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Procès en appel du père Gérard Riffard à Lyon

Pour le droit à l’hébergement et au logement : persiste et signe !

Le jugement sera rendu le 27 janvier. La solidarité avec les sans-logement continue à grandir.

mercredi 3 décembre 2014

Le 11 juin 2014 avait eu lieu au Palais de Justice de St-Etienne le procès de Gérard Riffard, curé de Montreynaud, accusé en fait de mettre à l’abri dans une Eglise des personnes sans abri, malgré l’interdiction d’un arrêté municipal. (Voir)
Le jugement rendu le 10 septembre par le juge Helfre - jugement de relaxe magnifiquement motivé - est un jugement qui fait date à St-Etienne et en France.
(Voir)
C’est pourquoi, dans les heures mêmes qui ont suivi, le Procureur a annoncé qu’il faisait appel, appuyé par la Préfète, l’ancien maire Vincent et le récent maire Perdriau. C’est qu’il y a le feu : où va-t-on si la Justice affirme comme ça le droit à l’hébergement pour les sans abri, la responsabilité de l’Etat et des autorités publiques pour qu’il soit respecté, et la légitimité des actions de solidarité avec les personnes les plus pauvres et en danger.

Parce que tout le monde a bien compris la portée du "jugement Riffard" pour toute la société ! Voir : Le choix de la solidarité sort renforcé du jugement Riffard

D’habitude, une procédure en appel prend un certain nombre de mois, il ne faut pas être pressé... Là - indépendance de la Justice vis à vis de la politique, vraiment ? - le jugement en appel a été fixé sous moins de 3 mois, et avait lieu à la Cour d’appel de Lyon ce mardi 2 décembre. Du rarement vu, une telle célérité ; ça fait penser au rendu dans la soirée même du jugement contre les paysans de la Confédération paysanne au procès de la ferme des 1000 vaches fin octobre à Amiens...

Alors ce mardi 2 décembre, le Père Gérard Riffard a du reprendre le chemin du Tribunal. Avec les mêmes arguments et les mêmes soutiens. Et aussi de nouveaux.
Concernant la question de la sécurité et de l’hygiène dans les locaux de l’Eglise de Montreynaud, des aménagements et améliorations techniques importants, exigés par la mairie, ont été apportées, par exemple.
Côté accusation, pas grand chose de nouveau par contre. Si ce n’est de petites vacheries, comme de redire (Préfecture) que Gérard Riffard accueille des gens que l’Etat n’a aucune obligation légale d’accueillir. Faux ! Sans même parler des droits fondamentaux de chaque être humain, la moitié des 55 adultes et 17 enfants hébergés actuellement ont une demande d’asile en cours, et donc la Préfète a l’obligation légale de les héberger !
Autre vacherie, pointée par l’avocate Me Jullien : la Préfecture de la Loire a fait verser au "dossier" de l’accusation le compte-rendu d’une réunion en Préfecture de 2012 qui tend à faire passer le Père Riffard pour un menteur, en lui prêtant sur ses intentions des propos qu’il n’a jamais tenus. Pas brillant pour la préfète.
Me Jullien qui a rappelé aussi que ce sont des organismes officiels - comme les assistants sociaux du Conseil Général - qui orientent vers l’Eglise de Montreynaud des personnes qu’ils sont incapables d’héberger malgré l’obligation que leur en fait la loi...

Côté soutiens, 25 personnes de tout le département ont accompagné Gérard Riffard à la Cour d’Appel de Lyon, avec le collectif "Personne à la rue".
Elles étaient en quelque sorte les déléguées des 300 personnes qui se sont réunies le 8 novembre place jean Jaurès à St-Etienne, et des 36 organisations signataires ce jour là d’un appel : "droit d’asile, droit au logement : la dignité et des droits pour tous". (voir plus bas)

Et, preuve de l’écho de cette affaire, une trentaine de lyonnais étaient présents aussi avec un collectif "Jamais sans toit", parce qu’un mouvement de grève et d’occupation se poursuit dans 5 écoles de Vaulx en Velin pour exiger que des familles qui dorment à la rue avec 217 enfants scolarisés dans ces écoles soient logées. Et ce collectif a appelé à venir au procès, et proclamé : "Nous sommes tous des Père Riffard !".
Et puis Gérard Riffard a eu des "soutiens nationaux"... Comme celui, écrit, de Jean Rousseau, président d’Emmaüs International. Et puis celui de Paul Bouchet, qui est venu témoigner en personne.
Embêtant, pour l’accusation, le témoignage de Paul Bouchet, 90 ans, avocat et ancien bâtonnier de Lyon, ancien conseiller d’Etat, président d’honneur d’ATD Quart-Monde et qui est membre depuis sa création en 1993 du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Quelqu’un qui sait de quoi il parle, donc. Paul Bouchet qui a resitué le Droit Fondamental à l’Hébergement comme un droit « nodal » (c’est-à-dire un nœud par rapport à d’autres droits comme celui de l’éducation ou encore de l’accès à un travail), avec tous les dangers que peut représenter la rue, et qui a rappelé l’appel de l’Abbé Pierre, en février 1954 : « Une femme est morte de froid ... ». Paul Bouchet qui a dit que les moyens ne sont pas suffisants, que le 115 n’héberge que le tiers des personnes en détresse. Que ceux qui sont à la rue sont en extrême péril. Et conclu qu’"il ne faut pas faire du père Riffard un coupable mais un exemple".

Après tout ça, l’avocat général a revu son réquisitoire à la baisse. Et demandé l’arrêt de l’hébergement, mais une amende de seulement 1.195 euros au lieu de 11.950 euros requis en 1ère instance à St-Etienne : 10 fois moins, avec, même, une possibilité de sursis !!
Faisant flèche de tout bois (bonjour la laïcité !), il a même cru pouvoir aller jusqu’à invoquer et essayer de retourner contre Gérard Riffard une bribe de l’intervention récente du Pape devant le Parlement européen...
C’est que ce qui importe aux autorités politiques, c’est que Gérard Riffard soit condamné, même à rien, mais que le jugement du 10 septembre à St-Etienne disparaisse de la jurisprudence, pour éviter que les autorités politiques ne soient contraintes de faire cesser l’inacceptable.

Dans une dernière intervention, Gérard Riffard a, lui, dit que, bien que n’étant pas à l’initiative de ce procès, il souhaitait que celui-ci serve à quelque chose, car des changements concrets doivent être apportés dans notre pays pour un meilleur accueil des demandeurs d’asile et pour ne laisser personne à la rue. "Que mon procès permette de revoir l’accueil d’urgence en France".

Après quoi, et s’appuyant sur "la complexité" de cette affaire, le juge a mis le jugement en délibéré. La décision sera rendue mardi 27 janvier à 9h.

Télécharger le compte-rendu de Marie Perrin pour Le Progrès
Télécharger l’appel du 8 novembre signé par 36 associations et organisations : "Droit d’asile, droit au logement : la dignité et des droits pour tous".