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Atelier "Education, alimentation, santé publique" du Forum Social Local

Comment agir concrètement contre la "mal bouffe" chez les enfants, mais aussi chez les adultes, en particulier dans les milieux défavorisés ?

mercredi 2 mars 2005, par Raymond Vasselon

L’atelier "Education, alimentation, santé publique" Voir  qui s’est tenu le 5 février (*) a réuni quarante trois participants : agriculteurs, travailleurs sociaux, habitants des quartiers, militants associatifs et de collectifs de quartiers

Les initiateurs de l’atelier avaient proposé d’explorer les questions suivantes :
- Comment dans le cadre de la vie associative, de l’école, de la restauration collective des enfants, promouvoir des formes d’éducation à la question de l’équilibre alimentaire ?
- Quelles possibilités offrent de ce point de vue l’agriculture BIO et les AMAP ?
- Comment créer des liens entre les quartiers populaires et la campagne pour favoriser une agriculture paysanne respectueuse de la santé, de la qualité de la vie, pour que tous puissent avoir accès à une nourriture saine, à un goût authentique, et donc à une culture non uniformisée ?

Une rapide introduction : on a le constat d’une évolution catastrophique des pratiques alimentaires des enfants. Ceci recoupe l’avis de spécialistes de la santé publique (obésité, diabète, augmentation des cancers). A partir de là, la question "que faire ?" débouche sur une vaste problématique. Le débat qui a suivi le montre.

La discussion est ouverte par Paul Chataignon (Confédération Paysanne) :

"Les paysans ne sont pas des spécialistes de la nutrition. Mais de notre côté, on voit une agriculture industrielle qui se développe à la vitesse grand V., qu’elle contient des pesticides. On constate une nourriture carencée : plus (pas) de fruits, peu de légumes.
Ce qui nous intéresse : on aimerait mettre en place des circuits courts, permettant de se réapproprier une nourriture saine, dont on connaîtrait la façon dont elle est "fabriquée". Il existe aujourd’hui un écran, voulu et géré par la grande distribution, entre les producteurs et les consommateurs.
En agriculture, Il y a 4 départs pour une installation. Il y a 10 ans, il y avait 40 000 producteurs en Rhône-Alpes, il en reste 22 000 aujourd’hui.
Le revenu des paysans est de plus en plus bas. 40 % des paysans ont un revenu inférieur au SMIC".

Donc, propose-t-il,  pourquoi pas mettre en place quelque chose qui permettrait de consolider de petites exploitations, permettant à des gens de rester sur leurs terres, en développant des circuits courts ?  
Actuellement, 10 AMAP fonctionnent en Rhône-Alpes, 5 sont en cours et 5 projets ont été repérés.

Ludovic MAMDY (Chargé par Alliance PEC du développement des AMAP) intervient dans le même sens et précise :

"Cela revient à mettre en place une nouvelle façon de consommer, et en fait il s’agit de répondre à 2 problématiques :
- 1 -La qualité de l’alimentation : c’est un problème qui va fédérer les citoyens consommateurs.
- 2 - La "condition paysanne" : les exploitations aujourd’hui disparaissent (1 toutes les 3 minutes en Europe)".

Il présente le Schéma AMAP :
a)des groupes de citoyens consommateurs se sont créés qui se basent sur une réciprocité des échanges citoyens consommateurs / paysans.
b) des familles qui signent un contrat d’engagement auprès d’un agriculteur pour pré-financer la récolte
c) des paysans qui s’engagent à produire, en expliquant comment ils produisent.
d) ensemble ils signent (amap + paysan) un contrat d’objectif en s’appuyant sur le cahier des charges de l’agriculture biologique et la charte de l’agriculture paysanne.

Un centre social des quartiers Sud-est (Espace Loisirs) expose son expérience. Son directeur Jean-Paul Barbot est accompagné d’une animatrice et d’une habitante.

