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Arrêtez l’occupation !

Près de 1500 personnes aux "6 heures pour la Palestine" le 8 octobre à Lyon.

samedi 23 octobre 2004, par Roger Dubien

Avec retard, voici un bref compte-rendu de la soirée "6 heures pour la Palestine" organisée à Lyon le 8 octobre par le Collectif 69 de solidarité avec la Palestine. Juste quelques notes, dans une soirée très forte, au cours de laquelle le fond du problème a été mis en évidence : l’occupation.
Des moments de grande émotion. Et de refléxion. Parce qu’il faut bien essayer de comprendre pourquoi le crime et le déni de justice continue jour après jour.

Présentée par Jérôme Faynel, président du collectif 69, la soirée a commencé par les témoignages de deux jeunes palestiniens et d’un jeune israélien.

Ayman Abu Zulof est de Beit Sahour, à côté de Bethléem. Il travaille dans le tourisme alternatif. Il est né en 1968. C’est à dire qu’il n’a connu que l’occupation (1967). Et la colonisation. Autour de sa ville, 28 communautés juives ont été construites : des colonies, "pour nous bloquer". Et maintenant, c’est le mur qui les enferme. Un mur dans lequel il n’y a que deux portes. Une sur la route Jérusalem-Hébron, et l’autre à l’Est. Une seule route connecte maintenant le centre de la Cisjordanie avec le Nord.
14 000 habitants vivent à Beit Sahour. Sous une terreur d’Etat contre une population civile. Ayman a raconté - en français - comme ça, la vie quotidienne.
Israël pratique une "guerre géographique" sur les mentalités palestiniennes. Empêcher les enfants de vivre dans les lieux de leur pays.
Il a parlé de ses deux enfants, des deux autres qu’il souhaite avoir.
"Nous sommes fatigués de vivre toujours avec cette violence, cette terreur israélienne quand les chars entrent chez nous et tirent.
400 maisons bombardées par les chars.
La 1ère intifada a fait 150 000 blessés palestiniens. "Israël essaie de créer une société handicapée".
"Le but de cette occupation, depuis 1948, c’est de vider la terre".
La Résistance. "Je résiste quand je reste en place. Chaque palestinien est un problème. chaque jour deux ou 3 palestiniens sont tués. Vivre dans cet enfer avec des morts tous les jours... Si la route est bloquée, on en cherche une autre. Si l’école est fermée, on étudie chez nous. Ou en prison". C’est son cas : "2 ans de prison : 1 bac."
"Chez nous ce n’est pas un conflit, c’est une occupation". "Finissez l’occupation, ça va aller".
"Nous avons le droit de résister à l’occupation. C’est un droit". A Beit Sahour, "200 colons compliquent la vie de 14 000 palestiniens".
"Nous sommes un peuple qui aime bien vivre". Ayman a parlé des oliviers - 13 millions en Palestine. De la cuisine palestinienne. De ses enfants. "J’ai deux enfants. Pourquoi j’ai des enfants ? Parce que j’ai de l’espoir"... "Peut être c’est pas de mon temps, peut-être ce sera dans le temps de mes enfants. mais l’occupation ça va finir."
Ayman a terminé par un appel : "venez chez nous, restez avec nous, luttez avec nous".

