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Le Revenu de Base "pour se libérer du travail", selon le magazine de la finance "Capital"

mercredi 18 janvier 2017, par Georges Günther

Le revenu de base, universel, inconditionnel (suivant les diverses appellations) ont en parle de plus en plus. C’est la proposition à la mode dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle. Des propositions plus ou moins floues d’ailleurs. Dans les candidats à la primaire du PS, Hamon parle d’un revenu “universel d’existence” de 600 € dès 18 ans pour ensuite plus tard atteindre 750 €, Jean-Luc Benhamias (Front démocrate) proposent un "revenu universel", Valls qui y avait déjà fait allusion quand il était encore premier ministre parle lui d’un “revenu décent” équivalent à 800 euros par mois pour les personnes majeures disposant de faibles revenus. Du côté de la droite Nathalie Kosciusko-Morizet (LR) proposait lors de la primaire de la droite un revenu de 470 euros dès 18 ans, et de 200 à 270 € avant, François Fillon lui parle d’une "allocation sociale unique". Yannick Jadot (EELV) propose lui près de 500 euros par mois pour tous, sans distinction. Emmanuel Macron s’est également déclaré en faveur d’une telle mesure.

Ailleurs en Europe, le parlement Finlandais (dominé par les néo libéraux) a voté en faveur d’une expérimentation du revenu de base : durant deux ans, à partir de janvier 2017, 2 000 chômeurs vont toucher 560 euros par mois. L’objectif recherché : un retour plus rapide dans l’emploi. En 2016 un référendum a eu lieu en Suisse.

On ne peut pas mettre un simple trait d’égalité entre toutes les versions du revenu de base, mais toutes proposent de verser une allocation financée par le travail de ceux qui sont dans l’emploi. Elles ne se préoccupent que de répartir la valeur produite, et produite comme d’habitude sur le mode du capitalisme néo-libéral. Rien ne change dans la production, sur qui décide, qui décide de la valeur, du travail et de ses conditions. On ne touche pas aux institutions capitalistes du travail que sont le marché du travail, la propriété lucrative et le crédit.
Nous reviendrons là-dessus dans un prochain article consacré à la différence entre le revenu de base et le salaire à vie.
(voir notamment la vidéo du débat entre Baptiste Mylondo et Bernard Friot).

La question que je veux traiter dans cette article est : comment se fait-il que cette proposition de revenu universel vienne partout, de différents bords politiques (y compris de partisans du capitalisme néo-libéral), et maintenant sur le devant de la scène politique ?
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Le journal de la finance "Capital" vendait un petit bout de la mèche dans un article publié en septembre 2016 intitulé "Le revenu de base, un outil pour se "libérer" du travail". "Se libérer du travail" et non pas libérer le travail.

"Se libérer du travail"... parce que le projet des capitalistes aujourd’hui est de s’exonérer le plus possible de leur fonction d’employeur, de la charge d’employeur.

Ils s’attaquent au salariat parce qu’ils ne veulent plus avoir à supporter les droits que les luttes sociales et syndicales ont réussi à lier à l’emploi : cotisations sociales, protection maladie, indemnités d’accident du travail, retraite, congés payés, droit du travail en matière d’embauche et de licenciement, en matière de durée du travail...

Le salariat est de plus en plus contesté par les capitalistes eux-mêmes. En s’appuyant sur l’aspiration des jeunes générations à ne pas avoir d’employeur pour maîtriser leur travail, ils veulent imposer un travail "indépendant", et ainsi en finir avec les droits que les luttes ont réussi à attacher à l’emploi.

Il s’agit en fait d’imposer un statut de sous emploi, d’infra emploi.

Déjà 1 travailleur sur 10 exerce sont activité hors du champ du salariat (rapport Mettling sur la transformation numérique et la vie au travail). Environ 1 million de personnes étaient sous le statut d’auto-entrepreneur (voir l’analyse de la sociologue Sarah Abdelnour)

ll y a des centaines de plateformes numériques en activité dans l’hexagone : Uber (VTC Voiture de Transport avec Chauffeur), Deliveroo (livraison à domicile de plats cuisinés), Foodora (livraison de repas), Stuart (distribution de colis aux entreprises où La Poste à placé pas mal d’argent). Elles fonctionnent avec des travailleurs à qui elles imposent le statut d’ auto-entrepreneur. Conséquence : protection sociale à minima, par exemple pas d’indemnité journalière avant un an de cotisation, pas de droit à la retraite, ni à l’assurance chômage, ni aux congés payés, ni à la formation. Tout cela est à la charge de ce qu’elles appellent les "partenaires". Des "partenaires" géo localisables, avec des tenues imposées, notés par les clients, qui peuvent être sanctionnés, qui doivent acheter leur matériel (vélos, voiture...). Ces entreprises n’assument aucune responsabilité sociale, ce sont les "partenaires" qui prennent tous les risques.

