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St-Etienne : soirée de solidarité avec les Roms à l’initiative de la Cimade
vendredi 26 novembre 2004, par
Une soirée pour parler de solidarité et pour mieux comprendre ce qui se passe avec les réfugiés, c’était l’objectif de la Cimade-Loire ce jeudi 25 novembre à St-Etienne. Au moins 130 personnes y ont participé, dans les locaux de l’Eglise Evangélique Protestante, 35 rue Denis Epitalon.
Accueillis par JP Berthouze, Daniel Quetin, Aurélie Pialou... les participants ont d’abord pu partager quelques informations, puis un repas, avant de voir le film "Roms, la mémoire retrouvée" et d’en discuter avec la participation du Comité de soutien aux Roms de St-Etienne, et de deux militants de la Cimade Paris.
Etaient présents des militants de diverses associations qui à St-Etienne aident les réfugiés, ainsi que des réfugiés originaires de plusieurs pays d’Afrique, et du Kurdistan, qui a divers moments ont été en contact avec la Cimade notamment. Etaient présents aussi trois enfants Roms qui vivent dans un squat au Clapier : Cassandra, Claudio et Dorin.
Aurélie Pialou, qui s’occupe des questions juridiques à la Cimade Loire, a indiqué que va prochainement entrer en vigueur un "code d’entrée et de séjour des étrangers". Le ministre de l’intérieur D. de Villepin vient d’autre part d’annoncer la couleur et le programme dans une interview au Figaro : 9 600 étrangers ont été reconduits à la frontière en 2003. Environ 13 000 le seront en 2004 et l’objectif est de 20 000 en 2005 !!...
Pour ce faire, des moyens matériels sont mis en place. De Villepin a annoncé qu’il va créer "un pôle d’éloignement" dans toutes les préfectures. Et que si 1 million d’euros/an étaient consacrés à la reconduite à la frontière jusque là, cette somme va passer à 33 millions d’euros en 2005... C’est donc dans la lignée de Sarkozy. On va vers une situation où pour les réfugiés "mieux vaudra rester en fraude en france, illégalement, que de faire une demande"...
Cet emballement de la machine à expulser pose beaucoup de problèmes aux bénévoles de la Cimade, comme ceux qui travaillent à "l’aide au récit", cette histoire des persécutions subies que les réfugiés doivent joindre à leur demande. Le raccourcissement des délais d’instruction des demandes rend les choses très difficiles. Parfois, il faut avoir bouclé le dossier en 3 semaines, c’est trop court...
Daniel Quetin a précisé quel est le rôle de la Cimade, quel type d’accueil elle offrait. La Cimade ne prend pas en charge le côté "social" : hébergement, argent, nourriture.... Elle offre une permanence d’accueil et d’aide pour les droits des étrangers. Mais comme il y a de gros besoins pour l’accueil et la survie, la Cimade est amenée de plus en plus à orienter les personnes qui s’adressent à elle vers des associations et institutions. C’est pourquoi elle vient de créer "les amis de la Cimade-Loire" qui aura en charge d’écouter ce type de demande pour informer, orienter...
Concernant les réfugiés dans la Loire, il y a actuellement 550 places spécifiques pour les demandeurs d’asile : dans les CADA (centres d’accueil pour les demandeurs d’asile) et avec les places réquisitionnées dans d’autres structures.
Mais la préfecture dit elle-même qu’il y a environ 1 000 demandeurs d’asile...
Parmi les dates d’initiatives prochaines : le 18 décembre, qui sera une journée internationale de solidarité avec les migrants. La Cimade mène une campagne autour de "l’enfermement" (zones d’attente, centres de rétention, prison etc...). A ce propos, la France n’a pas encore ratifié la convention sur les droits des migrants.
Le film présenté ensuite est l’un des quelques films qui permettent de mieux comprendre l’histoire des Roms, largement méconnue.
Il commence par le rappel avec des témoignages du génocide des Roms par les nazis. Déclarés race à exterminer, les "tziganers"ont été conduits à Auchwitz, ou 300 000 à 600 000 d’entre eux ont été assassinés. Des enfants Roms ont servi de cobayes pour les expériences de l’assassin Mengele.
Et la France, qu’a-t-elle fait à ce moment là. Le gouvernement de Vichy et sa police ont participé à a chasse. Plusieurs milliers de tziganes ont été arrêtés et enfermés dans un camp créé tout spécialement à Montreuil-Bellay, en Anjou. On entend dans le film le témoignage d’une femme enfermée dans ce camp : 3 ans sans voir la flamme d’un feu, presque rien à manger. 90 par baraque. Une très grande mortalité, surtout parmi enfants. C’est en France, avec la Police française, que ça a été fait. Le camp d’internement a fonctionné de novembre 1941 à janvier 1945.
60 ans après, quelques 5 000 Roms roumains vivent en France dans des conditions misérables, souvent au milieu des poubelles et des zones délabrées... L’histoire piétine.
Le film montre aussi la situation des Roms dans les pays de l’Est. Particulièrement en Roumanie (2 des 10 à 12 millions de Roms vivent en Roumanie, où ils représentent 10% de la population). Paradoxalement, les Roms n’ont pas gagné au change après la chute de Ceaucescu. Pourtant, avant, ils devaient subir une politique d’assimilation forcée et de sédentarisation. Cela dépend certes un peu des régions en Roumanie. Mais beaucoup de Roms y subissent un racisme et des discriminations lourdes : refus d’emplois. Refus d’accepter les enfants Roms dans les écoles. Violences policières."Toutes les portes se ferment", dans un pays où la corruption s’étale."La grande dérive post-socialiste" dit quelqu’un dans le film.
