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La Commission nationale consultative des droits de l’homme : "l’absolue nécessité de rejeter le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, atteinte intolérable aux libertés et droits fondamentaux"

mercredi 2 mars 2016

Communiqué de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
http://www.cncdh.fr/

Paris, le 18 février 2016 . Alors que le projet de loi constitutionnelle de protection de la
Nation est en cours de discussion au Parlement, la Commission nationale consultative des
droits de l’homme s’insurge contre la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la
déchéance de nationalité, et manifeste sa plus profonde indignation.

L’état d’urgence doit demeurer un état d’exception ; le constitutionnaliser porterait
lourdement atteinte aux équilibres démocratiques et libertés fondamentales.

« Ombre portée de la fondation », écrit Hannah Arendt, la Constitution est la Loi
fondamentale qui scelle le socle des principes essentiels qui régissent notre démocratie.
« La Constitution ne doit pas être un instrument de conjecture politique, alors que la
Nation est sous le coup de l’émotion », rappelle avec force Christine Lazerges, présidente
de la CNCDH.

Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution en période de crise aigüe revient à élever un
régime d’exception, par définition attentatoire aux libertés et droits fondamentaux, au
même rang que les droits de l’homme dont la reconnaissance fut, tout au long de notre
histoire, un combat permanent. Constitutionnaliser l’état d’urgence c’est banaliser toutes
les restrictions aux libertés avec leurs dérives.

Dans sa formulation, le texte soumis au Parlement comporte de nombreuses lacunes
notamment : aucune définition précise des circonstances justifiant la déclaration de cet
état d’exception par le chef de l’Etat, aucune limitation dans le temps, aucun contrôle a
priori par le Parlement ou par le Conseil constitutionnel, ou encore aucune référence aux
droits indérogeables. Tous ces silences ne manquent pas d’inquiéter quant à l’image de la
France et quant au respect de ses engagements internationaux.

Constitutionnaliser la déchéance de nationalité, une violation intolérable des principes
républicains

L’inscription de la déchéance de nationalité est de nature à créer des catégories de
Français et à les diviser. Drapée dans la lutte contre le terrorisme, cette mesure à
l’inefficacité achevée, est inconciliable avec l’article 1er de la Constitution qui proclame
que la France est une République qui « assure l’égalité de tous les citoyens ». La Loi
fondamentale créerait ainsi, de façon permanente et en dehors de toute référence au
terrorisme, des citoyens de seconde zone en stigmatisant les binationaux, alors même que,
pour la plupart d’entre eux, cette double nationalité leur est imposée à la naissance.
Si la mesure devait s’étendre aux mononationaux, l’apatridie guetterait. Dans ce contexte,
la CNCDH ne peut que rappeler son profond attachement à l’article 15 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme qui stipule que « Tout individu a droit à une
nationalité ».

Dans ces temps troublés, il est impératif de porter haut les valeurs de la République, les
équilibres démocratiques et la recherche de la cohésion nationale, et non de les sacrifier.


Télécharger l’Avis de la CNCDH sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation