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La manif contre une loi d’exclusion

Oui : une école pour toutes et tous !

pour une société de respect, de justice et de solidarité.

dimanche 15 février 2004, par Roger Dubien

Environ 250 personnes ont manifesté ce samedi 14 février après-midi dans le centre ville de St-Etienne.

Partie de Carnot vers 15 heures, la manifestation a emprunté la Grande rue, jusqu’à la Place du Peuple, pour redescendre par la Place Dorian jusqu’à la Place Jean Jaurès où une déclaration du Collectif unitaire "Une école pour toutes et tous, contre les lois d’exclusion", a été lue par Raymond Vasselon.

250 manifestants, ce n’est certes pas beaucoup : dans d’autres villes de France - on a manifesté samedi dans 13 villes - , la participation aux manifestations a été plus importante : près de 8.000 à Paris et à Lyon, des manifestations dont certaines importantes à Marseille, Grenoble, Nice, Montpellier, Lille, Angers, Nimes, Chambéry, Rennes, Metz...

Mais il fallait réagir, et ce fut fait.

Pas vraiment facile, certes : beaucoup ne pensent-ils pas que la loi est votée, et cette affaire là entendue pour le moment ?
Et puis on sent fortement à St-Etienne la présence du racisme et des idées d’extrême droite : ici, Le Pen a plusieurs fois fait plus de 20%... Pas simple de descendre dans la rue au risque de se faire traiter de "pro-voile/ennemi de la libération des femmes"... jusqu’à ..."intégriste".
Est-ce qu’on va devoir s’y habituer ? Ici, ceux qui s’opposaient au déclenchement de la guerre et des bombardements en Afghanistan se sont parfois fait traiter de "talibans". Lors des manifestations de 2002 contre les massacres de Sharon en Palestine, on a été sommé - au sein même de "la gauche" (!!??) - "d’arrêter de faire des manifs d’arabes". Oui, on finit par s’habituer... Quoique... Samedi, il y a quand même eu aussi quelques insultes, quelques crachats, des oeufs lancés d’une fenêtre... La seule vue de jeunes filles portant le voile est insupportable à certains. Peut-être que ça ne colle pas avec le modèle de soumission. Impossible de supporter que des jeunes femmes, visiblement pas sous la contrainte, disent "C’est pas nos maris, c’est pas nos familles, le voile on l’a choisi".

La manifestation a donc eu lieu. Et un samedi après-midi dans le centre-ville, elle n’est pas passée inaperçue. Tout le monde regarde, découvre qu’il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec ce qui se passe. Et qui décident de le dire. Et il y a eu aussi des signes de sympathie et d’amitié.

Ces derniers jours, au cours des rencontres, on a pu ressentir combien une communauté se sentait mise à l’index et en souffrait. On a senti aussi combien les apprentis sorciers qui ont imposé cette loi d’exclusion ont ouvert des boulevards au racisme le plus brutal et à la haine des arabes et des musulmans. Comme quelqu’un l’a dit : il n’est pas sûr que la France soit en train de vivre un grand moment de culture...

Dans ces conditions-là, il y avait deux possibilités : soit on laisse avancer le bulldozer, soit on se met en travers, on en appelle au retour au raisonnement, on construit des ponts entre citoyens croyants et non croyants. On montre que tout le monde n’accepte pas de marcher dans une logique de guerre des civilisations.

C’est ce qui s’est fait ce samedi.

En fait cette journée a été une action citoyenne : celle de personnes qui rejettent une organisation de la société basée sur des clivages confessionnels, corporatistes, ethniques, culturels. Et qui ont affirmé leur volonté et de respecter leurs particularités et en même temps de construire ensemble, animés de valeurs communes de justice et de solidarité.

Maintenant, ce n’est pas terminé. Voir ce qu’en dit José Bové... Voir ce qu’en ont dit aussi, à l’Assemblée Nationale, quelques députés qui ont résisté à ce déferlement. Par exemple Jacqueline Fraysse, députée-maire communiste de Nanterre, ou Noël Mamère, député Verts de Gironde.
On lira aussi avec intérêt ce qu’a écrit fin janvier le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Paul Malartre qui donne à pas mal de monde... une leçon de laïcité. Une invitation de plus (ça devient courant ces dernières années) à privilégier dorénavant le contenu des actes et des paroles de chacun, plus que les étiquettes.

