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L’attribution des logements à l’OPAC de Saint-Etienne est basée sur des critères ethniques.

C’est ce que révèle un rapport officiel de la Miilos. Télécharger des extraits du rapport...

vendredi 16 décembre 2005, par Georges Günther

Les Réseaux citoyens de St-Etienne ont mis le problème sur la place publique au cours d’une conférence de presse ce jeudi 15 décembre (1).

« Il est toutefois tout à fait anormal que, quelle que soit la situation des immeubles, la politique de peuplement se résume à cibler les attributions pour l’essentiel sur l’origine ethnique des demandeurs. La collecte de ce type d’information est désormais interdite et sanctionnable et l’organisme doit se mettre en conformité avec la réglementation. De plus, l’amélioration de la mixité sociale ne peut en aucun cas reposer, en tout cas uniquement sur des critères de ce type, au risque de pouvoir être qualifié de discriminatoire. Le plan stratégique de peuplement doit impérativement prendre en compte d’autres critères, tels par exemple que le niveau et la pérennité des revenus. Il est également anormal que ce plan se contente de constater que, pour certains immeubles, le peuplement sera constitué à terme en totalité de personnes étrangères. C’est le contraire d’une politique de mixité sociale. »

C’est la conclusion d’un rapport interministériel très officiel de la Miilos (Rapport définitif n°2004-121) de juillet 2005, sur la gestion de l’OPAC de Saint Etienne présidé depuis 22 ans par Guy Giraud conseiller municipal.
La fiche récapitulative de ce rapport note au point « Anomalies ou irrégularités particulières » : « Politique d’attribution très sélective, s’appuyant sur une procédure illégale ».
Il s’agit en fait d’une politique d’attribution des logements basée sur un critère ethnique, gravement discriminatoire. Ce que vivent concrètement beaucoup de Stéphanois, un rapport interministériel officiel en apporte la preuve.

Le rapport explique en détail le système ethnique mis en place par l’OPAC :

« Les caractéristiques des populations logées font l’objet d’un double descriptif de la part du service de la gestion locative :
- • chaque immeuble donne lieu à l’établissement d’une grille de peuplement, mise à jour mensuellement à l’aide des entrées/sorties des locataires. Cette grille visualise les caractéristiques des logements : vacants, réservataires, particularismes (murés, tolés-condamnation temporaire) et l’origine ethnique du titulaire du bail en distinguant Maghreb, Afrique, Asie, appréciée à travers le nom patronymique.
- • l’enquête « occupation du parc social » fait l’objet d’un dépouillement individuel par groupe. Les informations de l’enquête sont complétées par la ventilation, au 1er janvier 2003, de la population logée entre familles françaises (européennes) et familles étrangères (information issue des grilles de peuplement supra) ».

Tout au long du rapport la Miilos met entre guillemets le terme « étranger » puisque c’est au travers du nom que l’OPAC effectue le classement par origine ethnique.

Observation de la Miilos :
« Ce type de collecte et de traitement est désormais interdit depuis la parution de la loi n°2004-801 du 6 août 2004 qui complète et modifie la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. L’organisme devra donc mettre ses pratiques en conformité avec la loi, dans les conditions et les délais fixés par celle-ci, sous peine de sanctions pénales. De plus, l’examen de la situation individuelle de chaque groupe, extraite de l’enquête « occupation du parc social », limité à celui de la seule origine présumée des familles (français/étranger), montre l’existence de concentration qui ne peuvent être que le résultat de l’application dans le temps, d’une politique d’attribution sélective, qu’elle soit délibérée ou imposée par le contexte local. »
Plus loin dans une annexe consacrée aux attributions des logements (annexe 1.16) il est écrit que ce procédé « semble démontrer l’existence de pratiques discriminatoires dans l’attribution des logements. La notion « d’étranger » s’entend au sens des grilles de peuplement évoqués supra ».
En réponse aux tentatives de justification de l’OPAC, les auteurs du rapport précisent :
« Ce procédé est susceptible de constituer une collecte déloyale de données à caractère personnel au sens de l’article 6-1 de la loi de 1978 modifiée, collecte pénalement sanctionnée (art 226-18 du Code Pénal). (...) L’origine ethnique des locataires appréciée à travers le patronyme est une donnée sensible dont le traitement est, en principe, régi par l’article 8 de la loi de 1978 modifiée qui dispose qu’il est « interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques... sauf si la personne concernée a donné son consentement exprès. » Rien ne laisse penser que le consentement des personnes ait été recueilli en l’espèce ». Et s’agissant des phénomènes de concentration des populations : « leur importance ne peut-être le résultat du hasard mais celui d’une politique délibérée conjuguée, comme il est constaté dans le rapport, à l’effet des contraintes externes. Quelles que soient les contraintes externes, la politique d’attribution doit avoir pour but de tenter d’en corriger les effets ».