Ils et elles ont travaillé la question avec ADEAR (des contacts avaient été pris, sans suite concrète immédiate). La malnutrition, ça se vit dans les quartiers, (Lidl et Norma... ) "En 2004, on note une baisse d’Auchan au profit de Lidl..."

Martine Perret (animatrice) fait part de son inquiétude sur l’éducation au goût. "Les familles vont dans les magasins à bas prix. On assiste à une sorte d’éducation au goût faux. (ex : pas de cacao, des boissons au goût cacao, idem pour orange...)
Il y a un travail d’éducation au goût à faire..."

Le quartier Sud-est est dans l’opération : "partir d’un bon pied pour partir d’un bon poids". Dont les objectifs sont : manger correctement (des pique-niques différents...) et se bouger (activités sportives et physiques...).
Il y a de sérieuses difficultés : exemple les boissons sucrées : c’est la confusion sucré et gazeux. Mais "il ne faut pas culpabiliser les familles. Il y a un problème de budget, d’habitudes alimentaires, de cultures... Il faut conforter ce qui est bien et dire ce qu’il faut changer"
Il y a une attente sur le quartier sud-est pour mettre en place quelque chose avec les paysans.
La difficulté, c’est que les jeunes agriculteurs ont peu de disponibilité et, comme les populations avec lesquelles ils échangent, sont fragiles. Il faut bien comprendre qu’ils démarrent une activité "à haut risque".

Turkia Zouaoui (habitante quartiers sud-est) rappelle comment ça se passait, lorsqu’elle était jeune, à Montreynaud : un paysan venait livrer, il y avait un lien humain... Elle aussi insiste : Il ne faut pas accuser les gens de mal nourrir leurs enfants...
"nous les classes populaires, on n’arrête pas de nous dire que l’on mange mal. Moi, je ne trouve pas que je mange mal."

Ce à quoi Sylvette Escazaux (ATOS, Nature et progrès) a répondu que la détresse dans laquelle se trouvent ces personnes a les mêmes origines que celles qui font que la bio doit se battre pour s’imposer, et qu’il est par conséquent utile de parler de la bio, sans chercher à culpabiliser quiconque, mais pour montrer que tout est lié ".

Martial Granjon (ADEAR) apporte des précisions sur ce type d’expériences. Une rencontre avec les centres sociaux a eu lieu en 2004. Il existe un réel intérêt pour de nouvelles formes d’approvisionnement, mais il n’est pas possible de résoudre le problème globalement.

Il faut construire, et agir de manière diversifiée : informer, sensibiliser, organiser des réunions locales de paysans, proposer des produits, ouvrir des fermes au public, faire des marchés dans les quartiers...

Yohan Collin (ARDAB) travaille pour parvenir à la mise en place de repas bio dans les écoles, en y associant une réflexion sur comment ça a été produit et d’où ça vient. Mais il n’y a pas beaucoup de demandes venant des écoles. Il y a un travail à faire sur la composition des menus. Dans le Gard des liens existent entre des agriculteurs et les écoles : cela a permis de monter une plate-forme de distribution. En Rhône-Alpes, 4 plates-formes ont été mises en place.  A Lyon, depuis la rentrée, un nouveau cahier des charges des cantines scolaires été rédigé : 14 000 couverts / jour sont concernés (par exemple 50 % du poulet doit être bio)  . Mais Sodexho s’approvisionne en Italie...
Yohan pense que "l’école a un grand rôle éducatif à jouer pour l’alimentation."
Les nutritionnistes qui travaillent sur la qualité des repas des familles devraient regarder plus dans les cantines...

Sylvette Escazaux attire l’attention sur le fait qu’Il y a un risque avec cette approche de voir se développer des plate-formes de la bio qui fonctionnent sur l’importation (et donc l’exploitation des pays du Sud ). Elles favorisent certes les prix à la baisse, mais plutôt en provenance d’Italie et de l’Europe de l’Est. Cela ne résout pas le problème actuel de la survie ou de l’installation des petits agriculteurs bio.