Retour sur la manif. Est-il utile de le préciser ? Ce n’était pas une manifestation pour le port du voile. Il y avait dans la manifestation des croyants et des non croyants. Des femmes voilées, et d’autres non voilées. Des femmes musulmanes et d’autres athées ou chrétiennes. Mais au coude à coude contre l’exclusion des écoles et des études de jeunes filles dont le seul crime est de porter le voile.

Parmi les mots d’ordre : "Une école pour tous ! Une école pour toutes ! Non à l’exclusion.", "Les mêmes droits pour tous ! Les mêmes droits pour toutes !", "Qui a eu cette idée folle, un jour d’interdire l’école ? C’est ce sacré Luc Ferry...", "Voilées, non voilées, solidarité" etc...

Au fait, comment se fait-il qu’alors qu’il y a tant de problèmes et tant de questions dans l’Education nationale, que celle-ci a connu au printemps plusieurs semaines de grève sans grand résultat, que tant de jeunes sont en échec scolaire, comment se fait-il donc que toutes affaires cessantes, une quasi union sacrée se soit faite peu après la rentrée de septembre contre quelques jeunes filles qui portent le voile ?
Alors qu’aucun problème n’est réglé, et pendant que d’autres lois, extrêmement graves aussi, comme la loi Perben2 passent comme une lettre à la poste. Au moment ou des centaines de milliers de chômeurs sont virés des ANPE et des ASSEDIC ?...

Un autre rappel utile : en France, la communauté musulmane a choisi l’enseignement public, pas un enseignement confessionnel. Il y a un peu plus de 2 millions d’élèves dans l’enseignement catholique, environ 25.000 dans les écoles juives. Et 115 élèves dans des écoles musulmanes...
Environ 2.000 jeunes filles scolarisées portent le voile. Et dans une dizaine de cas seulement, il y a problème par rapport à certains cours...
Effectivement, ça nécessitait bien toutes affaires cessantes la mobilisation en urgence des députés, des médias et de l’attention de 60 millions de personnes !

Autre point de repère, dans un registre très différent, suite à la journée de samedi : il apparaît que certaines autorités musulmanes ont agi contre cette journée de manifestations, qui avait le tort de ne pas être dans une logique "communautaire".
Le Conseil français du culte musulman (CFCM), par exemple, en qui certains voient "un ensemble hétéroclite servant au mieux les intérêts d’officines étrangères et les ambitions présidentielles de Nicolas Sarkozy". De même l’UOIF, qui a appelé au boycott de ces manifestations, "surtout préoccupée de donner des gages de modération au ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, condition indispensable à sa reconnaissance par les pouvoirs publics. " et "voyant d’un mauvais oeil l’émergence de citoyens français de confession musulmane qui refusent toute allégeance et assument sans complexe un engagement social et politique en partenariat avec des associations non musulmanes".

La journée de samedi est donc une étape dans les combats pour une société de justice, de solidarité, de démocratie. Et il y a de quoi faire sur tous les chantiers d’actions contre les discriminations et la fracture sociale : emploi, habitat, citoyenneté...

Une loi injuste est en train d’être votée. Cela ne la rend ni juste ni éternelle. L’action continue.

Roger Dubien
Conseiller municipal de St-Etienne
Membre du Forum des réseaux citoyens.

illustrations photographiques de cette page : Marie-Pierre Vincent

Samedi 13 mars à Paris aura lieu une réunion de coordination nationale des associations et réseaux du collectif "une école pour tous/toutes".

Cette semaine, un nouveau rendez-vous est prévu à St-Etienne, avec la conférence-débat "Islam et laïcité", ce jeudi 19 février salle des fêtes de l’Amicale laïque de Tardy.


Associations organisatrices de la manifestation à St-Etienne : Al qalam, Action Espoir, Association ElHouda, Point de Vue, Association Culturelle Islamique, Réseau Egalité des Droits et Lutte contre le Racisme, APEIS, Forum des Réseaux Citoyens, L’Ouverture, Participation Spiritualité Musulmane...

Voir le Collectif national "Une école pour tous-toutes"