Gaï Elhanan est un jeune israélien, actuellement en France. Il est objecteur de conscience, membre de l’association "le courage de refuser", et du "Forum des familles endeuillées", qui réunit des israéliens et des palestiniens. Gaï est le petit fils du général israélien Peled.
Le mouvement "le courage de refuser" a été créé il y a deux ans par 50 soldats. Aujourd’hui il sont 700 soldats et officiers. Il y a d’autres mouvements semblables. Au total 1000 refuzniks environ.
En Israël, le service militaire, c’est 3 ans obligatoires entre 18 e 21 ans. Puis pour les hommes, entre 21 et 45 ans, c’est 1 mois par an. C’est là qu’il y a des refus.
Gaï a parlé de l’obéissance et de la désobéissance. De la difficulté à - et du courage qu’il faut pour - refuser et désobéir.
Il est en France depuis 3 ans. il trouve la société occidentale décadente et anesthésiée. "L’occident a raté l’éducation préventive d’après la guerre".
Il a parlé de la vie de tous les jours, à laquelle on s’habitue. Comme cette queue spéciale pour les arabes à l’aéroport de Tel Aviv.
Il a parlé du pilote de l’hélicoptère "qui fait son boulot" en tirant son missile. Sur des fourmis en bas. Avec son casque, et sa musique dans le casque.
Il est "difficile de refuser. L’armée en Israël est le sommet de l’expérience. Et dans l’armée, le plus haut c’est d’être pilote. D’ailleurs c’est interdit aux femmes".
Gaï a parlé de son père. Il était mécanicien de chars. de 73 à 82. "Depuis 82, il est devenu une sorte d’anarchiste, exilé dans son pays".
Au milieu de son service militaire, Gaï devait aller au Liban. Mais sa famille fait partie des familles endeuillées (sa soeur a été tuée dans un attentat). ça donne des droits, et sa mère a refusé qu’il y aille. Il lui en a beaucoup voulu, alors. Aujourd’hui Gai dit "ma mère m’a sauvé le sens de mon humanité"."je n’aurais pas pu vivre avec moi-même si j’avais participé à ça".
Le forum des familles endeuillées existe depuis 1997. Gaï a parlé de la perte de sa soeur. "La douleur ne se mesure pas". Mais sa mère a chassé Barak de sa maison, en lui disant qu’il était responsable de la mort de sa fille dans l’attentat. Maison dans laquelle il y avait des palestiniens, quand Barak est venu. "On a vu que la douleur du deuil est la chose la plus universelle. On est tous des êtres humains".
Gaï a parlé de la propagande dans son pays. "Il manque 2 000 ans dans les livres d’histoire fabriqués pour les enfants israéliens"...
"Selon moi, il n’y a pas de guerre entre israéliens et palestiniens. Nous sommes tous victimes des extrémistes, sauf que chez moi ces extrémistes sont au pouvoir".
Gaï a terminé lui aussi par un appel : "allez à Jérusalem !".

Majed Bamya, est étudiant palestinien en France, et l’un des responsables de l’Union Générale des Etudiants de Palestine, la GUPS.
"Il me semble que face à l’horreur que nous vivons toutes les paroles sont dérisoires". Rafah, Jabaliah, les massacres. Les prisonniers. Les centaines d’enfants en prison. "Ce paradoxe incroyable qui veut qu’on revive les mêmes horreurs avec à chaque fois plus de silence".
Le mur qui annexe en fait 60% de la Cisjordanie. Et rend impossible un Etat.
Ce qu’on peut faire ? "Quand votre ennemi veut le chaos, la réponse c’est l’ordre. Quand votre ennemi veut la haine, la réponse c’est l’espoir. Quand votre ennemi veut la mort, la réponse c’est la vie. Nous nous battons pour que nos enfants puissent vivre, pour avoir un Etat libre."
Majed a parlé du "caractère universel de notre lutte. Ce combat n’est pas seulement le nôtre. C’est la question de savoir quel monde nous voulons, qui se pose."
"L’erreur est de porter cette cause comme un fardeau. C’est trop lourd, on ne peut pas vivre avec. Il faut la porter avec des ailes, c’est à dire avec la certitude de la victoire de la vie sur la mort, de la liberté sur l’occupation."
"Il y a un peuple qu’on a essayé d’enlever de la carte du monde. Il y a une seule vraie cause à tous les malheurs, c’est l’occupation. tout le reste est conséquence, y compris les attentats."

