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Eleveurs laitiers et producteurs de viande à nouveau acculés à la faillite...

C’est le modèle agricole qu’il faut transformer

jeudi 23 juillet 2015, par Roger Dubien

 30 août - La Confédération Paysanne a multiplié les actions et interventions cet été.
Voir Crise de l’élevage : la Conf’ aux côtés des paysans.
Le 27 août, la Conf’ a été reçue à l’Elysée par le Président de la République. Nouvelles actions en cours du 29 août au 6 septembre : "objectif Bruxelles" où les paysans se rassembleront les 6 et 7 septembre...
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Barrages routiers dans de nombreux départements du pays : des milliers de paysans sont passés à l’action ces derniers jours. Ces actions-ci ont été menées essentiellement avec les fédérations départementales de la FNSEA et les JA. Mais il apparaît que dans de nombreux départements la FNSEA a du mal à "canaliser" un mouvement qu’elle s’efforce de limiter. Par contre, son porte-parole Xavier Beulin, qui personnifie l’agriculture industrielle et l’agro-industrie s’est particulièrement démené dans les médias pour donner sa lecture des problèmes et ses solutions pas originales du tout puisqu’il s’appuie sur cette nouvelle crise pour demander une fuite en avant dans un modèle agricole qui élimine sans fin les paysans et l’agriculture paysanne.

Les agriculteurs producteurs de viande de porc et de viande de boeuf subissent une baisse des prix, alors que l’agro-industrie qui transforme, et la grande distribution qui vend, augmentent leurs marges.
Les producteurs de lait, eux, entrent dans une nouvelle crise laitière, avec un prix au litre qui va vers 30 centimes d’euros (300 euros la tonne), bien en dessous des coûts de production. Tout le monde se souvient de la crise de 2009 et de la "grève du lait" (combattue alors par la FNSEA) menée à l’initiative de l’APLI, de la Conf’ Paysanne et de la Coordination rurale. Cette crise-là a provoqué une nouvelle vague d’élimination des paysans. Mais quel remède y-t-il été apporté ? L’aggravation du mal par la disparition des quotas laitiers en Europe, suppression qui est totale depuis le 1er avril 2015. Alors on a eu la reprise de la course à l’augmentation des volumes, aux investissements dans les bâtiments et salles de traite, à l’agrandissement des fermes pour "baisser les coûts"... Et on a le résultat : une nouvelle surproduction et chute des prix. Et tout ça n’empêche pas les mêmes de plaider pour l’agrandissement et la concentration des fermes... alors que l’agro-industrie et la grande distribution roulent sur l’or. C’est sans fin.

Xavier Beulin, président de la FNSEA et homme de l’agro-industrie (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Beulin) fait le tour des médias pour vendre cette politique mortelle pour les paysans. S’il ne peut pas faire moins que de demander quelques aides d’urgence, il a surtout un mot à la bouche, sa priorité : "redonner de la compétitivité à l’agriculture française". Ce qui veut déjà dire qu’il faut damer le pion aux paysans des autres pays. Et comment ça ? Par une fuite en avant néo-libérale, par plus de dérèglementation, par plus de concentration des fermes, par moins de paysans. C’est ça qu’il appelle, lui, un "plan structurel".
Par exemple : Selon lui, en France, le salaire horaire des salariés des abattoirs est de 20 euros, contre 14 euros en Allemagne. Alors il faut que ça baisse, supprimer des normes, des règlementations, "baisser le coût social“, "aborder la question des coûts en France, sociaux, environnementaux, des contraintes règlementaires qui pèsent sur l’agriculture". Un nivellement par le bas en Europe, donc. La ferme des 1000 vaches qu’il soutient ayant mauvaise presse (la Conf’ a marqué des points !), il parle d’une étape à 150 - 200 vaches laitières...
Il demande aussi une restructuration des dettes (après que cette politique ait poussé des paysans à s’endetter jusqu’au cou), mais restructuration pour pouvoir investir et produire plus, et repartir ainsi pour un tour... Et une "contractualisation entre acteurs" de la filière agricole... après avoir supprimé les quotas laitiers !
Bref : la poursuite de la fuite en avant dans l’élimination des paysans (alors qu’il n’en reste maintenant que 400 à 450 000) et de l’agriculture paysanne, une nouvelle progression de l’agriculture industrielle et productiviste.

A l’inverse, la Confédération Paysanne demande, elle, de ne pas s’en tenir à un énième plan d’urgence, et de réorienter la politique agricole pour permettre le maintien des paysans, en soutenant une agriculture de proximité et de qualité, alors qu’avec la PAC 10 milliards d’euros sont engloutis pour arriver à la situation de crise d’aujourd’hui.

Voir plus bas la déclaration de la Conf’...

C’est aussi ce qu’a expliqué Laurent Pinatel sur Europe 1 ce mercredi 22 juillet :


Laurent Pinatel : "En France, on mange de la... par Europe1fr

Laurent Pinatel permet ainsi de comprendre pourquoi le "plan d’urgence" de 600 millions d’euros d’aides aux éleveurs que le gouvernement a annoncé quelques heures plus tard (100 millions d’annulations de charges et cotisations, et 500 millions de reports) n’est pas du tout à la hauteur de la situation des paysans...

La Confédération Paysanne : Plan d’urgence pour l’élevage = de l’essence dans le moteur mais un plan en panne de solutions durables

http://www.confederationpaysanne.fr

"Le plan de soutien aux éleveurs surendettés, notamment les jeunes, est certes nécessaire à court terme, cependant il ne doit pas servir à maintenir un système à bout de souffle et passer sous silence que tous les éleveurs sont aujourd’hui en crise, concernés par la baisse généralisée des prix.

Pour résoudre durablement cette crise, il faut stopper net cette politique de libéralisation délibérée qui a poussé au surendettement et met aujourd’hui en péril des dizaines de milliers d’éleveurs. On continue à favoriser la saturation des outils de production des entreprises agroalimentaires au détriment des éleveurs et des territoires.
Par ailleurs, il est illusoire de réactiver le mirage de l’export, dont les aléas (embargo russe, contraction des débouchés chinois) sont en grande partie responsables de la crise actuelle. Cela devient carrément cynique quand Manuel Valls envisage de profiter de la faiblesse actuelle des grecs pour conquérir leurs marchés agricoles.

Et que dire enfin du silence sur les accords de libre-échange en cours de négociations avec les États-Unis et le Canada. Aucun avenir pour les paysans européens face aux méga fermes-usines nord-américaines !

Le bon sens économique et paysan appelle à s’attaquer aux causes profondes de ces crises récurrentes, notamment par la maîtrise des volumes au niveau européen et la réorientation des politiques agricoles vers un autre modèle.

Ces aides seront donc à fonds perdus, comme la Cour des comptes en fait état dans son rapport, et ne serviront qu’à financer la restructuration et le plan de licenciement de l’agriculture à taille humaine mis en place par les industries agro-alimentaires."

22.07.2015