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Droit d’asile et droit à l’hébergement bafoués

Dans la Loire, 480 personnes - dont 230 enfants - sont à la rue et en danger

Le collectif “Personne à la rue” et plus de 15 associations rappellent avec force que le droit à l’hébergement est un droit fondamental.

jeudi 19 septembre 2013

A l’initiative du collectif “Pour que personne ne dorme à la rue”, une conférence de presse a eu lieu ce mercredi 18 septembre, avec la participation de plus de quinze associations, pour alerter tout le monde sur une réalité indigne et insupportable, et pour interpeller solennellement les responsables institutionnels et politiques sur le fait que des centaines de personnes - dont de nombreux enfants - sont aujourd’hui en danger dans la Loire parce qu’ils sont à la rue, après avoir été, pour beaucoup, expulsés de leur hébergement.

Etaient présents une vingtaine de personnes représentant le collectif “Personne à la rue”, les comités de soutien qui se sont mis en place dans différentes villes du département : comité de parrainage des familles de demandeurs d’asile du canton de Firminy, Comité de soutien aux familles expulsées de Montbrison, comité de soutien de St-Jean-Bonnefonds “Un toit pas sans toi”, Association en cours de création à St-Just-St-Rambert ; RESF, le Réseau Solidarité Rroms, la FCPE, le Secours Catholique, Solidaires, Sud-Education, la Ligue des Droits de l’homme, l’UD-CGT, les Réseaux citoyens, l’Action Catholique Ouvrière, le Parti de Gauche, Interculture(s), Terre des Hommes 42... (1)

Au sein de Personne à la rue, une équipe s’efforce depuis juillet de tenir un “tableau de bord” des expulsions et de ce que deviennent les familles expulsées, à partir des informations qui remontent des associations de terrain. Jacqueline Crozet, de Montbrison a indiqué qu’aujourd’hui, au moins 480 personnes sont à la rue dans la Loire. Parmi elles, 230 enfants ! Des nourrissons, des personnes malades, des personnes âgées. 480 - dont 170 dans le roannais -, c’est un minimum, celui qui est recensé. Certaines de ces 480 personnes ont été mises à l’abri par la solidarité. Mais beaucoup sont dehors, sous des tentes, ou dans des abris pourris.

Plusieurs exemples précis de familles mises à la rue ont été donnés. Et plus tard, l’un des expulsés de la rue Colette, demandeur d’asile venant d’Arménie, s’exprimant en russe, traduit par Marija Haitina, a témoigné au nom de toutes ces familles. “Nous sommes venus en France pour chercher une protection. Mais les conditions dans lesquelles on vit sont encore dangereuses et inhumaines. Les décisions d’expulsions ne prennent pas en compte les droits de l’homme et la convention de Genève. Je ne vois pas où sont les principes “liberté égalité fraternité” de la France...”.

Cette mise à la rue massive est engagée depuis mai 2013. “La préfète prend sciemment ses aises avec la loi. Elle est hors la loi (...) La situation est extrêmement grave. Jamais on avait connu ça...” a dit Georges Gunther.
“Dans notre pays il y a des textes qui disent que le droit à l’hébergement est un droit fondamental, dit Yves Scanu. Donc il doit être respecté pour tous. Le code social des familles en rajoute aussi une couche en disant que toute personne en danger social, moral ou physique a droit a un hébergement, il y a des décisions de justice qui ont donné raison aux demandeurs d’asile, donc il n’y a plus à faire la preuve que la préfecture est hors la loi, il faut qu’elle respecte la loi, qu’elle loge ces gens”...

D’ailleurs la préfète de la Loire a été condamnée en Justice ces derniers mois : une soixantaine de dossiers ont été déposés devant le Tribunal Administratif pour des familles expulsées. La préfète a été condamnée 26 fois, avec obligation de reloger ces familles, sous astreinte.
La préfète a par ailleurs été condamnée plus de 100 fois lors de “référés liberté” pour des familles de demandeurs d’asile qu’elle refusait de loger.
La Justice dit donc souvent le contraire de ce que dit la préfète. C’est que, concernant le droit, “il est sûr qu’il y a une dégradation très nette du traitement des demandeurs d’asile” indique jean Rocher.


Tentes abritant depuis le 22 août des familles expulsées de l’immeuble de Métropole Habitat rue Colette, à la Métare...


Enfants habitant dans des garages, présents samedi dernier à la classe organisée place Jean jaurès...

Une solidarité multiple et qui tient bon

Dans le département, plusieurs centaines de personnes sont engagées dans la solidarité avec des familles mises à la rue. Là encore des témoignages précis ont été donnés.
Jean-Marc Goubier a expliqué comment, à St-Just-St-Rambert, une association qui tient son AG constitutive ce 19 septembre, regroupe déjà une quarantaine de personnes, et soutient une famille aidée par le SPF depuis 2 ans, avec 3 enfants de 17, 15 et 13 ans. Expulsée, promenée d’hôtel - parfois insalubre - en hôtels... Un parrainage financier se met en place.