Lors de sa faillite, Take eat easy (start up de portage de repas à domicile), en août 2016, n’a eu à payer aucune indemnité de licenciement et elle n’a eu aucune obligation à payer les prestations non payées qui sont considérées comme des créances comme les autres et donc 2500 coursiers en France n’ont pas touché le revenu de leur travail du mois de juillet. Une aubaine qu’avait anticipé le fondateur qui l’exprimait quelques mois auparavant : "Nous avons étudié cette question avec nos conseillers juridiques. Normalement les coursiers ne pourraient pas se retourner contre nous, l’assurance est à leur charge." (voir le communiqué de Minga).

Il n’y a pas que les plateformes qui veulent ainsi s’affranchir de tous droits liés à l’emploi. Lors de la mobilisation contre la loi travail en 2016, les gérants des magasins casino ont manifesté devant le siège social à St-Etienne contre la décision du groupe de leur imposer un statut de franchisés. Une fois le magasin franchisé, les gérants indépendants assument seuls tous les risques financiers, doivent débourser à leurs frais tous les investissements mais sont tenus de commander 80% de leurs produits à Casino. On retrouve aussi cette configuration de travailleurs fonctionnant sous statut "indépendant" dans le BTP ou dans des métiers liés à l’Internet (vidéastes...).


Cette régression entraine une telle précarité que sa généralisation n’est possible durablement qu’à deux conditions :

- Qu’il y ait une régulation de la reconnaissance des personnes sur le marché des biens et services.

- Et qu’il y ait un revenu de base qui soit un filet de sécurité.

Le projet capitaliste d’aujourd’hui c’est d’en finir avec l’emploi au bénéfice d’un tryptique qui a été clairement énoncé dans le rapport THIEULIN du Conseil National du Numérique (CNNUM ) présenté en janvier 2016 :

- revenu de base comme filet de sécurité ;

- auto-entrepreneuriat comme forme juridique du statut de travailleur ;

- régulation du marché des biens et services sur lequel ces auto-entrepreneurs valorisent comme travail leur activité par le CPA (Compte Personnel d’Activité lancé ce 1er janvier 2017) : l’objectif est que toute performance, soit sur le marché du travail, soit sur le marché des biens et services, va générer des points sur des comptes personnels, sur le modèle des comptes rechargeables que la CFDT et le MEDEF créent depuis 1992 (voir Renforcer l’asservissement au marché du travail avec le CPA...).

Le revenu de base fait donc aujourd’hui clairement partie du projet capitaliste.

Face a ce projet, il s’agit aujourd’hui de défendre le salariat. Non pas le salariat à la papa avec la subordination dans l’emploi, mais un "au-delà de l’emploi" avec le salaire à vie.]

Toute une partie des jeunes aspire à maîtriser son travail, pour lui donner du sens, il ne veulent plus se voir imposer n’importe quoi dans le travail. On ne pourra donc pas espérer contrecarrer se projet capitaliste en se battant simplement pour une requalification de l’auto-entrepreneuriat en emploi sur le modèle capitaliste traditionnel. C’est une attitude défensive qui ne peut pas être un projet stratégique nous permettant de passer à l’offensive face au projet actuel du capitalisme.

L’alternative est le salaire à vie avec la qualification attachée à la personne et la propriété d’usage des entreprises par leurs salariés.(voir la vidéo du débat entre Bernard Friot et Bernard Stiegler notamment à partir de 1h25’19").
Espérer passer à l’offensive c’est se donner cet horizon. Non pas "se libérer du travail" mais libérer le travail des institutions capitalistes du marché du travail et de la propriété lucrative des entreprises, avec le salaire à vie, en généralisant ce qui a été inventé avec le régime général de la Sécurité Sociale et le statut de la fonction publique.

Georges Günther



Septembre 2016 : pour "se libérer du travail" (mot d’ordre dans lequel on aura toute de suite reconnu le programme capitaliste), le journal Capital promeut le revenu de base ! Et la photo qui illustre ce titre, c’est celle d’une fiche de paie avec les cotisations sociales, à faire disparaître !!