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L’art de rien

Polar dans la ville

A voir aussi Impasse de la Franche-Amitié, quartier de Beaubrun.

mercredi 30 juin 2004, par Francis Banguet

Comme l’année dernière, l’association l’Art de Rien a décidé d’utiliser l’espace urbain comme matière première, support, prétexte et d’aller vers une rencontre directe avec le public. Cette exposition sur deux murs en friche de Beaubrun, c’est plusieurs semaines de rencontre entre le collectif d’artistes, les habitants et les enfants du quartier.

L’installation présente lieux, personnages et indices d’un roman policier :
Mme Machin est retrouvée écrasée par un frigo...
Qui a conçu le terrible piège ?
Un chien qui hurle et des voisins qui râlent, un artiste en quête d’abstraction totale et une petite fille qui radote. Quel peut-être le lien entre ces étranges personnages ? _ Le hasard ou la complicité ? Entre fausses pistes et imagination, à chacun de mener l’enquête et de se construire son hypothèse. Effectivement, le visiteur est invité à donner ses conclusions par le biais d’un boite aux lettres installée sur le site...

Bien que Art dans la Ville soit fini, l’exposition restera sur les murs jusqu’à ce que le temps ou les entrepreneurs aient raison d’elle.

Francis Banguet

Le fin mot de l’histoire :

"Ce matin j’ suis pas allée à l’école. J’ai trouvé une chouette pièce dans la rue. J’ai foncé chez Maria et j’en suis ressortie avec un plein sac de bombecs ! J’me suis installée peinard sur un banc et j’ai commencé à les manger un par un. J’regardais les gens dans la rue. Eux aussi ils me regardaient vu qu’une petite fille, un jeudi matin, ça devrait plutôt être à l’école. Alors j’ai eu une idée. J’me suis dit tiens, tu pourrais allez voir ton pote le chien. Quand j’suis pas là il aboie tout le temps. Ca embête tout le monde sauf la vieille vu qu’elle est sourde.

Des bombecs on en avait plein. Lui ses préférés c’est les roudoudou coquillage, moi, j’trouve que ça vaut pas ceux qui piquent. Le chien et moi on adore ça les bombecs, sauf qu’après, quand y rentre chez la vieille et qu’y veut pas manger sa bouillie, y s’fait engueuler. Elle rigole pas la vieille, si vous voyez ce que j’veux dire... _ Une fois elle m’a attrapée quand je filais un carambar au chien et elle m’a passé un savon, alors je suis rentrée à la maison en chialant. Après la vieille elle a dit à maman que j’avais était malpolie, et ça c’était même pas vrai. J’avais pas été malpolie, j’avais juste dit que le chien il était bien content quand je l’emmène en balade vu qu’il s’embête chez la vieille. J’avais juste dit ça et après ma mère m’a engueulée. Mais je m’en fiche le chien c’est mon copain.

Ouais bon, après on a filé au terrain vague et on est même rentré dans la baraque de la sorcière, heureusement qu’y avait le chien, parce que moi, quand même, j’avais les pétoches.
Après on a vu mon copain le peintre, mais on s’est pas approché parce qu’y supporte pas le chien. Il est fou, il trouve que le pipi du chien c’est super et il est triste, très très triste parce que lui sa peinture y trouve que c’est pas aussi chouette. Quand il est encore plus triste, il dit comme ça, avec un air : "L’ABSTRACTION SEMBLE TOTALE". Je sais pas vraiment ce que ça veut dire.

N’empêche, j’étais embêtée quand même quand j’ai laissé le chien parce que j’avais pas envie qu’y s’fasse engueuler. Du coup j’lui ai dit : "Ecoute le chien, faut qu’tu piges que si t’avales pas c’te salle bouillie tu vas encore te prendre une sacrée ramonée... vu ?" Et puis voilà.

Après j’suis rentrée chez moi. J’ai fait semblant de faire mes devoirs, j’ai regardé un peu la téloche et j’suis allée me coucher. Sauf que le lendemain dans le quartier c’était la panique vu qu’on avait retrouvé la vieille morte, écrasée sous son frigo. Tout le monde était dans la rue, ils étaient tous affolés. Moi j’ai couru pour voir le chien, si il allait bien, mais ils m’ont pas laissée m’approcher. J’suis partie à l’école et quand j’suis revenue, chez la vieille y’avait plus personne sauf le chien qui aboyait, comme d’habitude. Le voisin y m’a dit qu’même les gendarmes ils y comprenaient rien à c’t’histoire.

Moi on m’la fait pas, j’vois tout ce qui se passe dans le quartier et ça fait un moment que ça débloque. S’y m’avaient demandé, moi, j’leur aurais dit que l’peintre il avait prévu un plan terrible pour zigouiller le chien. Sauf que le chien c’est un sacré malin et qu’y tombe pas dans un piège aussi débile. Alors si vous voulez mon avis, c’est que la vieille elle a encore essayé de faire avaler sa bouillie au chien et qu’lui, ben, il voulait pas. Alors elle a attrapé la gamelle, la corde elle s’est accrochée au truc qu’était sur le bidule, le bidule il est tombé sur le machin qu’a tiré le ressort, du coup, la vieille elle s’est pris le frigo.
Et puis voilà.

Mais bon puisque mon avis tout le monde s’en fiche, et ben moi j’ai rien dit...
Mais maintenant, avec le chien on habite ensemble, ben ouais ! Il avait plus de maison ! Au début maman était pas très contente mais vu que le chien il aboyait plus, vu qu’on était toujours ensemble, et ben les voisins ils ont tous dit à maman que c’est super...du coup maman elle est d’accord."

Association l’Art de Rien
27 rue de la mulatière
42100 St-Etienne
artderien