Cela dit, les Roms ont commencé à prendre les choses en mains.
En France où ils ont commencé à "arriver" depuis 15 ans, des Comités de soutien se sont constitués ces 2 ou 3 dernières années. Ainsi qu’un collectif "Romeurope". Pour essayer de faire face. Les Roms sont chassés. Ils n’ont droit à venir qu’avec un visa "touriste" de 3 mois et doivent pour être acceptés en tant que touristes prouver qu’ils ont des "conditions de ressources suffisantes"... Chose jamais demandée à un citoyen des USA ou du Japon... Les maires se les refilent d’une ville à l’autre et les préfets d’un département à l’autre...
Après le film a eu lieu une discussion sur la solidarité avec les Roms.
Marcel Gaillard et Anna Pidoux ont présenté le travail de solidarité concrète réalisé par le Comité de soutien aux Roms, mis en place à l’initiative du CVDH, comité de vigilance pour les droits de l’homme : collecte et fourniture de nourriture, vêtements, bouteilles de gaz et moyens de chauffage pour les squats, diverses démarches auprès des autorités contres les tracasseries policières...
Une partie de la collecte réalisée au cours de la soirée servira d’ailleurs à cette aide d’urgence.
Cela dit, si cette aide est indispensable, tout comme peut être utile l’aide apportée par une des associations présentes à une famille pour qu’elle se réinstalle en Roumanie avec quelques moyens, la discussion a aussi montré qu’un travail de solidarité politique pour le respect des droits fondamentaux des Roms ici et là-bas était indispensable.
C’est sur cet aspect qu’a insisté Alexandre Leclève, de Solidarité Internationale Cimade, qui s’occupe de la défense des étrangers reconduits (et intervient donc dans les centres de rétention etc...).
Alexandre Leclève a réagi à cette phrase : "la solution est de les aider à vivre dans leur pays (...).On a installé cette famille... au moins ceux-là ne reviendront plus...". Quelqu’un dans la salle a rectifié : "sauf en touriste, s’ils veulent !".
Attention, a expliqué Alexandre Leclève : si on ne fait que ça, ça peut ressembler à ce que fait le gouvernement français, dont certains envoyés proposent aux Roms le marché suivant : "150 euros et vous partez de votre plein gré et vous ne revenez pas. Ou bien vous êtes expulsés, mais avec 0 euro...". Le pouvoir de choisir...
Sarkozy a commencé à mettre au point un accord avec le gouvernement roumain, prévoyant qu’un Rom qui se fait expulser en Roumanie aurait son passeport confisqué pour 5 ans, afin de ne pas pouvoir ressortir. On se souvient des protestations ici contre l’interdiction pour les Roumains de sortir de Roumanie sous Ceaucescu... ça recommence !...
A. Leclève a posé lui la question du respect du droit des Roms en Roumanie et ici. Il invite à mener les deux actions ensemble : social/humanitaire et politique/militante en même temps. Parce que le problème est de grande ampleur : il y a 5 000 Roms en France, et 10 à 12 millions en Europe. Quels droits, quel avenir pour eux ?
Autre idée importante exprimée : que fait-on pour associer les Roms à la solution de leurs problèmes ?
Daniel Quetin pense lui aussi qu’il faut bien sûr voir le problème sur le plan de l’urgence, mais qu’il faut en même temps poser le problème au plan politique. Et ce au plan européen. En ce moment se prépare un accord entre les ministères français et roumains pour la création en Roumanie de "camps de regroupement" des Roms, pour les personnes que le gouvernement français qu’on veut expulser. Marie-Pierre Vincent est d’ailleurs en ce moment en Roumanie et ramènera des informations sur la situation dans ce domaine. Ils veulent fabriquer des ghettos pour Roms là-bas.
Une brève discussion a eu lieu sur la question des logements pour les Roms. Doit-on se contenter qu’ils puissent rester dans des squats sordides ou bien doit-on demander qu’ils puissent occuper des logements vides, qui existent par milliers à St-Etienne, et dont des centaines - de l’OPAC notamment, qui sont promis à la démolition dans quelques mois ou années - sont en attendant chauffés et vides, quand des familles avec des enfants vivent dans des conditions indignes pour des êtres humains ?
Par exemple, une discussion a eu lieu lundi dernier au Conseil de St-Etienne Métropole suite à la protestation du maire de Rive de Gier contre la décision du Préfet de réquisitionner 30 logements vides du Grand Pont, promis à la démolition, pour y loger des familles de Roms. Cette décision annoncée du Préfet, dont il faudra voir si elle est suivie ou pas d’effet montre qu’il y a des solutions immédiates si on veut aider les réfugiés. Et pourquoi par exemple n’essaierait-on pas de partager l’effort d’accueil des réfugiés à l’échelle de toutes les communes de St-Etienne métropole ?
Roger Dubien.
Pour contacter la Cimade :
Cimade-Loire, 3 rue Louis Soulié, 42000 Saint-Etienne - ouvert l’après-midi, sauf mardi et samedi - tél/fax : 04 77 32 75 84.
e-mail cimade : cimadeloire@club-internet.fr