Elle fait donc une proposition : "ne peut-on pas demander que l’obtention des marchés (cahier des charges des opérateurs publics) soit conditionnée à une politique de soutien (financier, technique...) à l’installation de paysans Bios en proximité des zones de consommation par les entreprises qui répondent à l’appel d’offre ?"

Ludovic MAMDY, dans le même esprit précise que :

- "pour la Restauration Hors Foyer, nous devons exiger que, les cahiers des charges prennent en compte l’aide à l’installation d’agriculteurs biologiques de proximité",

- "pour permettre la naissance de projets "pour une alimentation de qualité dans les quartiers", il est constitué trois groupes de travail (l’un sur les relations paysans-quartiers, animé par l’ADDEAR / le deuxième sur la création d’AMAP avec un fort partenariat avec les quartiers, animé par Alliance PEC R.A. / le troisième sur une réflexion Restauration Hors Foyer, animé par l’ARDAB). Afin de ne pas déconnecter les projets les uns des autres, les trois animateurs de ces associations-structures se communiqueront régulièrement l’avancée de leurs travaux".

José Louis Théry est le Directeur des "jardins de cocagne" à St-Just-St-Rambert. Des personnes en difficultés travaillent dans cette structure de maraîchage biologique qui génèrent 27 emplois (dont 7 sont permanents).
Lui insiste beaucoup sur la dimension culturelle de l’alimentation : "L’alimentation a toujours joué un grand rôle dans les comportements sociaux : Par exemple, la culture des céréales a joué un rôle historique civilisateur considérable". Il explique que dans le type de démarches qu’il développe, le contexte foncier est lourd ("il faut 3 ans pour créer quelques chose..."). Il y a 80 jardins de cocagne en France.
Il est catégorique : "L’Agriculture Biologique est créatrice d’emplois, de santé, de lien social et arriver à faire revenir le jardin dans la ville est un enjeu majeur aujourd’hui".

Il revient sur la question foncière et sur le problème du sur-étalement urbain : "Vers St-Just-St Rambert : 1 500 ha de terres agricoles vont partir pour faire une route 4 voies..."

Pour Sylvette Escazaux, L’agriculture conventionnelle est dominée par la chimie et les biotechnologies. La Bio ne se développe pas parce qu’elle est coincée dans une niche de marché simplement destinée à nourrir une population soucieuse de sa santé et qui a les moyens. Il n’y a pas de volonté politique de développer la bio.

Le problème de l’alimentation n’est pas seulement : quoi dans l’assiette, c’est aussi : quelle société on veut ? Si on n’est pas vigilant, on pourrait avoir du bio qui ne vaut pas grand chose. Il faut toujours lier la question du développement de la bio à celle de l’installation d’agriculteurs car la conversion pose beaucoup de problèmes, notamment en raison de la pollution des sols par les pesticides.
Il faut mettre l’agriculture au centre de la problématique du territoire.
L’agriculture est un secteur qui ne doit pas être dominé par le marché. Sa mission est de nourrir sainement les gens, pas les multinationales.

Janine Garcin Peraldi (Alliance PEC Rhône-alpes) fait état d’un forum qui a eu lieu en janvier 2004 (avec la participation d’experts ) sur les cantines scolaires. Il existe un compte rendu qui peut être diffusé à toutes celles et ceux qui sont intéressées.
Ce colloque a débouché sur la demande au conseil régional d’aider à mettre en place des plates-formes d’approvisionnement pour les écoles. Ce colloque a également mis en évidence l’énorme danger que représentent les pesticides.
Selon Jeanine Garcin, "Il est incontournable d’organiser des filières courtes, sinon le bio ne peut pas se développer".

Paul Chataignon revient sur la "vitesse de mise en place". Ca ne peut pas aller plus vite, parce que l’agriculture est sur des rythmes annuels. Il précise que la Confédération Paysanne ne défend pas seulement l’Agriculture Biologique.
Ce qui est important, c’est la transparence. Il n’est pas possible de créer des circuits courts avec des gens qui ignorent comment on produit. Il faudra que les gens puissent venir sur la ferme, voir à tout moment. "Bio ou pas bio, l’important est que les gens se réapproprient l’agriculture d’aujourd’hui ".
Avec la dernière réforme de la PAC, on va vers la suppression encore de la moitié des paysans qui restent, les autres devront donc produire encore plus.

