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Réforme du code du travail

Avant-projet de loi El Khomri : une soumission quasi totale à l’employeur.

Prenons l’initiative pour émanciper le travail ! Dans la Loire, la CGT appelle à deux rassemblements mercredi 9 mars à 12h, devant la préfecture à St-Etienne et devant la sous-préfecture à Roanne.

vendredi 26 février 2016, par Georges Günther

En quelques mois seulement les lois Macron et Rebsamen ont généralisé le travail le dimanche, facilité les licenciements économiques avec le mal nommé AME (Accord pour le Maintien dans l’Emploi), réduit le nombre et les moyens des représentants du personnel dans les entreprises. Et maintenant suivant les grandes lignes du rapport Combrexelle, applaudi par le MEDEF car "Le code du travail verrait sa place considérablement réduite" (réaction de la CGPME), la ministre du travail annonce un avant-projet de loi de qui sera présenté le 9 mars en conseil des ministres. Et une réécriture complète du code est prévue d’ici à 2018, avec une nouvelle « architecture ». Une commission "d’experts" va y travailler sans aucun représentant des syndicats.

On connaît la litanie relayée jusqu’à la nausée par les grands prêtres médiatiques : les protections des salariés sont un « coût » pour l’économie, qu’il faut réduire, et un « frein à l’embauche », qu’il faut assouplir. Moyennant quoi tout deviendra lumineux pour l’emploi qui pourra se développer.
Pour rassurer les employeurs et donc réduire le chômage, facilitons les licenciements !

Un prêche qui tourne un peu à vide pour les centaines de milliers de salariés licenciés ces dernières années et pour les millions de chômeurs.

Tout le pouvoir aux patrons !

Cette dérèglementation du code du travail vise à soumettre sans limites les salariés au pouvoir de l’employeur.

Le patronat se considère comme le seul décideur dans l’entreprise. Les salariés ne sont que de la force de travail (une ressource humaine) à payer par un salaire, le plus bas possible. Ce ne sont que des êtres de besoins et non les seuls producteurs de richesses économiques qui sont donc légitimes pour décider.

Or tout le sens des luttes des salariés depuis des décennies a été de sortir de là, de construire des institutions, des droits, qui les considèrent comme des producteurs de valeur ayant du pouvoir sur le travail. Le code du travail en fait partie avec les Comités d’Entreprise, les CHSCT, la qualification du poste et la mensualisation, les droits contre les licenciements, la qualification à la personne de la fonction publique. Acquérir du pouvoir et donc de la dignité dans le travail, ne plus être des mineurs économiques.

Tout ça à la benne, c’est ce qui est visé avec cette réforme du code du travail.

Tous les salariés sont concernés, et donc bien sûr aussi les fonctionnaires. « Il faudrait un rapport Combrexelle pour la fonction publique » a déclaré le premier ministre (La matinale de France Inter le mercredi 30 septembre 2015), et Macron affirme que le statut des fonctionnaires n’est plus ni « adéquat » ni « justifiable ».

Les principaux axes de l’avant-projet de loi :

- Inversion de la hiérarchie des normes :
Aujourd’hui un accord d’entreprise ne peut pas être plus défavorable aux salariés qu’un accord de branche dans une convention collective, et une convention collective ne peut pas être plus défavorable que le code du travail et la loi. Avec l’avant-projet de loi de M. El Khomri, cette hiérarchie des normes est inversée. C’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de branche, même quand il est moins favorable. Sur de nombreux sujets, la loi ne fixe plus de normes mais délègue ce soin aux accords d’entreprise. Le rapport Combrexelle nomme ça un « ordre public conventionnel ». Il s’agit bien sûr de mettre en cause la légitimité de la loi pour ce qui concerne le travail. Les employeurs doivent être les seuls maitres à bord. Et on sait bien que le chantage à l’emploi permet au niveau de l’entreprise des accords imposés avec des reculs sociaux.
Et pour laisser encore plus de possibilités aux employeurs, un accord d’entreprise pourra être validé contre l’avis des syndicats représentant la majorité des salariés de l’entreprise, par le biais de référendums.

- Heures supplémentaires :
S’il maintient un plancher de majoration de 10 %, le texte renvoie désormais à l’entreprise et non plus seulement à la branche la possibilité de fixer un taux inférieur au seuil légal de 25 %.

- Licenciement économique :
Pour réduire le chômage, facilitons les licenciements ! C’est la philosophie de ces mesures.
L’employeur pourra procéder à des licenciements économiques pour raison de "mutations technologiques", ou "pour une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise", ou pour "une baisse des commandes ou du CA de plusieurs trimestres en comparaison de la même période de l’année précédente", ou pour "une importante dégradation de la trésorerie", ou "pour tous autres éléments de nature à justifier ces difficultés".
Et dorénavant un groupe pourrait procéder à des licenciements économiques en France même si les autres implantations du groupe à l’étranger se portent bien, ce que le code du travail n’autorise pas actuellement. C’est une revendication de longue date de l’AFEP, l’association qui défend les intérêts des grands groupes.
Les salariés deviendraient légalement des variables d’ajustement des résultats financiers affichés par l’entreprise.