Thierry Honvault a exposé la mobilisation à St-Jean-Bonnefonds cet été autour de 3 familles, présentes dans la commune depuis plus de 3 ans, avec deux garçons au club de foot, un soutien des instits... 80 personnes mobilisées au goûter solidaire, un parrainage mis en place pour récolter des fonds et payer le loyer d’un appartement. “Mais ce ne peut être que provisoire, c’est à la préfecture de les reloger.”
Jean-Marc Hostachy a parlé de la mobilisation des parents de l’école Gounod à Montreynaud, qui hébergent à tour de rôle une famille arménienne présente en France depuis 5 ans. Mais c’est une solution non pérenne. Ce n’est pas aux habitants de faire ce que doit faire la préfecture...
De même, à l’école de Chavanelle, des gens qu’on aurait pu penser loin de tout ça ont été immédiatement solidaires avec une famille expulsée.
A Montbrison, plus de 110 personnes participent au comité de soutien aux familles expulsées ...
“Ce que révèlent ces mobilisations citoyennes, a dit Jean-François Peyrard, c’est qu’au-delà même de la question de la loi, il y a des situations humaines. Quand des citoyens sont en face des situations concrètes des familles, ils disent que ce n’est pas acceptable (...) il y a aussi toutes les expressions à travers les rassemblements pour alerter les pouvoirs publics. A Firminy, entre mai et juin, 8 rassemblements ont eu lieu avec 150 à 200 personnes, pour dire que le droit à l’hébergement est un droit fondamental”. Sur le terrain, autour des familles de demandeurs d’asile, “il n’y a donc pas un discours haineux, racial, ethnique, sur “des pauvres qu’on ne devrait pas aider”. Ceci est rassurant” sur notre société !

Cette solidarité est un fait très important. Car pour justifier les expulsions ou leur silence, des élus disent “les électeurs, les électeurs...”. Mais il existe une mobilisation populaire et citoyenne qui est à l’opposé de ça. “Il est préoccupant que des élus de gauche ne s’appuient pas là-dessus pour faire évoluer la réglementation dans un sens progressiste, dit Georges Günther. La vie est là, dans la solidarité !
“Il y a de belles choses ! dit Jacqueline Crozet. Les gens ont envie d’une société comme ça : que tous ensemble on puisse vivre correctement. “
Joël Moulin, de l’UD-CGT a estimé, lui, que tous les combats se rejoignent, et a mis en garde ceux qui pensent pouvoir “opposer les précarités entre elles (...) il suffirait de pas grand chose pour que se mette en place une forte mobilisation”.

La responsabilité des maires et d’autres élus

La préfète est hors la loi. Mais que peuvent faire les maires des principales villes ? “La loi dit que c’est l’Etat qui est responsable, et on demande qu’il applique la loi, a indiqué Bruno Vennin, au nom de la Ligue des Droits de l’Homme. Mais les élus sont des représentants de la population, ils ont à traiter d’un problème politique : ils ont à faire face à une population qui a des besoins, et ils peuvent poser les problèmes à l’Etat” (...) Et, lorsqu’il y a péril, les maires ont la possibilité de réquisitionner des logements pour loger des gens en difficulté”.
Le maire de St-Etienne soutient la préfète. Les autres grands élus se taisent, sauf exception. Une politique comme celle-là ne peut pas être appliquée sans concertation avec les grands élus. “Si les grands élus du département s’exprimaient et disaient leur désaccord, on n’aurait pas cette situation, estime Georges Günther. Les élus de gauche parlaient avant d’être élus. Maintenant ils ont peur que leurs électeurs soient racistes et xénophobes par rapport aux étrangers”...

La loire département test ?

Devant l’ampleur des expulsions dans la Loire, la question a commencé à se poser au fil des mois. (Voir).

Voici une préfète qui se permet de prendre des décisions grossièrement contraires aux loi de la France qu’elle a pour mission de faire appliquer, et de persister malgré des décisions de justice, et sans qu’elle soit rappelée à l’ordre par le ministre de l’intérieur. Et elle se permet d’appeler "idéologique" l’action des associations et citoyens qui défendent des droits humains fondamentaux. Jusqu’à quand ?
C’est ahurissant ce comportement de la préfète aussi frontal contre la loi. On peut se demander s’il n’y a pas ici essai d’anticiper des mesures de réformes régressives... un test - si ça passe, ça passe. En s’asseyant sur la loi actuelle, car pour l’instant c’est illégal.”
Et justement, on vient juste d’apprendre, en fin de conférence de presse, que la préfète de la Loire fait partie des 4 préfets choisis par le ministre de l’intérieur Valls pour participer à un groupe de travail sur la réforme du droit d’asile qui sera faite en 2014. Il devient probable qu’on ait affaire ici - et dans quelques autres départements (par exemple le Calvados/Basse-Normandie dont le préfet a été choisi également par Valls) - à une expérimentation de mesures qui sont un avant-goût d’une réforme très régressive du droit d’asile, réforme qui permettrait des expulsions massives d’étrangers, pas seulement de leurs logements mais du territoire.
Il est à noter que c’est précisément sur l’expulsion du territoire que la Préfète conclut toutes ses réponses à FR3 comme à TL7 (à TL7 : “ces personnes doivent retourner dans leurs pays” - A FR3 : “elles sont en danger parce qu’elles s’y mettent elles-mêmes en ne retournant pas dans leurs pays”). Et c’est aussi ce qu’avait dit le maire de St-Etienne en juin en apportant son soutien à Valls et à la préfète : “... ce sont des personnes qui ont épuisé leurs droits et qui doivent retrouver leur pays d’origine. C’est une position ferme mais c’est la seule que l’on puisse tenir...”.

(1) A noter qu’un texte/appel est en cours de signature bien plus largement encore parmi les associations, syndicats, partis politiques...
Le collectif "Personne à la rue" s’est déjà fixé un autre rendez-vous, pour faire le point et prendre les décisions qui seront nécessaires, mardi 1er octobre à 18h à la Bourse du Travail de St-Etienne. 

Télécharger le document de la conférence de presse

A VOIR SUR TL7 - 18 septembre
Personne à la rue : les associations tirent la sonnette d’alarme

SUR FRANCE 3
http://rhone-alpes.france3.fr/emissions/jt-local-1920-saint-etienne - édition du 18 septembre 2013.