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Rencontres citoyennes DRD de St-Etienne

Construire de nouveaux rapports ville-campagne

Crise alimentaire, crise environnementale, crise du développement urbain : quelles actions citoyennes pour avancer concrètement ?

jeudi 27 avril 2006

Les Rencontres citoyennes autour de la démocratie participative et des budgets participatifs organisées par le Réseau DRD à St-Etienne les 18 et 19 mars ont réuni 101 participant-e-s.
L’atelier : "Construire de nouveaux rapports ville-campagne. Problématique : se réapproprier les conditions de production de notre alimentation et de notre environnement en créant des circuits courts paysans-habitants des villes", a réuni 11 personnes (1).
Voici une synthèse de la discussion et des propositions issues de cet atelier....
Ce texte est publié sur le site web du réseau Démocratiser Radicalement la Démocratie : www.ar-drd.net

Préambule :

- Le rapport ville campagne est à situer dans la problématique de la crise écologique et environnementale globale.
Cette crise majeure et les questions politiques fondamentales qu’elle pose à l’ensemble de l’humanité interpellent la question de la démocratie et de sa rénovation : l’idée que " l’intérêt général " de la planète nécessite de prendre des mesures impopulaires et donc qu’elles doivent être imposées de manière autoritaire fait son chemin. De même, l’idée qu’il est plus efficace de discuter de " normes environnementales " avec quelques dirigeants de grandes firmes multinationales plutôt que de perdre son temps à convaincre des millions de " consommateurs passifs " et des responsables politiques sans efficacité et sans volonté gagne du terrain chez les partisans du développement durable.
Il est donc urgent de chercher des réponses à ces questions du coté de la rénovation et de l’extension de la démocratie, en particulier dans le fonctionnement des outils de l’action publique, de l’affectation des ressources publiques, de la gestion des biens communs, des instances de planification du développement des territoires.

- L’idée que l’homme "exploite" la nature et ses ressources à sa guise a vécu.
Cette notion d’exploitation de ces ressources a totalement occulté l’importance de leur renouvellement, ainsi que leurs effets de dégradation de l’écosystème que cette exploitation générait. Les causes de la crise écologique sont assez bien identifiées et on sait aujourd’hui qu’en malmenant la "terre nourricière", l’homme se malmène lui-même.

- Ces constats étant faits, il est important (sans bien sur rejeter l’importance de la réflexion globale) de trouver, dans la réalité qui nous entoure des leviers pour agir concrètement sur l’évolution de cette réalité. Car si on en reste à la description de la grande mécanique de la globalisation, on débouche sur un sentiment d’impuissance et pendant ce temps, les décideurs capitalistes prennent, eux, des milliers de décisions pratiques qui transforment le monde car le global est aussi la résultante de millions d’actions locales.

- Le monde paysan, c’est une conviction de l’ensemble des participants à l’atelier, ne peut pas se sauver lui-même, seul. Paradoxalement, il ne peut être sauvé que par la ville. Les urbains doivent redéfinir l’ensemble de leurs rapports avec la campagne, avec la nature. Il y a donc un travail de "conscientisation" à conduire, de prise de conscience politique sur cette question qui en fait recouvre un enjeu fondamental, celui de la crise environnementale.

Les propositions :

- La question du sol et du territoire. L’espace de l’agriculture paysanne est partout en danger, sous des formes diverses, au Sud et au Nord ( surconsommation de l’espace par l’urbanisation productiviste, méthodes de l’agriculture industrielle, réseaux prédateurs liés à la grande distribution, etc.)

Il faut obtenir des villes et des communautés d’agglomérations, de leurs conseils de développement des actions de valorisations et de re-développement de l’espace agricole et des aides au développement de l’agriculture paysanne.. Il faut travailler sur l’idée de réorienter les aides considérables à l’aménagement des "zones d’activité" et de l’ "immobilier industriel". Cela implique de stopper le sur-étalement urbain et de définir des contrats ville-campagne. Les responsables de la confédération paysanne sont favorables à l’idée d’utiliser, par commune, les cartes des exploitations agricoles existantes comme indicateur pour maintenir et développer l’espace paysan.