Pour commencer la 2ème partie de la soirée, on a entendu les témoignages brefs d’une vingtaine de participants des missions civiles, qui sont venus dire : j’ai vu...". Dans le Rhône, environ 100 personnes sont allées en mission civile en Palestine. C’est une force énorme, on le sent bien. On en revient conscient de ce qui se passe. Comme ce jeune qui a lancé : "ils n’ont besoin ni d’une aide financière ni d’une ONG qui aménagera la défaite. Il faut la fin de l’occupation !"

Et puis l’avocat Maurice Buttin, solidaire du peuple Palestinien depuis la première heure, a refait le tour de l’histoire.
Le partage de 1947 décidé à l’ONU, sans que le peuple palestinien n’ait jamais été consulté : 55% de la Palestine "mandataire" (sous mandat britannique) - alors que les implantations juives recouvraient 6% du territoire - d’un côté, et 45% de l’autre. Puis encore 23% pris tout de suite par la guerre.
Le peuple Palestinien jamais consulté. Les résolutions de l’ONU jamais appliquées.
La résolution 194 par exemple, du 11 décembre 1948 - le lendemain de la déclaration universelle des droits de l’homme -, qui prévoyait le retour de tous les palestiniens expulsés (et la 3è génération vit aujourd’hui dans les camps !).
En mai 1949, Israël a été admis à l’ONU avec 2 conditions : reconnaître le partage de 1947, et la résolution 194... On attend encore.
Plus de 200 résolutions de l’ONU non respectées par Israël...
La résolution 242 du 22 novembre 1967 exigeait le retrait des "Territoires occupés" (Cisjordanie et Gaza). Pourquoi aujourd’hui personne n’exige ce retrait ? Alors que l’ONU vient d’exiger le retrait des troupes syriennes du Liban...
"La 1ère des violences c’est l’occupation. Une occupation qui provoque la résistance, et pour certains le terrorisme."
"Les israéliens, gauche ou droite, font tout pour renvoyer au désert les palestiniens. Le 15 novembre 1988, l’OLP a reconnu l’état d’Israël et accepté un état sur 22% du territoire de la Palestine historique. Et depuis 16 ans on en est toujours au même point."
"Qui a le droit de se défendre ? Les palestiniens !"
Maurice Buttin a parlé du sionisme. "En 1897 - congrès de Bâle -, le 1er congrès sioniste mondial a posé les buts du sionisme, qui est une idéologie basée sur un slogan : "un peuple sans terre pour une terre sans peuple". "Le sionisme veut toute la terre de Palestine... tant que cette doctrine, cette idéologie sera maintenue, la paix ne sera pas possible".
Maurice Buttin a parlé ensuite des "accords de Genève", de leurs "côtés positifs et côtés négatifs". Des discussions vont redémarrer à Lyon... et la ville de Lyon est impliquée là-dedans. Parmi les "négatifs" : la question de l’eau : 90% de l’eau est détournée aujourd’hui en Cisjordanie. Rien sur le droit au retour des réfugiés...

Michèle Sibony, de l’Union Juive Française pour le Paix a commencé par remarquer : "Où sont les négociateurs de Genève et ceux qui les soutiennent, alors que Sharon massacre à Gaza ? On ne les entend pas exprimer une quelconque protestation. Pourquoi ?"
Elle a parlé du mouvement lancé par 18 associations juives de 9 pays d’Europe, le Rassemblement des juifs européens pour une paix juste. Elle a parlé de l’enjeu qu’est la communauté juive française : 600 000 personnes, la deuxième communauté juive après les USA.
Elle a parlé du travail commun et de grande signification symbolique mis en place par l’UJFP et l’ATMF, association des travailleurs maghrébins en France, devenue un partenaire privilégié de l’UJFP. Pour parler la même langue : celle du droit.