 "La seule stratégie par rapport aux multinationales est de faire des circuits courts". 

Concernant les OGM : Le soja vient des USA. Le Brésil produit du soja non-OGM ("tracé") importé par Carrefour. Paul indique que des entreprises de transport, comme Vernet et Dumas, font une guerre contre le transport du soja non OGM. La nouvelle réforme de la PAC supprime l’aide à la culture des protéines pour remplacer le soja.

Jean-Denis Leriche est paysan à Charlieu. Il remet en cause la nécessité d’avoir recours au tourteau de soja. Il explique que "des fermes plus petites" peuvent s’en sortir".
Il décrit sa ferme : 37 ha, 18 vaches, des porcs, des poules pondeuses, avec céréales et petits pois. Il vit avec sa famille, pas dans le luxe mais il vit. Il a une clientèle fidèle de proximité.

Lui aussi est catégorique : "Ce qui sauve, ce sont les circuits courts".

Ludovic Mamdy rebondit sur cette intervention : "Il faut, dit-il, arriver à construire des formes d’agriculture - élevage dont le système se nourrit sur lui-même".

Annie Joubert (habitante du quartier du Crêt de Roch), s’appuyant sur l’expérience des CABAS et le rôle qu’ils jouent dans l’approvisionnement des familles à très faible revenu pose la question de créer un CABA de la bonne bouffe.

Charles Rullière : (Francas) revient sur le problème santé et qualité des aliments pour insister sur le rôle de l’éducation et celui que peuvent jouer parents et grands-parents.
Il confirme l’ampleur du travail à faire sur le choix de l’alimentation et les habitudes alimentaires.

Au cours de cette discussion, des approches diverses ont été évoquées. Celles des professionnels de l’agriculture, mais aussi celles de travailleurs sociaux, de consommateurs, de responsables associatifs. Vu des quartiers, le point de vue exposé par les représentants du centre social Espace loisirs est représentatif : il existe une attente dans le milieu populaire, mais les difficultés sont lourdes et il faut être conscient qu’on avancera dans la durée, aux moyens d’action multiformes. C’est aussi l’avis des professionnels.

Des pistes de travail ont été dégagées :

La construction de circuits courts,
le travail sur les habitudes alimentaires, l’Action éducative en milieu scolaire et périscolaire, la question de la restauration collective ( foyers, cantines etc.) et des cahiers des charges, l’incontournable problème de l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs.

Le rôle et le poids des spécialistes de la santé publiques, le blocage ressenti au niveau des prix et du poids de l’idée que le BIO c’est pour les riches, la question de la visite de fermes, l’intérêt de l’implantation en ville de jardins et de vergers pédagogiques.

La prise de conscience du problème foncier et le rôle central de l’aménagement du territoire, la question des normes, la nécessité de travailler périodiquement et dans la durée, l’atout que représente le potentiel considérable de la vie associative dans la région stéphanoise, les possibilités concrètes pour créer des AMAP...

Une vingtaine de personnes ont donné leur accord pour participer à un groupe de travail.

 Compte rendu rédigé par Raymond Vasselon  

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(*)Cet atelier était Co-organisé par : ADDEAR 42 - Alliance PEC (Ludovic MAMDY animateur - coordinateur des AMAP en Rhône-Alpes) - Des agriculteurs organisés en AMAP - Forum des réseaux citoyens (Raymond Vasselon - Marc Bardin) - Sylvette Escazaux (réseau ATOS, Nature et Progrès, FIL de Prades 66) - www.Altermonde (Jean Dornac) - Amicale Laïque du Crêt de Roch - AGEF Montreynaud - Jean Paul Barbot (Espace Loisirs de Montchovet) - Paul Chataignon (Confédération paysanne)...