- Les questions liées à l’alimentation, à l’autonomie alimentaire. Il faut informer avec précisions les citoyens sur l’explosion des graves problèmes de santé publique liée à la dérive des comportements alimentaires, à la nature de l’alimentation, aux méthodes de sa production. Des études très précises sont maintenant disponibles.

Il faut savoir que, en France, 70 % de l’alimentation passe par la restauration collective dont une grosse partie est en fait contrôlée par des instances publiques. Or tout cet énorme marché bascule massivement vers les groupes privés de l’agroalimentaire.

L’action citoyenne peut donc intervenir, par l’intervention dans les méthodes de gestion de ces secteurs, pour reconstruire des circuits d’approvisionnement et des relations avec l’agriculture paysanne. Ce type d’action peut se développer :
Dans la gestion des cantines scolaires,
Dans la restauration d’entreprise, notamment publiques,
Dans la vie associative,
Les foyers de jeunes travailleurs,
Les hôpitaux évidemment,
Les maisons de retraites,
Dans les collectivités locales,
Etc..

Pour ce qui concerne la vie associative, il faut que la question de la culture alimentaire, la connaissance des processus de production des aliments, de cette économie de la terre et de ses enjeux, les conditions de leur maîtrise citoyenne prennent une place de premier plan dans l’éducation populaire et la formation des éducateurs et animateurs.

Des expériences d’alphabétisation ont été conduites autour de la cuisine, de l’échanges de menus, de savoirs. On peut organiser des séjours (souvent très économiques) et des visites pour les enfants et les jeunes du milieu urbain à la campagne, dans le milieu agricole. On peut organiser des rencontres entre des femmes des villes et de la campagne. Il est possible d’obtenir, dans les quartiers, des vergers pédagogiques gérés par les écoles, les associations etc...

Une participante à l’atelier a fait observer que ces questions sont trop souvent diluées dans celles des rapports Nord-Sud et qu’il fallait absolument les appréhender localement. Ces questions sont présentes dans la manière dont nous et nos enfants nous alimentons. Il est dommage de découvrir lors d’un séjour au Chili ou au Chiapas (même si cela est très positif de voyager) qu’il existe un problème " dans son assiette ".

- La question de l’emploi. Les besoins de l’agriculture paysanne sont considérables, c’est le financement qui manque. Il s’agit d’emplois environnementaux intéressants.

(S’agissant de ces questions de ressources financières des territoires non-urbains, Il est intéressant de noter que dans certaines villes d’Amérique latine (Alvorada, au Brésil ou Cotacachi en Équateur), le budget participatif à été un instrument d’inclusion et de développement de l’espace rural. Les ressources attribuées à ces régions sont proportionnellement bien supérieures à leur population. Certaines de ces villes ont institué un "Budget rural" ce qui exprime une nette volonté de développer et d’intégrer une partie historiquement laissée pour compte de la municipalité, et pourtant essentielle pour son développement futur).

On peut citer aussi le "doublage" des agriculteurs, les emplois liés à la forêt.

En France, les produits fermiers représentent seulement 3 % de la consommation alimentaire. L’impact d’un simple doublement (6 %, ce qui reste modeste ) sur l’emploi serait significatif.

- La question de la ré-appropriation des circuits de la distribution et la relocalisation des activités. Le rétablissement des circuits courts est primordial.

Des expériences multiples sont en cours, réunissant les efforts de paysans, de consommateurs citoyens, de techniciens du monde agricole, d’associations et de mouvements citoyens, et aussi d’élus.

Il s’agit de la construction de formes économiques alternatives concrètes, réelles, viables. Elles changent d’ores et déjà la situation pour des dizaines de milliers de personnes, et peuvent s’étendre rapidement au rythme des progrès de la prise de conscience citoyenne, et constituer de solides points d’appuis pour gagner de nouvelles règles à toutes les échelles de décisions des territoires.
On peut citer : les AMAP, diverses sortes de coopératives, jardins de cocagne, magasins paysans, et toutes les formes de circuits courts...
Les AMAP présentent un intérêt particulier en ce sens qu’elles permettent une prise de conscience progressive, la découverte de nouveaux comportements en matière de rapports production-consommation, de redécouverte des territoires, de réflexions sur les notions de qualité et de prix et aussi de gestion de son budget. Il est important de combattre l’idée ambiguë que la qualité de l’alimentation est un privilège pour "bobos". Au-delà de leur impact économique modeste, elles peuvent produirent une dynamique très positive de ré-appropriation de la question alimentaire. Plus généralement elles mettent en question le rapport client/fournisseur, c’est à dire le marché.

