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Rroms : si on cherchait des “solutions” plus durables ?

Retour sur le conseil municipal du 3 septembre, départ du 1er car de “rapatriés”, rassemblement devant la Préfecture contre les OQTF, lettre ouverte de l’évêque de St-Etienne aux catholiques du diocèse...

vendredi 14 septembre 2007

Conseil municipal : la mauvaise foi et la démagogie de M. Thiollière

Une discussion sur les Rroms a eu lieu au conseil municipal du 3 septembre et a fait l’objet d’un compte-rendu (plutôt bref) dans La Gazette, et carrément incompréhensible, suite apparemment à un problème de mise en page, dans Le Progrès... Mais dans les deux journaux, la position du maire de St-Etienne n’est que partiellement - mais avantageusement - présentée.
Bien entendu, les Rroms ne sont pas le seul sujet de préoccupation à St-Etienne ! C’est pourquoi j’avais aussi demandé que l’on parle de la rentrée scolaire. Mais il était quand même difficile d’admettre que la situation des Rroms cet été et l’attitude de la mairie ne fassent pas l’objet de la moindre discussion au conseil municipal. C’est pourquoi j’ai fait ajouter cette question à l’ordre du jour en “question d’actualité”.
Il faut bien sûr être lucide : parler des Rroms au conseil, ce n’est pas “porteur”. Facile de flatter la xénophobie quand même assez lourde dans la période actuelle, pour faire des déclarations démagogiques. Et aussi affirmer des contrevérités. Bref, le sujet n’est pas “porteur” pour tout le monde. Tant pis. On n’est pas tous là pour se faire porter. Et on ne peut quand même pas laisser passer sans réagir des choses révoltantes.

J’ai donc rappelé assez brièvement les évènements de l’été...
Le 8 août, le squat qui hébergeait environ 120 personnes dans le bâtiment EDF de Béraud évacué par les forces de police sur décision du Préfet à la demande de la mairie et d’EDF. Ce squat était né après l’expulsion brutale des familles Rroms du terrain du Clapier en juillet 2006.
Les personnes et associations qui font vivre un réseau de solidarité avec ces familles en difficultés avaient indiqué que cette expulsion et le regroupement des familles Rroms sur l’école de Montplaisir aggraveraient les problèmes et les difficultés humaines au lieu de les résoudre. Alors que des choses très intéressantes avaient été construites autour de Béraud : notamment scolarisation des enfants dans plusieurs écoles du quartier, liens avec les centres sociaux et la vie associative, travail d’alphabétisation, travail sur la santé, recherche réussie d’un emploi pour 3 personnes Rroms ce qui a exigé beaucoup de démarches et d’efforts de la part du réseau de solidarité auprès de la DDTE, des employeurs...
L’aggravation des difficultés, c’est bien ce qui s’est produit. La ville a fait regrouper les familles Rroms à Montplaisir. Dans des locaux où il est beaucoup plus difficile de vivre (problèmes d’eau, de toilettes, d’électricité...). Donc ça n’a rien arrangé, au contraire. Il faut dire aussi que les promesses faites à un moment par la mairie d’hébergement de certaines familles dans des appartements relais n’ont pas été tenues.
Maintenant la Préfecture a donc pris les choses en mains, dans d’autres villes du pays également. Quel apparaît être l’objectif du dispositif en cours ? Il comprend 3 volets : promesse de “rapatriement humanitaire” (...), dispositif “d’écoute et d’enquête sociale”, qui a été ouvert 2 jours seulement (...) délivrance massive d’OQTF (...). Une volonté évidente de faire du chiffre pour les expulsions.
En plus de son côté inhumain, cette politique a un côté absurde, et on peut se poser la question de son coût et du gaspillage d’argent qu’elle représente, puisque que ça coûte cher tout ça...
Car les Rroms sont pour beaucoup des roumains, c’est à dire des habitants de l’UE, et il y a liberté de circulation en Europe. Dès lors, s’il n’y a pas un début de solution aux discriminations dont ils sont victimes en Roumanie et construction de projets leur permettant de vivre dans leur pays d’origine, à quoi va servir de mettre tout cet argent pour les expulser ? On ferait mieux de le mettre à construire des projets pour résoudre ces problèmes.
Bien sûr c’est une question à l’échelle de l’Europe...
La politique menée ici est une politique très inhumaine, très coûteuse et sans issue. C’est au prix d’une casse humaine et du mépris de tout le travail du réseau de solidarité.
J’ai souligné aussi quelque chose de remarquable : dans la suite du travail fait ces dernières années, par le réseau de solidarité et ces familles Rroms, 45 enfants ont pris le chemin de l’école dans les écoles de Montchovet, des Ovides et de Beaulieu et le collège Dasté. Et il faut saluer l’attitude de l’IEN et de l’Inspection d’Académie qui ont eu à coeur de faire respecter la loi qui dit que tout enfant vivant en France a droit à une place dans une école.

