Mon site SPIP

Accueil > Maison de la semence > Quelles semences de blés pour notre pain ?

Isabelle Goldringer à la fête des semences paysannes le 18 mars à Marcilly

Quelles semences de blés pour notre pain ?

Des paysans et paysans-boulangers témoigneront de leur travail avec les blés paysans

mardi 7 mars 2017, par Roger Dubien

La 5ème fête des semences paysannes, organisée par la Maison de la Semence de la Loire, aura lieu samedi 18 mars à la ferme Grenier, à Marcilly le Châtel.
C’est Isabelle Goldringer qui interviendra lors la conférence-débat prévue comme chaque année à 15h.
Marie Astier, journaliste à Reporterre, qui vient de publier "Quel pain voulons-nous ?" sera également invitée de la fête, pour une rencontre autour de son livre.

Télécharger le programme de la fête des semences 2017

Isabelle Goldringer est généticienne des populations, et directrice d’une équipe de recherche de l’INRA (Institut National de la Recherche agronomique). Elle travaille sur les "blés tendres", ceux dont la farine est panifiable, et donc utilisée pour faire le pain (la semoule, puis les pâtes, le couscous, etc... sont fabriquées avec du "blé dur", qui n’est utilisé que dans certaines régions du monde pour faire le pain).
Elle anime l’équipe de recherche "Diversité, Évolution et Adaptation des Populations", qui se consacre à la gestion dynamique de la biodiversité cultivée et étudie son intérêt pour des agro-écosystèmes durables innovants, et développe des projets de sélection participative. (voir Inra du Moulon)

Dans les années 80, 5 variétés couvraient plus de 60% des surfaces cultivées en blé tendre en France, aujourd’hui, 10 variétés "modernes" de blé sont cultivées pour faire environ 80% de la farine. En effet, même si il y a environ 400 variétés actuellement sur le catalogue officiel, d’une part seul un nombre restreint est multiplié et proposé aux agriculteurs, et d’autre part elles sont de plus en plus ressemblantes génétiquement. Pourtant à l’INRA de Clermont-Ferrand - qui en France conserve (en très petites quantités) les semences des variétés de blé -, il en existe 1200...

La domestication des blés a commencé il y a environ 12 000 ans. Ce fut le travail des paysans. Au 20ème siècle, les entreprises semencières ont pris le dessus. Elles ont mis au point de "nouvelles variétés" adaptées à l’agriculture industrielle, qui, pour le blé, sont des "lignées pures" avec une très faible diversité génétique intra-variétale (au sein de la variété tous les individus sont identiques), et une faible diversité génétique inter-variétale (entre les variétés dites "modernes").
Ces semences industrielles ont aussi en commun d’avoir une paille courte pour ne pas verser suite à l’apport massif d’engrais chimiques, car elles ont besoin pour produire de beaucoup d’intrants (engrais chimiques et pesticides), ainsi que de suffisamment d’eau. Elles n’évoluent pas dans les champs et ne peuvent pas s’adapter au terroir et au climat, parce qu’elles n’en ont pas la capacité génétique et aussi parce que ces semences sont conçues pour être rachetées tous les ans à l’industrie semencière. Dans ces conditions-là, elles sont très productives.

A l’opposé, les variétés de "blés paysans", des variétés anciennes sauvegardées et ré-adaptées aux conditions actuelles (250 variétés dans les champs des paysans qui participent à l’ARDEAR en Rhônes-Alpes !), mais aussi des "variétés population" créées récemment, donnent une diversité de blés et de farines, avec des qualités gustatives et nutritionnelles remarquables. Pour le moment, ces variétés sont moins "productives", sauf dans les conditions d’une agriculture bio, sans engrais chimiques ou pesticides...
Mais la recherche est possible et efficace, surtout quand elle allie scientifiques et paysans (qui cultivent alors des parcelles expérimentales), et qu’elle se passe en même temps dans les laboratoires et dans les champs, pour mettre au point des "variétés population" nouvelles de blé, et recréer de la biodiversité.

C’est à cette "sélection participative", "dynamique", des "blés paysans" qu’Isabelle Goldringer consacre son travail. Une recherche participative pour des variétés adaptées à une agriculture à faible niveau d’intrants et moins sensibles aux variations climatiques.
Ce travail allie sauvegarde et utilisation des ressources génétiques existantes, croisements, expérimentations dans les champs, c’est-à-dire dans les conditions réelles...
Ces blés-là produisent plus de paille (ce qui permet de nourrir les sols avec le fumier des animaux), ils peuvent être aussi productifs dans les conditions d’une agriculture bio, agro-écologique, sans engrais chimiques et pesticides.
Ces blés-là sont les plus capables de faire face au changement climatique, de s’adapter aux terroirs et au conditions environnementales, parce que ce sont des "variétés population" (et non des lignées pures) qui possèdent une diversité génétique et donc sont capables d’évolution en continu.

Isabelle Goldringer travaille avec le Réseau Semences Paysannes. Voir par exemple : Mise en place d’une méthodologie de sélection participative sur le blé tendre en France.

Elle nous expliquera ce qu’il en est des blés aujourd’hui en France et dans le monde - on fera le point aussi sur les techniques de modification génétique qui se développent actuellement - ; où en sont les blés paysans et quelles sont leurs avantages ; et comment fonctionne cette sélection participative qui réunit paysans et chercheurs.

Plusieurs paysans et paysans boulangers présenteront leur travail autour des blés paysans : Raymond Pitiot et Sylviane Pitiot (St-Paul en Jarez), Stéphane Griot (St-Bonnet le Château), Corentin Dufour (St-Sixte)...

Roger Dubien.


 Pour aller plus loin... 

- Regarder un documentaire d’AgroParisTech : "Biodiversité en partage"

- Ecouter une interview à Reporterre : En quoi les semences paysannes sont-elles une réponse au changement climatique ?

- Regarder la vidéo d’une intervention d’Isabelle Goldringer au Sénat en septembre 2015 lors d’une conférence de "Graines de Noë" : "cultivons la biodiversité pour une agriculture durable" :


Son intervention portait sur la "Gestion de la diversité cultivée à la ferme et sélection participative pour des pratiques agro-écologiques paysannes". Avec un retour sur l’histoire des céréales de leur domestication et sélection au néolithique, et la co-évolution homme/plante depuis 12000 ans.