fermés, ni ne combat tel ou tel selon son "étiquette" du moment. C’est la réalité et le processus qui comptent, et les citoyens peuvent juger au fur et à mesure des actes et des résultats.

Pour rendre possible une intervention citoyenne transformatrice jusque dans la sphère politique, pour ne pas retomber toujours dans la confiscation par des partis qui vont, et occuper les postes de pouvoir, et trier dans les contenus portés par le mouvement social, et neutraliser les exigences transformatrices, un moyen peut être de construire et de multiplier une nouvelle forme d’institutions : des instances participatives. Des institutions qui comblent en pratique la coupure société civile/sphère politique.

Si l’on ne veut pas en rester à des mots, la démocratie participative doit être d’abord et surtout des budgets participatifs, qui seuls permettent de mettre la main dans la caisse, dans la gestion de la machine publique, des décisions publiques.
Il faut ça, si l’on veut déboucher sur des décisions réellement transformatrices, et qui puissent s’alimenter elles-mêmes par une sorte de dialectique de la conscientisation, de l’action transformatrice et de ses résultats bénéfiques. La démocratie participative et les budgets participatifs sont producteurs de qualification citoyenne, de nouvelles capacités citoyennes...

Parenthèse : une démarche radicale qui ne serait pas participative, démocratique, a prouvé qu’elle menait à l’échec, souvent tragique. N’est-ce pas aussi cela la raison profonde du faible résultat des listes LO-LCR ? L’exigence de changements fondamentaux est portée par beaucoup de gens. Mais qui parmi eux peut croire encore sérieusement à la fécondité d’une stratégie protestataire, "d’avant-garde", et étatiste, qui consiste à accumuler et à travailler des mécontentements pour, le jour venu, prendre le manche et faire pour le peuple une politique de l’avenir radieux. Faire de la politique essentiellement sur le mode de la protestation, de la dénonciation et du pamphlet, et puis sur celui de la délégation (quels que soient les appels à l’intervention), n’est-ce pas une des raisons profondes du déclin du PCF (affaiblissement des contenus, étiolement des forces) ? Dans ces conditions, beaucoup préfèrent voter au moins "un peu utile", pour virer la droite, en votant PS par exemple...

Une étape pour essayer de faire émerger cette force politique de forme nouvelle : une mise en réseau des collectifs, associations, mouvements, réseaux citoyens ?...

Cette force politique citoyenne peut peut-être commencer à prendre forme à partir d’une mise en réseau (nationale et internationale) des réseaux et mouvements citoyens.
Ces réseaux citoyens ont et peuvent prendre des formes diverses. Mais leur nature commune pourrait être d’être des espaces permettant de créer une articulation entre les problèmes, l’élaboration de propositions (aider à travailler les contenus en faisant du transversal - la démocratie participative permet de travailler sur les contenus), les initiatives d’action et les décisions politiques publiques. Entre la société civile et la sphère politique.
De s’attaquer au problème de la coupure, à la confiscation de la politique par des partis et des appareils, d’essayer de promouvoir une démarche transformatrice et participative, de faire émerger des élus qui la portent dans toutes les institutions et lieux de pouvoir. Avec dans chaque situation un moyen : travailler à la création d’espaces, d’instances de démocratie participative.

Quelles formes peuvent et pourraient prendre ces réseaux citoyens ?
Et avec qui réaliser tout ce travail ?

D’abord, nous devrions prendre le temps de regarder tout ce qui existe dans la société comme associations, organisations, mouvements, réseaux, qui sont porteurs, un peu ou beaucoup, de démarches citoyennes. Et si on faisait du transversal, si on aidait systématiquement à ce que tout ce monde se rencontre pour élaborer des propositions et prendre des initiatives, on passerait sans doute assez vite à des qualités nouvelles.
Il y a bien sûr ceux qui ces dernières années se sont constitués pour intervenir avec cet objectif dans le champ politique (cf toutes les listes et élus "citoyens", des associations participatives etc...). Ces réseaux portent des noms divers, ils sont de formes diverses.
Il y a aussi (surtout ? ) tous ces individus, et toutes ces organisations ; associatives, syndicales (?), etc... qui s’efforcent d’améliorer les choses dans la société civile.
Beaucoup d’associations par exemple sont des espaces de prise en mains des problèmes, d’organisation de la vie sociale, et de démocratie. Elles sont cependant souvent cantonnées dans une partie très limitée de la réalité. Souvent, elles n’accèdent pas à un niveau plus politique, non seulement celui des responsabilités et des pouvoirs, mais celui d’un point de vue plus transversal et plus global, d’une maîtrise plus approfondie des contenus et des processus. Cette situation facilite le dessaisissement, la délégation, et la confiscation de la représentation par des partis qui peuvent alors plus facilement maintenir l’ensemble dans le carcan d’une simple gestion sociale libérale. Mais il reste que beaucoup d’associations et d’organisations existantes peuvent être considérées sous un certain angle comme des réseaux de citoyens. Et que cet aspect là peut être renforcé chez beaucoup d’entre elles.

L’existence de réseaux citoyens mettant en oeuvre consciemment leur démarche peut aider à rendre les démarches de beaucoup d’associations plus exigeantes, à se poser concrètement la question de prendre en mains les caisses publiques, la machine publique, les budgets, la construction des décisions publiques à tous les niveaux. Par exemple à travers la proposition de mise en place de budgets participatifs.
L’existence de réseaux citoyens peut aider des organisations à travailler elles mêmes en réseau, en particulier celles qui travaillent dans le même champ. La politique, ça a quelque chose à voir avec la globalisation des problèmes, avec l’organisation de la transversalité dans le traitement des problèmes, leur prise en compte du point de vue de la société, de l’intérêt général.

Bien entendu, de nouveaux réseaux citoyens peuvent être créés dans une multitude de domaines de la société : il y a tant de problèmes et tant de chantiers à ouvrir pour la transformation sociale.

C’est l’ensemble de ces réseaux qui pourrait constituer une force politique d’une nouvelle forme. Et leur mise en réseau nationale aidera et à leur développement et à leur émergence en tant que nouvelle force politique.
Se pose alors aussi la question de leurs rapports aux partis politiques constitués. Qui ne peuvent être ni de soumission, ni d’ignorance. Sachant que le développement de réseaux citoyens devrait obliger ces partis à modifier leur propre comportement.

Ce texte est une contribution dans la discussion sur la mise en place d’un réseau national des réseaux et collectifs citoyens.
Il doit notamment à des discussions au sein du forum des réseaux citoyens de st-étienne, à des discussions avec Sergio Amaral et les ami(e)s de Solidariedade - Porto Alegre, à la lecture de textes de N. Perlas sur la triarticulation sociale, et d’A.Bertho...