Avant de justifier l’attitude de la mairie, M. Thiollière a tenté de créer un incident lorsque qu’à un moment, j’ai parlé des drames vécus par les Rroms dans leur histoire - ce qui n’est quand même pas sans lien avec leur situation actuelle en Europe - et j’ai rappelé leur génocide par les nazis (qui ont entrepris d’exterminer les Rroms comme ils ont décidé d’exterminer les Juifs) au cours de la 2ème guerre mondiale. Le maire de St-Etienne a traité ce rappel de provocation. Pourquoi ? Par ignorance de la réalité de ce génocide ? Ou parce que ça ne grandit pas le traitement réservé aujourd’hui aux Rroms de rappeler combien ils ont été discriminés et massacrés dans l’histoire européenne ? (1)

Ensuite, le Maire de St-Etienne a affirmé qu’il a “toujours tenu à ce que ce problème soit réglé avec humanité mais avec fermeté.”
Extraits, en substance...
On est dans un pays qui a des règles, des lois, et un environnement européen qui a des lois... Personne ne peut penser que des familles puissent vivre dans un squat, avec l’aide d’associations, loin de leur pays, dans des conditions illégales et sans moyens d’existence légale...
Certains n’ont pas de statut social ou de formation professionnelle, et on voudrait les insérer dans la société alors qu’il y a déjà ici des gens qui ont des problèmes, et qu’il n’y a pas de baguette magique...
M. Thiollière a protesté contre le fait qu’on dise que les stéphanois ne sont pas généreux “alors que c’est la mairie de St-Etienne qui a ouvert ses portes à l’école de Montplaisir”.
2 contrevérités ici : personne n’a dit que les stéphanois n’étaient pas généreux. Le Maire détourne les critiques contre sa politique en disant qu’il s’agit de critiques contre les stéphanois ! Ensuite, c’est grossier de dire qu’il a ouvert les portes de l’école de Montplaisir aux Rroms. Ce qu’il a fait en juillet 2006, c’est faire détruire les caravanes sur le terrain du Clapier, ce qui a débouché sur la création d’un squat à Béraud, et de faire installer des familles Rroms dans une porcherie au Rond Point, ce qui a débouché sur la création du squat de l’école de Montplaisir pour mettre un peu hors de danger ces familles, contre la volonté de la mairie. C’est tellement vrai qu’une descente massive de police (une vingtaine de policiers) a eu lieu à l’école maternelle de Montplaisir vendredi 7 septembre 2007 (pour effectuer un fichage généralisé des Rroms non fichés lors de l’évacuation de Béraud), sous le prétexte de la plainte déposée en 2006 par le maire pour “violation de domicile” !
Par contre, c’est bien vrai qu’en août 2007, la mairie a orienté les Rroms de Béraud vers l’école de Montplaisir pour pouvoir réaliser l’expulsion de Béraud (sans pouvoir leur infliger le même traitement qu’en juillet 2006) et concentrer les familles Rroms.

Ensuite le Maire s’est livré à la démagogie facile : si certains sont plus généreux que lui, “qu’ils viennent chercher des Rroms et les installent dans leurs structures” (plus tard il m’a proposé d’accueillir les familles Rroms chez moi...). Pourquoi seul le contribuable stéphanois devrait payer ? ( rappelons qu’il est par ailleurs sénateur, que ses amis dirigent le département, et qu’il y a une député européenne dans le conseil municipal...)
Entendu : Quand des gens sont dans une situation aussi précaire, sans espoir d’intégration... 200 personnes, ça pose des problèmes... Y compris de délinquance... Il y a aussi des trafics de tous ordres... Tout ceci n’est pas durable... Il faut donc mettre en oeuvre des moyens pour permettre à ces gens de rentrer dans leur pays, et ils sont malheureux dans un squat, donc ne pas les pérenniser dans cette situation là. Et il y a des gens induits en erreur... Ils seront accueillis en Roumanie dans des conditions humaines et acceptables... J’insiste pour que les associations les aident à utiliser ces moyens là pour les aider à s’insérer dans leur pays... Le bien de ces personnes n’est pas de rester dans un squat... Dans le cadre d’accords européens (???) on leur propose de reprendre pieds chez eux... Et s’ils ne veulent pas, reconduite à la frontière.
Quand aux enfants, ils sont scolarisés, mais les familles de Rroms souhaitent que les enfants soient scolarisés en Roumanie... On ne recherche pas le bien de ces enfants en les scolarisant chez nous... Il faut convaincre ces pauvres gens d’utiliser les moyens pour retourner dans leur pays dans de bonnes conditions... Aujourd’hui c’est un hébergement d’urgence ouvert par la ville de st-étienne... Que la raison l’emporte...