- Mise en cause de la notion même de durée légale de travail :
La durée maximale quotidienne de travail sera toujours de 10 heures, mais pourra monter à 12 heures par simple accord d’entreprise. Elle sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre 44 heures sur 16 semaines (contre 12 aujourd’hui) et même 46 heures par accord d’entreprise. Il sera possible de monter à 60 heures hebdomadaires par une autorisation administrative.
Le repos minimum de 11 heures consécutives pourrait être fractionné sans passer par un accord mais imposé par décret.
C’est non seulement la fin des 35 heures mais l’enjeu c’est aussi la suppression de l’idée même d’horaire légal. D’ailleurs la notion d’horaire "légal" disparaît pour être remplacée par celle de durée "normale".

Plus aucune garantie collective, une individualisation du rapport salarié - employeur.

C’est cette logique que l’on retrouve avec la création du CPA (Compte personnel d’Activité). Il permet au salarié d’accumuler des droits en fonction de la durée de travail, d’être porteur de son capital personnel qu’il va pourvoir faire fructifier sans plus aucune garantie collective (tous auto-entrepreneurs !) ... à l’inverse des conquêtes sociales que sont la qualification du poste dans le privé, adossée à des garanties collectives, et la qualification attachée à la personne pour le fonctionnaire, adossée au statut de la fonction publique.

Prenons l’initiative pour émanciper le travail !

Il n’y a pas à négocier une plus ou moins grande soumission du travail aux employeurs, à négocier l’ampleur du recul, ce qui est acceptable ou pas avec ce texte et toutes les réformes du droit du travail.
Il est possible de se donner une perspective de succès en continuant à nous revendiquer comme les seuls producteurs de richesses économiques, donc légitimes pour être souverains sur le travail, son contenu et ses conditions.
Il est possible de revendiquer la propriété d’usage des entreprises, ce qui a été le sens des luttes qui ont permis la création des CE, des CHSCT, des droits à l’information économique, de la qualification du poste dans le privé ou à la personne avec le statut de la fonction publique.
Nous pouvons ouvrir une autre dynamique en revendiquant une reconnaissance du travail fondée sur le salaire à vie et non plus sur l’emploi au sens capitaliste du terme, comme nous avons aussi commencé à le faire grâce à la socialisation du salaire qui paie les fonctionnaires.

Les débats, résistances et initiatives pour faire capoter ces réformes du droit du travail et ouvrir une autre perspective s’annoncent d’ampleur. Déjà plus de 650 000 personnes ont signé la pétition "Loi travail : non, merci !" et la CGT, avec d’autres syndicats, appelle à manifester le 31 mars.


Georges Günther


Pour aller plus loin :

- Le projet de loi en intégralité

- Une analyse détaillée du projet de loi par l’UGICT CGT : http://www.ugict.cgt.fr/articles/references/reforme-el-khomri

- Le communiqué du syndicat des avocats de france (SAV) : http://www.lesaf.org

- "Loi travail : non, merci !" La pétition adressée à la ministre du travail Myriam El Khomri

- Site CQFD (Ce Code Qu’il faut Défendre) : http://cqfd-lesite.fr/

- La vidéo "Onvautmieuxqueça" et la page facebook avec de très nombreux témoignages de leur vie au travail de salariés : https://www.facebook.com/OnVautMieux/



- Le site de Réseau salariat sur les notions de salaire à vie et de propriété d’usage des entreprises : http://www.reseau-salariat.info/

- Le site de la CGT : http://www.cgt.fr/

-  Retour sur le Rapport Combrexelle de septembre 2015 : feu sur le code du travail

Report de la présentation de loi « El Khomri »

La Cgt : "Un premier recul du gouvernement"

"L’annonce par Manuel Valls du report de la présentation du projet de loi « El Khomri » en conseil des ministres, est un 1er recul à mettre à l’actif de la mobilisation montante.

Le gouvernement doit prendre en considération les revendications qui s’expriment dans les entreprises, les services sur les questions de salaires, d’emploi, de conditions de travail ainsi que le rejet massif du projet de loi code du travail.

Il doit maintenant annoncer son retrait et ouvrir une phase de négociations réelles avec les représentants syndicaux et les organisations de jeunesse pour élaborer un code du travail protecteur. La CGT a des propositions concrètes en ce sens, et poursuit ses échanges intersyndicaux pour la construction de nouveaux droits.

La CGT propose aux salariés, la semaine du 7 au 11 mars des initiatives multiples dans les entreprises et le 9 mars de participer aux rassemblements et manifestations unitaires en construction.

Fin mars, elle appelle avec d’autres organisations syndicales et organisations de jeunesse, les salariés à une journée de mobilisation convergente, nationale sur les revendications, pour le retrait du projet El Khomri, pour un code du travail du 21ème siècle !

Montreuil, le 29 février 2016"