Bernard Ravenel, président de l’AFPS et parlant au non de la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine, a expliqué "la société d’apartheid" qui se met en place là-bas.
400 000 palestiniens sont en train d’être exclus de Palestine par le mur.
Il est allé voir le mur à Qualquilya. "A Qualquiliya et ailleurs se matérialise la coupure du monde en deux. Ce mur est un laboratoire du monde. Ce système (la globalisation) fera vivre 20% de l’humanité. C’est une rupture de l’unité du monde. Une rationalité d’apartheid. Ces exclus se révolteront. Il faudra la guerre..."
"Le système israélien est confronté à un défi majeur : d’ici 10 ans, les palestiniens seront majoritaires dans la Palestine mandataire. Deux issues sont possibles : un état palestinien, ou l’expulsion d’une partie au moins des palestiniens pour préserver une majorité juive".
Comment faire ? Le choix des dirigeants israéliens semble être "un politicide : détruire tout le système palestinien."
La bataille sur le mur est un enjeu central aujourd’hui. Comment arrêter le mur, abattre le mur ? La semaine du 9 au 16 novembre sera une semaine internationale contre le mur, à l’appel de PENGON, avec des manifestations le 13.
Bernard Ravenel a informé que 115 non alignés viennent de voter l’application de la décision de la Cour Internationale. Il a parlé du levier européen que peut être l’accord d’association avec Israël : le parlement européen a voté il y a deux ans la suspension de cet accord. Et depuis rien de fait...
B. Ravenel pense que l’enjeu est de bloquer la logique du conflit de civilisation qui est en marche. Et qu’il y a un risque nucléaire Israël / Iran.

Leila Chahid, déléguée générale de Palestine en France, a parlé de "La palestine comme métaphore", reprenant l’expression du livre que M. Darwish a publié chez Actes Sud. "La Palestine est une métaphore, elle est le lieu d’interaction de tous les enjeux."
Quelque chose se joue là-bas qui concerne toute l’humanité.
"C’est peut-être ce que veut dire "la Terre Sainte" : le fondement de tout ce que nous sommes : des êtres humains qui ont le droit de vivre sur cette planète."

"Le monde a basculé dans quelque chose d’effrayant que l’on ne formule pas de façon lucide. Nous sommes dans un monde nouveau. Après la disparition du monde bipolaire, on a été mené en bateau... vers un monde plus dangereux".
Leila Chahid a cité un proche de Bush, Robert Kagan : "nous avons les moyens d’imposer notre domination au monde, pourquoi reculerions-nous ?"
"Nous sommes entrés dans l’ère des affrontements mondiaux", c’est une guerre mondiale, dans laquelle est utilisé Ben Laden, qui n’est que l’enfant monstrueux de la stratégie US de guerre contre le communisme.

Elle a rappelé la récente déclaration de Dov Weisglass, un des conseillers de Sharon, avouant au journal israélien Haaretz que le "plan de retrait de Gaza" n’est qu’une stratégie.
"La signification de notre plan de désengagement est le gel du processus de paix. Cela fournit le formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens" (...) cet ensemble appelé Etat palestinien, avec tout ce que cela suppose, a été supprimé indéfiniment de notre calendrier".
Et d’ailleurs, le programme du Likoud dit que l’état palestinien doit être... en Jordanie. C’est pourquoi tout est fait pour parvenir au "transfert volontaire" des Palestiniens : les faire partir en leur prouvant jour après jour qu’en Palestine ils n’ont aucun avenir.

Messages

  • au sujet du jeune refuznik israélien, je viens de prendre conscience, en relisant l’article, qu’il est le fils de Nurit Peled, une femme au grand coeur, la soeur de Gaï s’appelait Smadar et est morte dans un attentat, à l’époque, sa mère avait réagi courageusement en accusant Netanayou d’être coupable de sa mort quand celui ci lui avait téléphoné suite à cette perte.
    Le père de Nurit Peled était le général Mati Peled, devenu par la suite un fervent opposant à la politique d’occupation, il était d’ailleurs contre les accords d’Oslo qu’il considérait comme une supercherie.
    une famille exemplaire.