Voilà ce qui se raconte sur les Rroms au conseil municipal de Saint-Etienne, ville de 175 000 habitants, en France, en 2007...

Dans tout ça, on cherchera vainement UNE action utile de M. Thiollière pour aider à résoudre les problèmes des familles Rroms. Toutes les personnes et associations qui font ce qu’elles peuvent au sein du Réseau de solidarité savent à quoi s’en tenir à ce sujet.
Il est instructif d’ailleurs de relire les justifications de M. Thiollière depuis 2004 ! Voir Les discussions sur les Rroms au Conseil. Qu’a fait la mairie de positif, en 3 ans, pour trouver des solutions ?

Cette politique là, qui coûte cher, n’apporte AUCUNE solution aux difficultés humaines. Et elle ne résout aucun des problèmes posés par la présence à St-Etienne de familles Rroms en difficultés.
Il est possible qu’elle rapporte des “bénéfices politiques” à ceux qui font ça. En tous cas c’est apparemment ce qu’ils espèrent, à regarder leurs actes et à entendre leurs discours. Mais...

Roger Dubien.
Conseiller municipal.

(1) Le génocide des Rroms en Europe
L’histoire dramatique dramatique des Rroms n’explique pas tout de la situation actuelle, mais il n’est pas possible de l’ignorer si l’on veut comprendre un certain nombre de choses...
Entre 250 000 et 500 000 Rroms ont été massacrés entre 1940 et 1945 sur les 700 000 qui vivaient en Europe. Un massacre impulsé par les nazis, qui avaient décidé la disparition des “Tziganers” ou “Zigeuners” (déclarés membres d’une “race inférieure” et “associaux”), un massacre mené à l’échelle de l’Europe.
L’équivalent de la Shoa pour les Rroms, les Rroms l’appellent “Samudaripen”, qui signifie “le massacre de tous” (le génocide).
Il a eu lieu dans une dizaine de camps d’extermination en Allemagne et en Pologne (Dachau, Mathausen...), mais aussi dans d’autres pays, comme en Roumanie, organisé par l’allié de Hitler, Antonescu, qui a déporté les Rroms en Transnistrie et en a exécuté une grande partie. En Croatie, les Rroms ont été massacrés par les oustachis.
200 enfants Rroms ont été raflés à Prague par les nazis et utilisés comme cobayes pour tester le zyklon B.
20 à 25 000 Rroms ont été gazés et brûlés dans les fours crématoires à Dachau-Birkenau, où un “tziganer lager” avait été ouvert en décembre 1943. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, 3 900 Rroms hommes femmes et enfants, soit la totalité des Rroms présents à Dachau, ont été gazés. Les historiens appellent cette nuit la “zigeuner nacht”. Seuls 2 enfants ont réussi à se cacher et à échapper au gazage. Ils ont été retrouvés le lendemain matin et abattus. Il ne devait pas y avoir de témoin Rrom de cette nuit.
En France, le régime de Vichy a créé des “camps de concentration” pour les Rroms en avril 1940.

On peut trouver des informations sur l’histoire des Rroms aux adresses suivantes :

- Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rroms

- Samudaripen, le génocide des Roms : www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=602
- Tziganes de Roumanie (2) : www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=420

- un génocide oublié : celui du peuple tzigane : www.ldh-toulon.net/spip.php ?article488

- Les Tsiganes en France : www.memoire-net.org/article.php3 ?id_article=135

Mardi 11, départ d’un car vers la Roumanie.



Mardi matin à 6h, un car de 33 Rroms - dont 5 enfants - est parti de Montplaisir. Le car "du rapatriement humanitaire" en Roumanie, organisé dans ses moindres détails par la préfectures et l’ANAEM.
Il faisait encore nuit sur St-Etienne. Gaby, Estéra, Ema, Béni et Manu avaient recommencé à aller à l’école. La Ville de St-Etienne avaient même promis à Viorel et Mirela, leurs
Parents, un appartement...
Un rapatriement qui n’a rien de “volontaire” mais est le résultat d’un maximum de pressions. Pour quel résultat final, au fait, si rien ne change dans le domaine des discriminations dont sont victimes les Rroms en Roumanie, où de l’épuration ethnique qu’ils subissent maintenant au Kosovo ?

