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Une expérience à Rennes pour associer les habitants-usagers au fonctionnement du CCAS.

lundi 13 mars 2006, par Georges Günther

Vendredi 3 février Le Secours catholique a organisé, au Conseil régional Rhône-Alpes, un colloque intitulé : « Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) : Un outil partenarial au service d’une dynamique sociale de proximité ? » Il a rassemblé de très nombreux professionnels et militants associatifs de la solidarité.
J’ai retenu l’exposé sur une expérience développée Rennes pour associer les habitants au fonctionnement du CCAS, ainsi que deux autres expériences initiées par le conseil général de l’Isère , l’une sur une formation croisée habitants-professionnels, l’autre sur l’utilisation du théâtre forum.
Le texte qui suit sont des notes personnelles. Il s’agit donc d’une retranscription forcément partielle et incomplète.
Dans son introduction au colloque Jean Jack Queyranne a rappelé deux chiffres : il y a 1000 pauvres supplémentaires chaque jour en France, et 50 000 ménages actifs sont pauvres en Rhône Alpes (source : rapport de la MRIE)

L’expérience initiée par le CCAS de Rennes a été présentée par Jacques Lepage, l’animateur-facilitateur embauché à plein temps pour animer toute la démarche.

Le CCAS de la ville de Rennes a pérennisé depuis le 1er septembre 2005 une démarche nommée « Participation des habitants » dont l’objectif est d’associer les habitants, au fonctionnement du CCAS. Cette démarche est aujourd’hui appelée : « Croisement des expériences entre habitants-usagers et professionnels du CCAS ».
L’enjeu central de ce croisement d’expériences, est le développement d’un nouveau type de relations de partenariat entre les professionnels et les habitants. L’objectif affiché : à terme, associer systématiquement les habitants à tous les projets qui les concernent, en amont de ceux-ci et pas uniquement dans leur mise en œuvre.

Fin 2002 le CCAS souhaitait, déconcentrer l’action des CLI (Commission Locale d’Insertion) en créant des CLI de quartiers, et cherchait à favoriser l’expression et la participation des habitants aux CLI pour mieux connaître leurs besoins.
Cette participation des habitants a démarré avec la création de deux groupes de travail.
Les associations de la solidarité ont été sollicitées pour proposer les personnes qui pourraient participer à ces groupes.
Pour lancer les premières rencontres, il a été fait appel à un consultant. Au départ elles ne concernaient que les habitants.

On peut distinguer trois phases :
-  2002-2003 : Deux groupes sont constitués dans deux quartiers, uniquement avec les habitants. Ceux-ci sont assez virulents vis-à-vis des travailleurs sociaux.
-  2003-2004 : Créations de groupes thématiques inter quartiers, ouverts à des représentants d’associations.
-  2004-2005 : La démarche est étendue et pérennisée à toute la ville et ouverte aux professionnels. La décision est prise de créer un poste à plein temps « d’animateur-facilitateur », pour animer le travail des groupes. Le choix est fait d’embaucher une tierce personne : ni un travailleur social ou un salarié du CCAS, ni un habitant. La personne ne sera pas salariée du CCAS. Elle dépendra de l’organisme prestataire de service choisit par le CCAS suite à une procédure d’appel d’offre. C’est une personne proposée par le Secours catholique qui a été retenue.

Sujets des groupes thématiques :
- Refaire les courriers adressés aux Rmistes
- Refaire les questionnaires du CCAS
- Elaborer une plaquette d’information sur le CCAS
- Comment améliorer l’aide à la recherche d’emploi ?

Chacun des groupes est composé de 4 à 5 habitants et de 2 ou 3 professionnels : environ 10 personnes au total. Le CCAS a demandé au Secours catholiques et à ATD Quart monde de proposer des personnes parmi celles qu’elles accompagnent. Les gens qui participent aux groupes sont donc volontaires.
Les groupes se réunissent une fois par mois et dans l’intervalle d’autres rencontres ont lieu avec les habitants.

L’objectif est d’améliorer ce qui existe.
Le travail a débuté en septembre 2005. Le 1er avril 2006 une rencontre de tous les groupes aura lieu au CCAS pour qu’ils présentent leurs propositions, et échangent entre eux. Les résultats sont attendus pour le printemps 2006.

C’est le CCAS qui a choisit les thèmes. Mais il est prévu de constituer un groupe composé d’habitants, de professionnels et de militants associatifs, pour proposer des sujets.

Premières analyses :
-  Les rencontres des groupes sont vivantes, denses, avec une bonne écoute mutuelle.
-  Les professionnels sont très contributifs. Il y a du côté des habitants des expressions fulgurantes qui résument une question.
-  On constate une grande convergence de points de vues, d’attentes, entre les différents groupes : attente de « faire ensemble », d’une démarche plus contractuelle dans le travail quotidien.
-  Comment maintenir une mobilisation durable des habitants ? : nécessité de rappeler la veille des réunions, proposer d’aller chercher les personnes... Et puis aider à une stimulation mutuelle, faire prendre conscience qu’on est une force.
Actuellement des habitants engagés en mobilisent d’autres.

L’intérêt :
-  Prouver que des professionnels et des habitants, peuvent travailler ensemble sur un pied d’égalité.
-  Prouver qu’il est nécessaire d’associer jusqu’au bout toutes les catégories d’acteurs et notamment les habitants.
-  Prouver qu’il est possible de mener un travail contractuel dans le quotidien. Déjà les professionnels disent qu’ils reçoivent autrement les habitants.

Volonté d’associer dans le futur d’autres partenaires à l’initiative, notamment le département.

Remarques :
- Une demande des habitants revient très souvent : avoir une information sur des parcours réussis.
- 3 ou 4 habitants sur la vingtaine qui participent aux groupes, ont déjà réussi à se réinsérer, ont retrouver un travail.
- Des propositions sont faites dans les groupes, et avant même qu’elles soient acceptées, les gens passent à l’acte. Exemple : proposition d’accompagner les personnes auprès des administrations. Cette proposition n’a pas encore été accepté et déjà des gens décident d’en accompagner d’autres.

L’après midi, lors de la table ronde sur le thème « Comment construire une dynamique sociale de proximité ? », Françoise Raynaud, Directrice adjointe du Développement Social au Conseil général de l’Isère à parler d’une expérience qui m’apparaît intéressante, autour d’une formation croisée d’habitants et de professionnels.
Françoise Raynaud insiste sur un enseignement majeur : « Les habitants par leurs compétences sociales peuvent qualifier les professionnels, qui peuvent à leur tour qualifier les habitants. Cette formation croisée a débouché sur la création d’une association d’habitants et de professionnels. Cela a permis aussi de modifier les formulaires RMI. »

Autre expérience relatée par Françoise Raynaud : la formation de trois assistants de secteurs à la technique du théâtre forum.
Deux types de théâtre forum ont été montés sur deux quartiers :
-  Un sur les aides financières, avec pour titre « Et pourquoi pas du caviar ! : dites nous ce dont vous avez besoin, nous vous dirons comment vous en passer. »
-  Un sur la rédaction d’un petit journal.
Les professionnels qui ont participé à l’expérience ont dit qu’ils retrouvaient ainsi le sens de leur travail. « Nous sommes toujours au RMI, mais nous avons retrouvé une dignité » expliquent quant à eux les habitants.

Georges Günther