L’OPAC a donc mis en place un système bien rodé, sur la base de fiches, qui classe les locataires (nous verrons plus loin qu’il en est de même pour les demandeurs) en français/étrangers en fonction du nom. Ce type de procédé discriminatoire, pour ne pas dire plus, est illégal et aboutit à interdire l’accès à certains logements et quartiers à toute une catégorie de la population.
Il s’agit d’une politique qui parque les populations en fonction de leur origine ethnique supposée.

Le rapport produit un graphique qui montre que certains groupes sont quasiment interdit aux personnes dont les noms sont à consonances étrangères (Beaulieu le Rond Point, Bergson, Trois Glorieuses, Gabriel Péri, Louis Courier, le Monteil, Giron, Surya, Garibaldi, Tardy, Grouchy Loca...) tandis que d’autres leur sont dévolus (Tarentaize II, Janin II, Montreynaud ZUP, Pac Montreynaud, Renoir, Molina, Montchovet, Econor Richelandière...).

Le même procédé s’applique aussi aux nouveaux demandeurs.

Un document intitulé « Locations & Relogements, plan stratégique par site », établi par le service de la gestion locative a été présenté au bureau du Conseil d’Administration le 28 mars 2002. L’essentiel du parc fait l’objet de fiches qui déclinent, par groupe, le nombre de logement et leur typologie, le peuplement (familles étrangères, françaises et étudiants), les spécificités et la stratégie de location et de relogement. « Ces stratégies se limitent, pour la plupart, à définir les possibilités d’accueil de familles « étrangères » extérieures ». Et les auteurs du rapport font l’observation suivantes : « L’origine ethnique des candidats apparaît comme un critère prépondérant d’examen et de validation des demandes externes. Cette manière de procéder va à l’encontre des objectifs de mixité sociale. Elle conduit à exclure les « étrangers » de l’accès à certaines parties du parc, ce qui est susceptible de relever de pratiques discriminatoires ». Et dans l’annexe 1.16 sur l’attribution de logements : « L’origine ethnique des candidats semble être le seul critère permettant de qualifier les demandes externes et de valider leur recevabilité. Cette manière de procéder, particulièrement réductrice, apparaît des plus critiquables et pourrait être assimilée à une pratique discriminatoire ».

Le rapport publie les préconisations de l’OPAC pour plusieurs groupes. On y parle de la « possibilité d’infiltrer une famille étrangère », « de continuer à préserver ce site », de groupe qui a « basculé ».
Quelques extraits :
-  Tardy : « Possibilité d’infiltrer sur les bâtiments A et C deux « petites » familles étrangères compte tenu des types de logements et de préférence dans le cadre des relogements ».
-  La Batie : « Stopper l’attribution à des familles étrangères, possibilités réduites par rapport aux types de logements ».
-  La Montat : « Continuer à préserver ce site, très peu de possibilité compte tenu des types de logements ».
-  Le Monteil : « En cas de disponibilité, la priorité sera donné aux locataires de Beaunier, possibilité d’infiltrer deux familles étrangères de préférence dans le cadre du relogement ».
-  Econor Richelandière : « Ce groupe entièrement réhabilité a basculé. Les familles françaises qui y résident habitent ce groupe depuis longtemps. A terme, la population de ce site sera étrangère à 100% ».
-  Beaulieu Le Rond Point : « Résumé : il est possible d’infiltrer sur certains bâtiments quelques familles étrangères de petites tailles, les T4 étant très rares sur BRP et les demandes de mutation nombreuses pour ce type d’appartement. Il serait souhaitable d’utiliser ces possibilités pour des relogements. Il est donc impératif de suspendre les attributions aux familles étrangères sur le site si on souhaite procéder à des relogements sans compromettre l’équilibre du site. »
-  Bergson : « Des problèmes ont eu lieu avec deux familles issues de Montchovet (1 dans le cadre du relogement, l’autre dans le cadre d’une mutation normale). Une de ces familles a été relogée sur un autre site. Stopper l’attribution à des familles étrangères notamment dans les allées 38-40 ».
-  Tarentaize I : « Proximité de Tarentaize II. Stopper l’attribution à des familles étrangères ».
-  Tarentaize II : « Site difficile comportant des grands logements et occupé par une majorité de familles étrangères. La demande française est pratiquement inexistante sur ce site. Bien filtrer les demandes notamment sur les bâtiments situés rue Tarentaize et Place des Carrières. Sur ce site, étudier les demandes avec le gestionnaire ».
-  Grande Marandinière : « Aucune demande française pour ce site. Les attributions sont faites à des familles étrangères structurées et de petites tailles qui veulent bien habiter ce site. Devons nous continuer cette politique de peuplement en sachant que ces familles devront être relogées dans un avenir plus ou moins proche ? »
-  Petite Marandinière : « Problèmes et Handicaps : les bâtiments E, K, L, P devraient être démolis. Ces petits bâtiments vivent relativement bien. La vacance s’explique par le fait que les logements sont mal distribués et ont une petite superficie. Les T2 ont été équipés pour des logements étudiants et des fusions ont été effectuées. Les duplex font l’objet d’une très grande demande. Absence d’ascenseur. Stratégie : Bâtiments H, J, N, O : stopper l’attribution aux familles étrangères. Bâtiments I, M : possibilité d’infiltrer 1 voire 2 familles étrangères ».

La politique d’attribution de l’OPAC se résume donc pour l’essentiel à orienter les familles vers tel ou tel groupe, en fonction de leur origine « française » ou « étrangère » supposée, appréciée à partir de leur nom. Il s’agit bien d’une gestion ethnique, de parcage, qui considère les demandes « étrangères » comme étant à priori source de problèmes. Une gestion discriminatoire, illégale, pénalement sanctionnable, disent les auteurs du rapport de la Miilos. Elle remet gravement en cause le droit au logement pour tous.

D’autant que cette gestion ethnique se double d’une gestion antisociale, anti pauvre.

A partir de l’examen de trois commissions d’attributions les auteurs du rapports ont constaté que « les demandes comportant des dettes de loyers (quelque soit le bailleur) sont systématiquement écartées et clôturées, alors même que l’obtention d’un logement HLM pourrait constituer une source d’amélioration de leur situation ». Pour ces demandeurs des propositions formelles, non transmises aux demandeurs sont faites dans le seul but de saisir la commission d’attribution pour qu’elle donne une décision défavorable. Les demandes de logements consécutives à une expulsion d’un autre bailleur social sont également systématiquement rejetées. Ces pratiques qui tournent le dos à une politique sociale du logement, sont aussi irrégulières du point de vue de la réglementation : « Au terme de la circulaire du 30 novembre 2000 relative au numéro départemental d’enregistrement des demandes de logements sociaux, le rejet des demandes ne peut s’appuyer que sur des motifs réglementaires incontestables tenant au dépassement des plafonds de ressources ou à l’irrégularité du séjour sur le territoire national ».

L’OPAC de Saint Etienne est le principal opérateur du logement social sur la ville. Il préside l’AMOS (l’Association des Maître d’Ouvrage Sociaux), organisme de concertation des différents organismes HLM de l’agglomération stéphanoise.
Une telle politique a donc eu des conséquences graves pour de nombreuses familles populaires, et pour des personnes isolées aux faibles ressources. Elle les a contraintes à se réfugier dans des logements privés bas de gamme, ou à rester dans des appartements vétustes, inadaptés à leurs besoins, parfois insalubres, alors qu’il existe des logements vacants disponibles dans plusieurs groupes.

Un projet de délibération en cours de validation, doit être présenté prochainement au Conseil d’Administration. Il vise à valider les critères à prendre en compte dans le classement des demandes, et des mutations engendrées par les grandes opérations de renouvellement urbain qui engagent les conditions de vie des stéphanois. Les auteurs du rapport remarquent « Cette délibération soumet toutefois le processus d’attribution « au respect des règles et règlements en vigueur pour l’OPAC, mais aussi des équilibres de peuplement seuls garants à terme de la fonction sociale du patrimoine de l’OPAC. » Et il font l’observation suivante : « Ces équilibres de peuplement, tant pour leurs définitions, leurs critères d’appréciation et les objectifs à atteindre, n’ont jamais fait l’objet d’une présentation et d’une validation en conseil d’administration. En tout état de cause, l’origine ethnique des candidats ne saurait être l’un deux ».

Ces conceptions ne peuvent pas perdurer. D’importantes opérations de rénovation urbaine sont engagées sur Saint Etienne. L’OPAC en est un partenaire important. Il est signataire avec l’état, la région Rhône Alpes et la ville de Saint Etienne, de la convention ANRU (Agence Nationale de rénovation Urbaine) qui encadre ces opérations pour plusieurs quartiers. Un des objectifs fixé par cette convention est « d’inverser les processus de ségrégation sociale et spatiale » de « rechercher et d’offrir à chacun des ménages relogés un relogement conforme à ses attentes et ses besoins lui permettant de s’inscrire dans un véritable parcours résidentiel promotionnel ». Les pratiques de l’OPAC en sont l’exact opposé.
Beaucoup d’argent public va être investi dans cette rénovation urbaine par l’état, la Région Rhône Alpes, la ville de St Etienne. Est-ce pour aboutir à exclure les pauvres, les immigrés, les personnes aux noms arabes de quartiers en rénovation, ou/et d’autres quartiers ?

(1) Participaient à la conférence de presse Georges Günther, Fatima Saïb, Rachid Oulmi, Anna Pidoux.

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