Mercredi 12 : rassemblement devant la Préfecture pour déposer des recours contre les OQTF...




Près d’une quarantaine d’OQTF ont maintenant été distribués.
huit premiers “recours gracieux” ont été portés à la Préfecture de la Loire , ce mercredi 12 vers 13h. Une soixantaine de personnes, Rroms et membres du réseau de solidarité, étaient présents. Une délégation de 9 personnes a été reçue par Mme Bonhomme, chef de cabinet du Préfet.
Le Réseau Solidarité avec les familles Rroms a expliqué regretté que tant d’énergie et d’argent gaspillés pour mettre en oeuvre les OQTF, alors que les roumains, européens, ont libre circulation en
Europe.
Il a exposé aussi que des OQTF signifiés ne sont pas valables : certains Rroms de
St-Etienne ont des preuves qu’ils étaient en Roumanie il y a encore quelques semaines.
Il a expliqué que pour les familles dont les enfants sont scolarisés que l’on force à repartir, cela veut dire un "cassage" complet de l’apprentissage d’un enseignement.
Et qu’il est quand même difficile d’imaginer que des personnes malades et handicapées, suivant ici en France un traitement lourd, puissent repartir et abandonner complètement tous les soins qui leur sont propres.
Le réseau de solidarité a souhaité que l’argent - puisque apparemment il y en a - soit mis au service d’une construction positive en direction des Rroms qui désirent
s’établir ici et qui cherchent un travail depuis très longtemps.

Cette politique n’est pas que stéphanoise, c’est celle de Sarkozy. Et on vient d’apprendre ce 13 septembre que le (nouveau) Préfet de la Loire faisait partie des 19 préfets convoqués le 12 septembre par le ministre de l’immigration et de l’identité nationale Hortefeux, pour cause de résultats insuffisants en matière d’expulsions. Sarkozy a fixé l’objectif de 25 000 expulsions en 2007, et les préfets en sont à 11 000.

Pour faire du chiffre, les Rroms sont un bon moyen, même s’ils ne sont qu’environ 5 000 en France sur près de 10 millions en Europe. Mais avec les allers et retours, il est peut-être possible de trouver 8 000 expulsions... Gâchis humain et gaspillage financier.
A noter quand même qu’en France certaines villes commencent à prendre le problème d’une toute autre manière.


La lettre de l’Evêque de Saint-Etienne aux catholiques

Mgr Dominique Lebrun, évêque de Saint-Etienne, a adressé le 31 août une “lettre ouverte aux catholiques du diocèse de Saint-Etienne”, “ au sujet des Roms”

L’évêque écrit :

“Chers amis,
Cet été, la presse locale mais aussi nos conversations de rue, de table
ou de voisinage ont sans doute nommé les Roms.
Qu’en est-il ? Qu’en est-il pour eux ? Qu’en est-il dans notre cœur de
catholique ?
Je vous écris avant tout pour encourager ceux qui, au nom de leur foi
chrétienne, s’engagent auprès de cette population. Je les ai rencontrés
et je sais leur dévouement au sein de l’association Solidarité-Roms.
Ils agissent pour essayer d’écrire avec nos amis un avenir digne. Outre
la question du logement, ils travaillent à la question de
l’alphabétisation, de l’emploi et de la scolarisation des enfants.
Certes, bien des questions légitimes se posent devant la présence des
Roms. Elles nous dépassent. Je pense en particulier aux pouvoirs publics
et aux riverains ... tous sont nos « prochains » !
Nous n’oublions pas que cette population européenne émigre d’abord parce
qu’elle est victime de discrimination dans son propre pays, la Roumanie.
Cet été, des familles ont donc passé à Saint-Etienne des semaines
d’inquiétude nouvelle. Que faire ?
Ne renonçons pas à être les prochains de ceux qui sont nos frères dans
la foi en Jésus-Christ. Beaucoup sont des chrétiens orthodoxes. En
allant leur rendre visite, j’ai voulu le leur dire.
Continuons à faire œuvre d’imagination. Est-il impensable d’établir un
contrat où chacun aurait sa part de droits et de devoirs ?
J’ai l’intime conviction que les pouvoirs publics comme les associations
et, surtout, les Roms eux-mêmes peuvent faire de leur présence à
Saint-Etienne un honneur pour notre ville !
(...)”

On peut lire le texte intégral de cette lettre sur le site du diocèse :
http://catholique-saint-etienne.cef.fr

Les photos sont de Marie-Pierre Vincent.

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