- La question des rapports de voisinage. Les citadins qui vont habiter à la campagne ignorent souvent tout de l’activité du monde paysan. Au-delà des grandes questions de pollution plus ou moins bien médiatisées, beaucoup d’activités de l’agriculture paysanne sont considérées comme des nuisances (odeurs, bruits, animaux, etc.). Or, les problèmes de re localisation des activités agricoles et la nécessité de leur répartition équilibrée sur le territoire (il faut revenir sur l’hyper-spécialistion des régions, l’exemple breton est bien connu) nécessitent une coopération citoyenne pour éviter les conflits.

Les responsables de la Confédération Paysanne travaillent sur des Chartes de type " vivre ensemble " à la campagne entre résidents et agriculteurs.

En général,

les municipalités possèdent des espaces ruraux plus ou moins important, mais le plus souvent marginalisés du développement urbain. Le développement concerne avant tout la partie urbaine des municipalités, au détriment de leurs bases territoriales.

Les terrains agricoles sont en fait encore considérés comme des réserves foncières pour le développement infini de la croissance des villes. Cette tendance semble aujourd’hui paradoxalement stimulée par le besoin de fuir les nuisances, les pollutions, les dangers et le mal vivre générés par ces mêmes villes.

Les moteurs de ce mécanisme sont bien connus : tendance à augmenter l’offre de terrains pour "attirer" les entreprises dans un contexte de mise en concurrence des territoires, tendance à lutter contre le dépeuplement et la baisse des ressources fiscales des villages en créant des lotissements, pression liée à l’augmentation considérable du coût des terrains lorsqu’ils passent du statut de terrains agricoles à celui de terrains à bâtir.

Les planificateurs, les décideurs se réfèrent toujours à la culture abstraite du centre, du centre-ville et considèrent la nature environnante comme un espace de conquête, comme le réceptacle de l’étalement (aujourd’hui sur-étalement) des villes, comme un espace à zoner pour l’habitat, le commerce, l’industrie, des infrastructures, au gré des nécessités de l’ajustement urbain..

La démocratie participative implique une réflexion très approfondie sur le territoire et son découpage. L’expérience des conseils de quartiers (même limitée) le prouve, celle des conseils de développement aussi : lorsque ce découpage est conçu de manière technocratique, dans la culture du zonage ou pour consolider des petites baronnies populistes ou les deux à la fois, il ne produit aucune dynamique créative.

Pour que ce découpage soit pertinent, il doit être le fait de ceux qui appartiennent au territoire, qui font si on peut dire partie du paysage. Il peut alors être l’occasion d’inclure l’espace rural périurbain dans la réflexion sur le développement de la ville en associant ceux qui le travaillent à la gestion de son développement.

Il est urgent d’inverser l’approche : il ne faut plus partir du centre des villes et considérer la campagne comme un espace de conquête, mais partir de la campagne en la considérant comme le partenaire essentiel des nouveaux développements.

 (1) Les participants à l’atelier "construire de nouveaux rapports ville-campagne"  

Raphaëlle Kot (étudiante, St-Etienne)
Bernard et Marie Bruyat (Observatoire des Pratiques de Développement Local, Sud-Ardèche)
Laurent Pinatel (secrétaire de la Confédération Paysanne de la Loire)
Paul Chataignon (Confédération Paysanne Loire et ARDEAR - Association Régionale pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural)
Marie Billi (conseillère municipale communiste de Nice, participante à un projet de coopération solidaire avec le Chiapas)
Martine Chevalier (AMAP, Réseaux citoyens st-étienne)
Marcelle Mialon (Amicale Laïque du Crêt de Roc, AMAP, Réseaux citoyens St-Etienne)
Marc Bardin (AMAP de Rive de Gier, Réseaux citoyens)
Brigitte Roux (Educatrice, St-Etienne)
Raymond Vasselon (AMAP, Réseaux citoyens de St-Etienne, DRD)